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Marie, Reine de la Paix : plus qu’un monument, un pan de mémoire

Cette année, le sanctuaire de Marie, Reine de la Paix célèbre ses 85 ans. Symbole de protection pendant la guerre, il reste un haut lieu de prière et de rassemblement pour toute l’île Maurice.

Photos d’archives : Diocèse de Port-Louis

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Elle veille, immobile, puissante et bienveillante. Depuis 85 ans, la statue de Marie, Reine de la Paix domine la capitale depuis la montagne des Signaux. Drapée de silence et de lumière, elle est devenue bien plus qu’un monument religieux : un repère, un refuge, un symbole pour des générations de Mauriciens. Et un lieu d’attraction indéniable pour les touristes. 

En plein ciel, elle trône. Depuis son promontoire verdoyant, le sanctuaire marial offre l’une des plus belles vues de l’île : Port-Louis en contrebas, son port, ses bâtiments, et à l’horizon, le Coin de Mire. Un cadre presque irréel. Pourtant, son histoire, elle, est profondément ancrée dans les heures sombres du XXe siècle.

Nous sommes en 1940. L’Europe est en guerre, et en Pologne, un sanctuaire dédié à la Vierge Marie est détruit. À Maurice, Mgr James Leen, alors évêque du diocèse de Port-Louis (1925-1949), prend cette profanation comme un appel. Il décide d’ériger une statue à Marie sur les hauteurs de la ville. Un geste fort. Une réponse spirituelle à la violence des hommes. « C’est lui qui a proposé le nom de Marie, Reine de la Paix, pour demander pardon pour le sacrilège qui a été fait à la statue de la Vierge en Pologne », explique Monique Dinan, journaliste, écrivaine, militante sociale et auteure de plusieurs livres.

Le choix de l’emplacement ne doit rien au hasard. L’objectif était clair : Marie devait dominer Port-Louis et veiller sur le port, principal accès maritime, alors que la Seconde Guerre mondiale faisait rage à ce moment-là.

Avec l’aide du Père Streicher, curé de la paroisse de l’Immaculée-Conception, le projet prend forme. Chaque détail compte. L’accès au monument, situé à 53 mètres d’altitude (175 pieds), se fait en gravissant 82 marches réparties sur sept terrasses. Des marches bordées de jardins fleuris, conçues comme une montée vers la sérénité.

Très vite, le lieu devient vivant. Les vendredis, les pèlerins affluent pour réciter le chapelet. Les premières messes y sont célébrées en 1942. Le 2 mai, une messe est dédiée aux Pionniers mauriciens envoyés en Égypte. Le 16 mai, les enfants montent à leur tour : c’est le premier pèlerinage qui leur est consacré. 

Aujourd’hui encore, le sanctuaire continue de rassembler. Ce dimanche 8 juin, il accueillera un moment fort : la messe de la Pentecôte, au cours de laquelle 73 personnes âgées de plus de 16 ans recevront le sacrement de confirmation, une première à Maurice. Une célébration qui marquera également la messe de bienvenue pour le pape Léon XIV, élu et installé au Vatican depuis le 8 mai, ainsi que les 85 ans du sanctuaire, dans un lieu chargé d’histoire. 

Une statue réalisée en Italie

Sculptée dans du marbre blanc de Carrare, la statue mesure trois mètres. Elle représente la Vierge tenant un globe terrestre dans ses deux mains, posé sous son visage, près de l’épaule gauche. Son regard exprime une tendresse mêlée de compassion. L’œuvre, d’un poids de quatre tonnes, a été réalisée dans les ateliers de Fernandino Palla à Pietrasanta, les mêmes qui ont conçu le retable du maître-autel de la cathédrale 
Saint-Louis.

Ces moments forts sous le regard de Marie

Depuis son inauguration, le sanctuaire Marie, Reine de la Paix a été le théâtre de nombreux moments marquants de l’histoire religieuse à Maurice. De grandes célébrations y ont été organisées, à commencer par les ordinations sacerdotales et épiscopales. C’est là que Mgr Jean Margéot fut ordonné évêque en 1969, suivi de Mgr Maurice E. Piat en 1991. 

Au fil des décennies, d’autres événements majeurs sont venus renforcer la portée symbolique du sanctuaire. En 1979, c’est à Maurice que fut célébrée une messe en hommage à la béatification du Père Laval. Dix ans plus tard, en 1989, la visite du pape Jean-Paul II attire des foules impressionnantes sous les pentes du monument. En 2009, c’est dans ce même cadre solennel que furent célébrées les funérailles du cardinal Margéot, figure spirituelle respectée du pays.

Plus récemment, en 2019, le pape François choisit ce lieu emblématique pour sa visite pastorale à Maurice. Et le 20 août 2023, le sanctuaire accueille un autre grand moment : l’ordination épiscopale de Mgr Jean Michaël Durhône, actuel évêque de Port-Louis. 

Lieu de pèlerinage et de prières

Le 16 mai 1942, le sanctuaire accueille le premier pèlerinage des enfants de Marie. Dès lors, les rassemblements se multiplient, avec l’instauration de pèlerinages mensuels : ceux des Légionnaires, la messe du Travail, ou encore la Jeunesse en marche.

La même année, environ 20 000 personnes participent à une messe de renouvellement de consécration au Cœur Immaculé de Marie, avant de se réunir pour une fête au Jardin de la Compagnie. La messe des Pionniers, celle des cheminots… le site devient le point de convergence de manifestations spirituelles majeures, parfois rassemblant entre 10 000 et 40 000 fidèles.

Protection mariale de Port-Louis

La statue surplombe Port-Louis et son port, dressée face à l’océan comme un rempart silencieux. Son rôle, à l’origine, n’avait rien de symbolique : il s’agissait bel et bien de protéger l’entrée maritime du pays en temps de guerre. « À l’époque de la Seconde Guerre mondiale, des bateaux accostaient à Maurice », rappelle Monique Dinan.

Mgr James Leen, évêque de Port-Louis et fervent dévot marial, était convaincu de la puissance de l’intercession. Il croyait profondément que les prières adressées à Marie seraient exaucées. Dans une ville plongée dans l’obscurité chaque nuit – black-out oblige –, un détail frappait les esprits : les lumières du sanctuaire, elles, ne s’éteignaient jamais. « Et le site ne fut jamais bombardé », souligne Monique Dinan.

La protection mariale ne date pas de 1940. Dès 1934, une première statue de Marie, Reine de Maurice, installée en face de l’église Notre-Dame de Lourdes, avait été couronnée. 

Reine silencieuse, mémoire vivante : Une statue mariale pour protéger Maurice

Le 15 août 1940, dans un contexte mondial marqué par l’incertitude et la violence, environ 40 000 personnes assistent à l’inauguration officielle du monument Marie, Reine de la Paix. Quelques mois plus tôt, le 1er mai, la première pierre portant l’inscription « Marie Reine » avait été posée. L’objectif de ce sanctuaire marial, élevé alors que la Seconde Guerre mondiale battait son plein, était clair : protéger Maurice de la guerre et réparer symboliquement l’outrage infligé au principal sanctuaire marial de Pologne, alors sous occupation.

Un sanctuaire édifié sur la Montagne des Signaux

Le monument prend place sur un terrain de 300 pieds carrés (soit 27,87 mètres carrés), situé sur les pentes de la Montagne des Signaux, à l’entrée du boulevard Édouard VII. Un choix stratégique, soutenu activement par la municipalité de Port-Louis, qui en assure encore aujourd’hui l’entretien. L’architecture du lieu se distingue par la forme d’un arc allongé, mesurant 18 pieds de profondeur (5,49 mètres) et 84 pieds de largeur (25,60 mètres), prolongé de chaque côté par deux petites salles servant de sacristies. L’ensemble atteint une longueur de 112 pieds (34,14 mètres).

Le travail minutieux des artisans mauriciens

Le tabernacle est une réalisation des Forges Tardieu. Doté d’une porte en bronze, d’un coffre en cuivre rouge doublé de teck, et de six chandeliers assortis, il incarne le savoir-faire de l’industrie locale. Sa fabrication a été supervisée par Lucien Giraud, chef d’usine, puis ajustée par Georges Titon et Raoul Balaram.

Un lieu emblématique pour l’Église catholique

Depuis 1940, le sanctuaire accueille la majorité des grands rassemblements catholiques de l’île. Le 15 août 1944, il est illuminé pour la première fois, de 7 h à 21 h, alors que la Seconde Guerre mondiale fait toujours rage. L’année suivante, le 15 août 1945, entre 18 000 et 20 000 personnes s’y rassemblent dans un élan de ferveur. Ce jour-là, alors que Maurice est encore une colonie britannique, 7 000 pionniers mauriciens et 1 500 jeunes soldats sont envoyés en Égypte.

Sources : Présence de la Vierge Marie dans notre République de Maurice (Monique Dinan), Mary, Queen of Peace, Protector of Mauritius (Monique Dinan/Sister Cécile Leung PhD.)

 

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