Le directeur de communication et du marketing du Fonds de solidarité africain (FSA) exhorte Maurice à montrer plus d’ambitions en Afrique. Vidur Ramdin, en poste au Niger depuis 2017, met l’emphase sur les opportunités présentes sur le continent dans tous les domaines.
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Vous étiez à Maurice pour coordonner la présence du Board du FSA et la partie mauricienne, quelle en a été l’issue ?
Ce type de réunions prend en général du temps pour donner des résultats, mais, dans l’immédiat, un accord pour un soutien financier a été concrétisé pour une société mauricienne à court-terme. Il faut dire que Maurice ne recherche pas trop de soutiens de la part du FSA.
Est-ce que le Fonds est-il une entité importante en Afrique ?
Absolument. Il regroupe 14 pays francophones, et s’apprête à accueillir le Cameroun et la République démocratique du Congo et regroupe trois blocs qui en sont également les actionnaires, à savoir la CEDEAO, la CEMAC et le COMESA. Quant à son importance, il s’agit de participer au développement économique et à la lutte contre la pauvreté dans ses États-membres en facilitant le financement de projets d’investissements. Pour ce faire, le FSA ambitionne d’être le catalyseur des systèmes financiers des pays membres en vue de permettre aux entreprises privées, aux PME/PMI et aux institutions de micro-finance, d’accéder au crédit bancaire et/ou de lever l’épargne leur permettant de financer des projets d’investissements productifs qui concourent au développement économique des pays membres et à la réduction de la pauvreté pour les populations.
Comment avez-vous pu intégrer un organisme situé dans un pays aussi lointain ?
J’ai fait acte de candidature après avoir lu une offre d’emploi dans la presse mauricienne pour le poste de directeur de communication. J’ai fait prévaloir mes diplômes, dont deux maîtrises ainsi que mon expérience de travail à Maurice. Mais, au-delà des diplômes, une fois au Niger, il m’a fallu m’acclimater avec les réalités du pays et ce n’était pas gagné. Pour y arriver, j’ai fait des concessions, comme garder le jeûne du Ramadan. Je ne pouvais pas manger, alors qu’autour de moi, mes collègues eux jeûnaient. Puis, j’ai participé à certaines activités sociales, religieuses et culturelles du pays et j’ai appris deux de leurs langues locales les plus parlées, le german et la hawsa. Aujourd’hui, je me rends compte du bénéfice que tout cela m’a apporté : j’ai réussi à intégrer ce pays où j’ai un poste rémunérateur et je participe à l’édification d’une économie en pleine croissance. J’ai créé le département de la communication, mis en place ses structures et recruter du personnel. Puis, j’ai redynamisé son site web, avec une plus grande visibilité sur les réseaux sociaux. Mais ce parcours, en termes d’intégration, est le même que tout étranger en Afrique doit connaître.
Les Africains du XXe siècle ne sont plus ces colonisés qui se laissent séduire par de belles et vagues promesses.»
Est-ce que les Mauriciens sont-ils prêts à suivre votre exemple ?
Ils devraient. Car, certains types d’emplois manquent à Maurice et le pays ne pourra pas en offrir à tous ces jeunes diplômés ou ceux formés aux métiers. Ni l’Europe ni le Canada ne sont, non plus, en mesure de les accueillir en si grand nombre. Seul le continent africain est prometteur en offres d’emplois avec des salaires rémunérateurs. Rien qu’au Niger, où je réside depuis une année, les emplois foisonnent : dans le secteur de la santé, l’accueil, les services financiers, la communication et la publicité, la formation, le tourisme. Les opportunités sont vastes et, à titre d’exemple, le FSA a retenu les services d’une société mauricienne pour réaliser son rebranding. En 2019, le Niger accueillera le sommet de l’Union africaine, c’est vous dire la capacité de ce pays à accueillir autant de dirigeants africains. Peut-être qu’il y aura là des occasions à saisir de la part des sociétés mauriciennes engagées dans l’accueil et l’événementiel, entre autres.
Est-ce que les entrepreneurs mauriciens connaissent-ils bien l’Afrique ?
Personne, à mon avis, ne peut prétendre connaître l’Afrique, car ce continent n’est pas monolithique, du Maghreb jusqu’à l’Afrique-du-Sud, en passant par l’Afrique subsaharienne. Mais, en ce qu’il s’agit des Mauriciens, on en est resté à des clichés ou à des informations très superficielles. Venir affirmer à tout bout de champ que Maurice fait partie du continent africain ne suffit pas: rien chez le Mauricien ne le démontre, en revanche on a les yeux constamment rivés vers l’Europe. En fait, nous regardons l’Afrique avec des yeux de colonisés, avec une pincée de mépris et de supériorité. Mais nous avons tort, car les Indiens et les Chinois, eux, ont longtemps compris que l’avenir est en Afrique.
Sont-ils acceptés en Afrique ?
Oui, parce que cela fait plus d’une dizaine d’années qu’ils y sont, les Indiens un peu plus longtemps, datant de l’épisode de leur expulsion d’Ouganda. Mais ces deux pays ont tous deux compris qu’il faut d’abord poser les pieds en Afrique, se frotter à la culture africaine, à ses coutumes, avant de gagner sa confiance non pas en conquérants, mais en partenaires respectés de tout projet de développement. Cet état d’esprit est essentiel, les Africains du XXe siècle n’étant plus ces colonisés qui se laissent séduire par de belles et vagues promesses où, finalement, ils n’obtiennent que des miettes.
Ils savent ce que contiennent leurs terres, donc ils veulent entrer dans des situations ‘win-win’. La plupart des pays africains connaissent une croissance à double chiffres, ce qui fait d’eux le marché le plus prometteur au monde. Dès lors, on comprend le sens de la visite du président chinois Xi Jinping en Afrique. Au Niger, je vois les Indiens et les Chinois parler les langues locales, ils travaillent au sein de la population et cette proximité leur sert pour réaliser les ambitions de leurs pays respectifs. Ils ne ressentent aucun problème à se fondre dans la population nigérienne.
Toutes les grandes puissances du monde ont déjà pris la mesure des promesses sur ce continent.»
Comment Maurice peut-elle envisager une stratégie en Afrique ?
Il faut commencer par deux initiatives : d’abord mettre sur pied une agence d’informations et d’investissements à Maurice, semblable au Board of Investment, ensuite ouvrir des consulats dans certaines capitales africaines. L’agence que j’appelle de mes vœux devrait être constituée d’une équipe de consultants, d’hommes d’affaires, mais aussi de diplomates chevronnés. Quant aux consulats, il faut qu’ils soient constitués de personnes compétentes, rompues aux réalités africaines. L’agence et les consulats seraient les principaux pôles de notre stratégie d’investissements en Afrique. Je ne vois nulle autre façon de réaliser nos ambitions en Afrique.
Il y a, certes, des investissements à consentir mais, il faut prendre le pari africain. Si toutes les grandes puissances du monde se trouvent en ce moment en Afrique, c’est qu’elles ont déjà pris la mesure des promesses sur ce continent. Nous avons les ressources humaines nécessaires, grâce à notre niveau de formation dans de nombreux domaines, pour remplir des fonctions dans le sillage des investissements indiens et chinois, notre bilinguisme anglais-français étant un capital unique. J’en suis un exemple et avec quelques sacrifices au départ et des concessions, j’ai réussi à me fondre dans une société différente de la nôtre, mais où la culture ancestrale est restée vivante. C’est un trait saillant de l’Afrique, qui fait que tout développement, de quelque nature soit-elle, doit tenir compte du poids des traditions. Ce qui fait que l’Afrique ne perd jamais son âme.
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