Vente d’actions de l’ex-BAI à Britam Kenya : l’énigme qui vaut Rs 1,9 milliard en passe d’être résolue

saj et bhushan domah SAJ avait soutenu devant l’ex-juge que c’est Roshi Bhadain qui est à l’origine du problème.

L’ex-juge Bhushan Domah et ses assesseurs arrivent au bout du tunnel dans l’analyse du dossier sur la vente d’actions de l’ex-BAI à Plum Holdings, en juin 2016, pour la somme de Rs 2,4 milliards. Y a-t-il eu un manque à gagner de Rs 1,9 milliard pour l’État ? Lumière sur cette affaire.

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Comment et pourquoi les 23,4 % d’actions de l’ex-BAI au sein de Britam Kenya ont-elles été vendues à Rs 2,4 milliards à Plum Holdings en juin 2016, alors qu’un autre acheteur, en l’occurrence MMI Holdings, qui était prêt à mettre Rs 4,3 milliards sur la table ? C’est l’épineuse énigme que tentent de résoudre Bhushan Domah et ses assesseurs, Sattar Hajee Abdoula et Imrith Ramtohul. Et ils semblent toucher au but. Après 22 auditions, les contours de l’affaire commencent à se dessiner.

Plusieurs protagonistes qui ont déjà déposé sont invités à revenir à la barre pour apporter des éclaircissements sur des points spécifiques. La commission d’enquête publiera son rapport dans les mois à venir. La possibilité de se rendre au Kenya pour examiner certains documents est explorée. Il nous revient qu’au niveau de la commission, on s’est déjà fait une certaine idée des dessous de ce deal.

Ce sont essentiellement deux versions qui s’affrontent. D’un côté, il y a l’ex-ministre des Services financiers et de la bonne gouvernance, Roshi Bhadain, ses ex-conseillers, et dans une certaine mesure l’ancien administrateur spécial Yacoob Ramtoola et Afsar Ebrahim, Deputy Group Managing Partner de BDO Mauritius. Ceux-ci soutiennent que leur rôle dans cette vente n’a été que marginale et qu’il faut examiner les actions entreprises par le ministère des Finances pour découvrir le fin mot de l’histoire.

De l’autre, il y a le ministre mentor sir Anerood Jugnauth,  l’ex-ministre des Finances Vishnu Lutchmeenaraidoo et les membres du conseil d’administration de National Property Fund Ltd (NPFL). Ils disent que c’était Roshi Bhadain et ses proches qui étaient à la manœuvre.

Les deux séances de la semaine écoulée ont été particulièrement riches en enseignements. Elles permettent d’entrevoir vers quoi la commission se dirige. Mercredi, Bhushan Domah est venu établir qu’il y a eu maldonne dans cette affaire. Deux procès-verbaux distincts d’une réunion capitale, qui s’est tenue le 18 novembre 2015, circulent. Cette rencontre avait eu lieu à Nairobi, au Kenya. Elle avait réuni Vidianand Lutchmeeparsad, ex-secrétaire permanent au ministère des Finances, Peter Munga, l’homme d’affaires kenyan qui rachètera plus tard les quelque 23 % d’actions de l’ex-BAI, et un représentant de BDO Kenya.

Plusieurs auditions

Si les documents que Le Défi Plus a pu consulter sont en tous points similaires, quelques mots font néanmoins toute la différence. L’un indique que les actions de l’ex-BAI doivent être vendues au même prix que celui offert par le Sud-Africain MMI Holdings. Dans l’autre, on peut lire que la vente devra se faire sur la base d’une « mutually acceptable valuation ». La commission soupçonne que la version modifiée a influencé le gouvernement qui a raté l’occasion d’engranger Rs 4,3 milliards et qui a finalement vendu les parts à Rs 2,4 milliards.

Jeudi, la commission d’enquête a entendu d’anciens membres du conseil d’administration de NPFL, dont son ex-président Gautam Saddul. Ceux-ci ont expliqué qu’ils ont subi des pressions pour vendre les actions de Britam Kenya, précisant qu’ils n’ont pas été actifs dans la prise de décision. Certains ont montré du doigt BDO. « Nous avons reçu une requête de BDO pour approuver cette vente », a lâché Gautam Saddul. Et d’ajouter que « nous avions été mis devant le fait accompli ».

Shakuntala Devi Gujadhur-Nowbuth, secrétaire permanente du ministère de l’Agro-industrie et ancien membre du conseil d’administration de NPFL, abonde dans ce sens. Elle a déclaré qu’un ancien conseiller de Roshi Bhadain avait « indiqué que la vente des actions était une décision du Cabinet ».

Il faut souligner que durant son audition, Roshi Bhadain avait affirmé qu’il y avait énormément de pressions car il fallait procéder au remboursement d’une tranche importante aux clients du Super Cash Back Gold et de Bramer Asset Management. Est-ce cela qui a provoqué une grande précipitation pour vendre les actions à Peter Munga ? Ou est-ce parce que le gouvernement kenyan voulait « a kenyan solution to a kenyan problem » ? Ou y a-t-il eu une motivation plus obscure ? Pour sa défense, Roshi Bhadain avait dit devant la commission que c’était le ministère des Finances qui avait négocié avec Peter Munga.


C’est quoi Britam Kenya ?

Au Kenya, Britam est un mastodonte. La société, qui est un des leaders dans le secteur financier, a des intérêts dans la région de l’Afrique de l’Est et du Sud. Outre le Kenya, l’assureur, qui a aussi des activités dans le secteur bancaire et le foncier, est actif en Ouganda, en Tanzanie, au Rwanda, au Soudan du Sud, au Mozambique et au Malawi.


Qui est Peter Munga ?

Multimilliardaire avec une fortune personnelle dépassant les Rs 4 milliards, Peter Munga est le président de l’Equity Bank, à laquelle Plum Holdings est affiliée. Avant le deal, Peter Munga, qui détenait des actions à travers Plum Holdings mais aussi en son nom propre, était un actionnaire minoritaire de Britam Kenya alors que la BAI en était l’actionnaire majoritaire. Alors qu’il détenait 16,96 % d’actions, il a porté son portfolio à 23,3 % grâce à la vente faite par le gouvernement mauricien. Il détenait ainsi 40,26 %. En janvier 2017, l’International Finance Corporation, une filiale de la Banque mondiale, a acheté 10,37 % d’actions. Parmi, il y a des actions détenues par le septuagénaire. Le deal se fait pour environ Rs 1,2 milliard.


Rama Valayden : « Des années avant des accusations formelles »

« Ce n’est pas demain la veille qu’on verra des gens être formellement accusés dans cette affaire », estime Rama Valayden, ancien Attorney General. La commission d’enquête sur la vente des actions de l’ex-BAI dans Britam Kenya ne peut que donner son opinion et faire des recommandations et les soumettre au Président de la République qui communiquera ensuite le document au Bureau du Premier ministre.

« Le Premier ministre présentera le document au Conseil des ministres qui en discutera et décidera s’il faut le rendre public ou pas. S’il y a des recommandations pour des poursuites au criminel, elles seront envoyées au commissaire de police qui ouvrira une enquête. À la suite de l’enquête, le dossier sera envoyé au Directeur des poursuites publiques qui décidera s’il faut entamer des poursuites ou pas », explique Rama Valayden.

Si le rapport est rendu public, un de ceux mis en cause peut opter pour une Judicial Review s’il estime qu’il n’a pas eu droit à un « fair treatment ». Et s’il n’obtient pas gain de cause en Cour suprême, il a encore l’option Privy Council. Une procédure légale qui peut prendre plus de quatre ans.


Un an de travaux

Cela fait environ un an que l’ex-juge Bhushan Domah et ses assesseurs Sattar Hajee Abdoula et Imrith Ramtohul fouillent dans le dossier de vente de 23,4 % d’actions de Britam Kenya qui appartenaient à la defunte BAI. Mis sur pied par le Conseil des ministres le vendredi 7 avril 2017, la commission d’enquête a tenu 22 séances publiques jusqu’ici. L’objectif : établir si la vente s’est faite dans l’intérêt du vendeur, en l’occurrence l’État à travers National Property Fund Ltd.

Celle-ci s’est vue confier des avoirs de l’ex-BAI et a comme mandat de procéder au remboursement des victimes de Super Cash Back Gold et de Bramer Asset Management.

Il s’agit aussi de comprendre pourquoi le Kenyan Peter Munga a remporté la mise devant MMI Holdings Ltd qui avait proposé un montant de Rs 4,3 milliards. La commission d’enquête doit aussi vérifier s’il n’y a pas eu de fraude, de faute professionnelle, une mauvaise gestion du dossier voire un acte de corruption.

Autre point à éclaircir : pourquoi la décision avait été prise de mener la transaction de vente en shillings kenyans plutôt qu’en dollars américains, comme c’est normalement la pratique.

 

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