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Un Tom Sawyer bien de chez nous : itinéraire d’un petit filou 

Jamel est un bout-en-train, mais la vie ne lui a pas fait de cadeau. Heureusement, il y a sa tante...
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Il a perdu sa mère en juin dernier. Lorsqu’il avait quatre ans, ses parents se sont séparés. Il a deux sœurs et un frère. Jamel a cessé l’école après avoir doublé presque toutes ses classes. Aujourd’hui âgé de 13 ans, le petit filou se fraye sa voie.

Pour Tom Sawyer, il y a des choses vraiment plus importantes que l'école ! Comme aller à la pêche, se battre avec les nouveaux venus du village ou, plus important encore, retrouver son ami Huckleberry Finn… Jamel se la joue comme dans Les Aventures de Tom Sawyer, le roman estampillé « jeunesse » de Mark Twain.

Le gamin, originaire de la Résidence EDC à Rivière-Noire, menait sa petite vie comme bon lui semble et errait dans la rue pour jouer ou faire des conneries. Récemment pris en charge par sa tante Marinette, après le décès de sa mère des suites d’une longue maladie, Jamel change graduellement le cours de sa vie. Discipline oblige, nous dit-il, dans un éclat de rires. Il ne cache pas que, de temps en temps, il défie évidemment l’autorité de sa tante, mais confie que, sans elle, il serait sans doute livré à lui-même.

« Les gros mots, je les connais tous. Mais je ravale ma colère lorsque je sais que je vais me faire gronder », raconte le petit bonhomme, arborant un sourire timide. Si, dans la rue, il fait ses propres lois, chez sa tante, il se ménage en ce qu’il s’agit des bêtises. Au cas contraire, il sera confiné dans sa chambre et ne pourra pas aller jouer avec ses amis. « Je déteste les punitions. »

Son quotidien 

À 9 heures en jour de semaine, Jamel se rend à l’Atelier Technique de Rivière-Noire (ATRN). Lieu où il s’adonne à la sculpture, la cuisine, au soudage et à un calendrier d’activités établi par les responsables pédagogiques de l’ATRN, qui vise à accompagner les enfants démunis qui ont du mal à s’adapter à un programme scolaire normal.  

S’il jouait au foot dans la rue, toutefois, en intégrant l’ATRN, Jamel a développé une véritable passion pour le cyclisme. Il souhaite s’acheter un vélo à Rs 13 000 pour se perfectionner dans ce domaine. Mais, il n’a que Rs 450 en ce moment. Des sous qu’il économise à chaque nettoyage de bateau qu’il effectue après les heures passées à l’ATRN. 

Jamel joue aussi de la musique. Son rêve est de pouvoir se payer des cours de musique dispensés dans sa localité. « Je veux jouer de la batterie », dit-il avec les yeux qui écarquillent. Veux-tu faire carrière dans la musique Jamel ? À cette question, il ne sait pas quoi répondre. À 13 ans, il n’y a pas encore pensé, nous dit-il. Mais nous dévoile son amour pour la mer. « Je me verrais bien skipper, mais je dois faire une formation. J’y penserais après », dit-il insouciant de son avenir, tout en s’enveloppant les bras dans le revers de son t-shirt. 

À 13h00, la réunion des parents a lieu sous une varangue. Les élèves de l’ATRN s’asseyent sur les perrons de l’église St-Auguste. Ils rigolent, mais ils sont tous froussards. Car les responsables de l’ATRN ne manqueraient pas de dire à leurs parents leur comportements en classe ainsi que la liste des bêtises. Insouciant, Jamel nous suit pour une séance de photos. Il nous brosse un tableau de sa vie au quotidien. « Une fois j’ai eu un empereur. Mais ici, j’ai des carangues et autres poissons. Je n’aime pas en manger. Je les refile à mes amis qui pêchent avec moi. »

Jamel prend place sur la jetée et enlève ses savates avant de sauter dans l’eau. D’un revers de main, il se mouille le visage et regarde l’horizon. Il respire à pleins poumons et a le regard triste. Il contient ses émotions avant de nous dire : « Vous voyez là-bas, ce sont les deux bateaux que je nettoie ». Nous faisons quelques pas ensemble et il aperçoit un de ses cousins qui s’est fait choper par la police de Rivière-Noire. Il siffle, mais celui-ci ne le remarque pas. Jamel continue sa route et nous rejoignons ses copains de classe. 

Sa journée est presque finie, mais il compte les heures, car il doit faire son petit boulot qui lui permettra d’acheter un vélo. Mais encore, il doit aller voir son ami pour lui emprunter sa bicyclette pour une balade sur la côte ouest. Cela avant de rentrer chez sa tante pour dîner, se doucher et dormir.

Shelter et RYC 

« Ma mère venait me voir. Elle me disait que la meilleure solution est que je reste dans les shelters. »  Cette décision n’attriste pas Jamel, âgé alors de sept-huit ans, au moins il mangeait à sa faim et avait des amis pour jouer, au lieu d’errer dans les rues, sans perspectives d’avenir. À trois reprises, il change de shelter. Il s’est même fait choper pour une histoire de vol commis par son cousin. Direction : le Rehabilitation Youth Centre (RYC). Jamel raconte : « Lors d’une sortie à la plage organisée par les responsables du shelter, mon cousin et moi avions décidé d’aller pêcher. Il a vu une dame avec ses enfants sur la plage. Il lui a volé son portefeuille. Le pactole était de Rs 3 000. Il m’en a donné Rs 1 000. Et on a pris la fuite ».  

De retour au shelter, ce vol à la tire a été signalé à la police. Les officiers du Central Investigation Department ont initié une enquête. Jamel leur a donné sa version des faits, en vain. « Mon cousin m’a fait porter le chapeau. » Las de se défendre, Jamel s’avoue vaincu. Il est placé au RYC pour deux semaines. En ce qu’il s’agit de l’argent du vol reçu, Jamel confie qu’il s’est acheté des sucreries, de la nourriture mais encore des pétards juste parce qu’il voulait en éclater.  Il n’en est pas fier mais ce qu’il sait, désormais, c’est qu’il souhaite rester loin des embrouilles. 

Tom Sawyer local
Cet ado a voulu se suicider.

La fugue 

Peu de temps après, Jamel décide de faire une fugue de l'abri où il est placé. « L’assemblée se termine à 8h15. Mes amis et moi avons monté un plan pour fuguer. Mais je me suis fait prendre par mon coach de foot. J’ai dû revenir à l'abri. À la moindre occasion, je me suis barré. » Et d’ajouter qu’il a pris l’autobus d’Albion jusqu’à Gros-Cailloux, sans un sous en poche. Mais le voyage a été possible grâce à sa carte d’étudiant. Ensuite, il a pris un autre autobus vers Rivière-Noire en direction de sa maison. Un trajet durant lequel il a fait semblant de dormir ou en se cachant sous les sièges pour que le receveur ne lui demande pas de payer son ticket. « Mon cousin m’a aperçu. Il m’a demandé de rentrer à la maison et qu’il viendra me voir plus tard. Il est venu. Je lui ai raconté mes soucis. Ma tante est venue me chercher pour consigner une déposition à la police en ce qui concerne ma fugue. Depuis que je suis chez elle, je me sens bien, mais je veux repartir à l’école que je fréquentais autrefois. J’espère que je pourrais le faire. » Dans la localité où il vit, Jamel est conscient qu’il n’est pas à l’abri des fléaux, parmi la drogue. S’il a essayé une cigarette par pression de ses pairs, toutefois le gamin envisage de rester loin de cet univers. « J’ai vu mon oncle sombrer. Je ne veux pas de cette vie. » 

Le mal–être 

Jamel a ses défauts, mais l’enfant ne cache pas ses souffrances. Son plus grand regret c’est de ne plus voir sa mère, son grand-père et sa grand-mère. « Ils ne sont plus de ce monde. Ils me manquent terriblement. Mais je remercie ma tante pour tout l’amour qu’elle me porte ».

Appel de solidarité à toute personne qui souhaite aider Jamel Auguste : il n’a pas les moyens de se payer des cours de musique et souhaite jouer de la batterie. Il recherche également un vélo inutilisé pour faire du cyclisme. Cela en attendant que ses économies fleurissent pour pouvoir enfin rouler son vélo de rêve, tout en ayant les cheveux dans le vent.  

Se suicider pour deux secondes 

« J’ai fait une corde avec mes lacets de chaussures. Après, je l’ai attachée à la fenêtre pour me pendre. Après deux secondes, je me sentais faible. Je n’ai pas poursuivi ma tentative de suicide. Je me suis caché sous mon lit pour me calmer. Je fais toujours ça », confie Jamel. Cette tentative de suicide, raconte-t-il, fait suites à de multiples altercations avec un responsable du foyer où il séjournait. « Il me parlait mal. Il me frappait. J’étais en colère. Je l’ai injurié. J’ai même pris un couteau pour lui faire peur. Après j’ai réalisé que j’allais être dans de beaux draps. J’ai décidé ainsi de mettre fin à mes jours avec mes lacets. » Jamel fait semblant d’oublier cet épisode, mais il se remémore ce qui a suivi le jour suivant. « On m’a conduit à l’hôpital Brown Sequard pour un traitement. Mais je ne suis pas fou », dit-il, décontenancé.

 

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