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Tradition : le jour où ces beaux métiers disparaîtront

Certains métiers traditionnels ont pris la patine du temps. Et les jeunes ne veulent pas prendre la relève de leurs aînés. Zoom sur quelques-uns de ces métiers condamnés, à plus ou moins brève échéance, à disparaître.

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Dharma Murday : «Les marchands de poutou sont rares»

Dharma Murday est marchand de poutou depuis  37 ans. Il est entré dans le métier en 1980 alors qu’il avait 27 ans. Il était au chômage et un ami lui a conseillé de s’adonner au commerce de poutou. « La recette de ce gâteau est transmise de génération en génération. À la base, ce sont mes grands-parents qui m’ont appris comment préparer ce gâteau. Pour être honnête, les conditions de vie à l’époque n’étaient pas évidentes. Je n’ai pas trop eu le choix », confie-t-il.

En sus de vendre des poutou, Dharma Murday est un marchand ambulant qui fait du porte-à-porte. « Au départ, j’ai décidé de me déplacer vers les gens, vu que c’était un moyen plus sûr d’assurer la vente de mes gâteaux. Cela a été un choix payant ! » s’exclame-t-il. 

Selon Dharma Murday, le métier de marchand de poutou peut être rentable à condition de pouvoir surmonter les obstacles. « La préparation des gâteaux nécessite avant tout un véritable savoir-faire. Ce n’est pas aussi simple que de faire des petits baja ou des pains frits. Au début, il m’a fallu beaucoup de temps pour apprendre cette recette, car elle demande énormément de patience et de technique. J’ai dû faire plusieurs sacrifices avant de pouvoir vivre décemment de mon métier aujourd’hui. J’ai toujours pensé à l’avenir. Si un jour de travail me rapporte 10 sous, j’économise cinq sous. »

Toutefois, poursuit Dharma Murday, le métier de marchand de poutou se fait rare. « Les marchands de poutou sont rares. À Maurice, il y a, entre autres, mon frère, mon cousin et moi qui exerçons ce métier. D’ailleurs, c’est moi qui leur ai appris à faire ces gâteaux. La relève ne sera a priori pas assurée, car nos enfants ont fait des études et aspirent à exercer d’autres professions. Nou, nou ti pe bizin trase. S’ils se retrouvent en difficulté, je pense qu’ils se lanceront alors dans ce métier », ajoute-t-il en riant.

Ces ferblantiers au mental d’acier

Depuis ses 15 ans, Jacques Soodeen découpe, forge et soude le fer blanc ou l’aluminium. C’est un passionné de ce métier qui permet de fabriquer divers objets. Le ferblantier confie qu’il a appris ce métier auprès des Chinois.

Aujourd’hui, il travaille sans relâche pour gagner sa vie. « Auparavant, ce métier était très compliqué parce que la matière première était de la tôle, un matériau difficile à découper. »

Jacques Soodeen a su fidéliser sa clientèle. Toutefois, il pense que le métier disparaîtra à la longue. « Autrefois, les gens n’avaient pas d’eau chez eux. Ils devaient se rendre à la fontaine pour remplir leur seau. Aujourd’hui, toutes les maisons ont des réservoirs. »

Jacques Soodeen est catégorique : ce métier n’attire pas les jeunes. « Ils préfèrent se tourner vers la facilité. Mais il y aura toujours des gens qui auront besoin de moules pour faire des gâteaux ou d’un arrosoir. »

Daya Beenyeth a fait ses débuts comme ferblantier à l’âge de 10 ans. Aujourd’hui âgé de 58 ans, il voudrait que ce métier ne disparaisse pas.

« J’adore ma profession. C’est un beau métier. Je souhaite que les jeunes puissent le pratiquer afin de créer davantage d’objets. Malheureusement, la relève n’est pas assurée. Mon fils ne souhaite pas suivre mes traces », dit-il avec regret.

Quand la profession de tailleur se prend une veste

La passion de confectionner des vêtements lui a été transmise par ses oncles. Mario, 63 ans, n’avait d’autre choix que d’adopter la profession de tailleur. Dès l’âge de neuf ans, il a dû suivre plusieurs cours pour mieux exercer dans ce milieu. Dans les années’ 70, Mario ne travaillait pas uniquement pour les occasions festives. Il confectionnait notamment des uniformes pour des marins.

Autrefois, les gens venaient souvent, leur modèle en main, chez le tailleur afin que ce dernier puisse confectionner de beaux habits. Aujourd’hui, ils se tournent vers les magasins de prêt-à-porter et choisissent, en un rien de temps, le vêtement qui leur plaît. « Les gens sont très occupés. S’ils décident de venir chez le tailleur, ils doivent compter pour une ou deux visites en quinze jours pour avoir un vêtement. C’est triste que le métier de tailleur soit en voie de disparition. Ce serait bien que les jeunes s’y intéressent. »

Saïd Baichoo : «Il n’y a pratiquement plus de barbiers»

Avec plus de 50 ans de métier, Saïd Baichoo, 74 ans, est toujours au service de ses clients dans la capitale. Il est barbier et coiffeur depuis les années ‘60. Son atelier est un vrai bijou d’antiquité avec des ciseaux et des rasoirs à l’ancienne.

Lorsque Saïd Baichoo se lance dans le métier, les clients font la queue pour se faire couper les cheveux ou se faire raser. C’est ce qui l’a encouragé à continuer. De plus, il est l’un des rares à proposer un tarif avantageux ne dépassant pas Rs 50. Selon Saïd, il a appris les rouages du métier dès sa plus tendre enfance. C’est avec fierté qu’il explique que c’est grâce à ce travail qu’il a pu s’acheter une maison et nourrir sa famille. Il a aussi financé les études de ses deux enfants. Le métier de coiffeur, selon lui, ne disparaîtra pas de sitôt, contrairement à celui de barbier.

La plupart des gens vont chez le coiffeur uniquement pour se faire couper les cheveux ou se coiffer, mais rarement pour se faire raser. Ils préfèrent le faire chez eux. Saïd conseille aux jeunes de s’intéresser à la profession. « Ce métier requiert beaucoup de patience et de passion. Je souhaite aux jeunes qui veulent rejoindre cette profession de connaître du succès. »

Jean-Marie Chatour : un cordonnier bien dans ses pompes

Jean-Marie Chatour n’est pas un cordonnier comme les autres. Il propose ses services dans son atelier au Caudan. « Je fais de la cordonnerie depuis l’âge de 15 ans. Tout ce qui relève de la réparation de chaussures, de sacs et de ceintures en cuir est dans mes cordes. Je nettoie aussi les chaussures », lance fièrement l’homme qui est également cireur de chaussures.

Pour Jean-Marie Chatour, il s’agit d’abord d’aimer son métier. Et celui qu’il exerce, il le considère comme un don du ciel. « Je remercie Dieu d’avoir mis la cordonnerie sur mon chemin. Ma famille et moi vivons de ce métier. Pour tout vous dire, j’adore ce que je fais. La cordonnerie demande beaucoup de patience. C’est peut-être pour cela que les jeunes ne s’intéressent pas à ce job. C’est un métier qui n’est pas facile tous les jours. Parfois les clients ne comprennent pas la difficulté de mon travail. De plus, je vis au jour le jour », relate-t-il avec le sourire aux lèvres.

Mais l’avenir de la cordonnerie, selon lui, est sombre. « La cordonnerie est un travail qui se perd. C’est malheureux de voir que les gens préfèrent jeter des choses au lieu de les faire réparer. Bientôt viendra le jour où ce beau métier disparaîtra. À mes débuts, il y avait du travail tandis que maintenant, je constate une baisse nette de la clientèle. Je pense que les années qui suivront seront encore pires », déplore-t-il.

Il regrette aussi que la relève ne soit pas assurée. « Parmi mes cinq enfants, je fonde de l’espoir uniquement sur ma dernière fille de quatre ans. » Cependant, poursuit Jean-Marie Chatour, il suffit d’une structure adéquate et de la collaboration de tous pour changer les mentalités et aider à conserver ce beau métier. « D’ailleurs, j’encourage ceux qui croient dans la cordonnerie à persévérer. Ce métier demande beaucoup d’amour et en offre, aussi, beaucoup en retour. »

Kavina Ramparsad et Timothy Nootoo

 

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