MeManindra Utchanah tire la sonnette d’alarme sur les dérives potentielles d’un dispositif de surveillance électronique à grande échelle. Selon lui, une telle pratique constitue une atteinte grave à la vie privée et à la protection des données personnelles, qui pourrait créer un climat de méfiance et une anxiété collective qui fragiliseraient la cohésion sociale.
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Une violation des lois mauriciennes et internationales
En droit mauricien, la protection de la vie privée est garantie par la Constitution, qui interdit toute intrusion arbitraire, y compris l’interception de communications. Tout système de surveillance doit être proportionné et légalement encadré. Or, le Data Protection Act 2017 impose des règles strictes sur la collecte et l’utilisation des données personnelles, exigeant une base légale solide ou un consentement explicite.
Par ailleurs, l’Information and Communication Technologies Act (ICT Act) 2001 sanctionne sévèrement l’interception illégale de communications et l’accès non autorisé aux systèmes informatiques. Sur le plan international, Maurice est signataire du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), dont l’article 17 protège la vie privée contre toute ingérence arbitraire, ajoute Me Manindra Utchanah. « L’État mauricien doit respecter les obligations internationales en matière de droits de l’homme, qui condamnent la surveillance généralisée sans base légale, ni contrôle approprié », souligne-t-il.
Pour l’avocat, « un programme de surveillance généralisée, interceptant massivement les communications sans contrôle judiciaire préalable, va à l’encontre de ces principes fondamentaux ».
Des risques majeurs pour les libertés individuelles
L’impact d’une telle surveillance ne se limite pas à l’aspect juridique. « Lorsque l’on pratique une surveillance de masse, on porte une atteinte grave au droit à la vie privée : toutes les communications (appels, messages, réseaux sociaux, emails) peuvent être interceptées sans que les personnes ciblées en soient informées ou soupçonnées de quelque chose. » Cela engendre un « effet dissuasif » (« chilling effect ») sur la société : sachant qu’ils sont surveillés, les citoyens hésitent à s’exprimer librement, ce qui porte atteinte à la liberté d’expression et d’association. De plus, les données collectées peuvent être utilisées à des fins de chantage, de profilage politique, de manipulation électorale ou encore revendues à des tiers. « Un tel dispositif entraîne une érosion de la confiance envers les institutions publiques et suscite une anxiété collective qui nuit à la cohésion sociale », explique l’avocat.
Quelles sanctions pour les responsables ?
D’un point de vue pénal, l’article 43 du Data Protection Act 2017 prévoit jusqu’à cinq ans de prison et une amende de Rs 200 000 pour tout traitement illicite de données personnelles. L’ICT Act 2001 (articles 46(1) et 47) est encore plus sévère : l’accès non autorisé à un système informatique et l’interception illégale de communications peuvent entraîner jusqu’à dix ans d’emprisonnement et une amende de Rs1 million, indique Me Manindra Utchanah. « Ainsi, tout dirigeant politique ou administratif ayant autorisé ou couvert une surveillance de masse sans cadre légal s’expose à de lourdes sanctions pénales », poursuit-il.
Les victimes peuvent-elles obtenir réparation ?
Les citoyens espionnés disposent de plusieurs recours. Un recours constitutionnel peut être déposé pour violation du droit fondamental à la vie privée. Au civil, les responsables peuvent être poursuivis pour infraction au Data Protection Act 2017, indique Me Manindra Utchanah. Enfin, une plainte pénale peut être déposée si des infractions au Data Protection Act et à l’ICT Act, telles que l’accès non autorisé ou l’interception illégale, sont avérées. En cas de faute prouvée des agents de l’État, une action en justice peut également être intentée pour obtenir réparation du préjudice subi, précise-t-il.
Une situation sans précédent à Maurice
Si la surveillance de masse a été documentée dans plusieurs pays, Me Utchanah précise qu’il n’existe pas, à ce jour, de précédent similaire officiellement établi à Maurice. Toutefois, il met en garde contre toute tentative de banaliser une telle pratique, rappelant que la protection des libertés individuelles est un pilier fondamental de toute démocratie.
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