Le concept de sécurité nationale est un sujet qui revient régulièrement dans l’actualité depuis les allégations faites par l’ancien Chief Executive Officer de Mauritius Telecom. Quelles sont les implications de ce terme ? Qui sont les principaux acteurs et quelles sont les menaces qui ont guetté Maurice lors de ces dernières années ? Décryptage.
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Les principaux acteurs
Outre le Premier ministre qui est le ministre de la Sécurité intérieure, l’État mauricien repose énormément sur quatre postes clés pour la protection de la sécurité nationale au pays :
- Co-ordinator, security matters : Le titulaire de ce poste travaille sous la supervision directe du Secretary for Home Affairs. Il a pour but d’assister le Principal Co-ordinator, Security Matters, que ce soit au bureau ou sur le terrain dans la mise en œuvre du plan de sécurité nationale pour le pays. Il doit également veiller à ce que les instructions du bureau du Premier ministre soient parfaitement exécutées par les responsables des « critical infrastructures » tels que l’aéroport, le port, la Mauritius Broascasting Corporation (MBC), ainsi que les prisons.
- Deputy Director-General - Hurrydeo Ramdany : Le titulaire de ce poste doit, pour sa part, superviser les activités de la National Security Services (NSS) en stricte conformité avec les directives du Premier ministre.
- Director General-National Security Services : Il est le principal responsable des opérations de la National Intelligence Unit en strict conformité avec les directives du Premier ministre.
- Principal Co-ordinator-Security Matters - Yoidhisteer Thecka: Le titulaire de ce poste doit notamment superviser le High Powered Committee sur la drogue, le National Aviation Security Committee, le National Maritime and Harbour Security Committee, le Mauritius Broadcasting Corporation Committee et le Prisons Monitoring Committee.
- National Security Advisor - Kumaresan Ilango : Cet ancien policier est connu en Inde dans le domaine de la sécurité, de la recherche et des analyses. Il est titulaire d’un Bachelor of Laws et d’un Masters of Science in Chemistry. Selon la presse indienne, Kumaresan Ilango était le responsable de l’India’s Spy Agency au Sri Lanka. Il a ainsi été rappelé en Inde, car il était accusé de monter un complot contre le régime gouvernemental.
Les menaces recensées
Selon un ancien secrétaire au Cabinet et fonctionnaire de longue date, la sécurité nationale a bel et bien été menacée à Maurice, et ce en plusieurs occasions. Il tient, toutefois, à faire ressortir que jamais l’aide de l’étranger n’a été sollicitée, du moins jusqu’à 2022, où une équipe indienne est venue prêter main forte à Maurice pour réaliser un « survey » sur le site de Baie-du-Jacotet. « La première menace à la sécurité nationale a été la bagarre raciale de 1965. Un triste événement qui avait complètement bouleversé le pays. Ensuite, il y a eu la bagarre raciale de 1968 où les Anglais avaient alors dû dépêcher des troupes militaires à Maurice. Ils avaient pleinement le droit d’intervenir dans ce cas précis, car le pays était encore sous l’occupation anglaise », explique-t-il.
« Les autres exemples sont les émeutes survenues en 1999, les affrontements de 1996 survenues après le match qui opposait l’équipe de football de Sunrise à celle de Zamalek et l’affaire l’Amicale survenue après un autre match de football en 1999 qui avait vu cinq morts », ajoute-t-il. Cet ancien haut fonctionnaire explique également que bien que Maurice n’ait jusqu’ici jamais fait face à des menaces de terrorisme, la vigilance de la sécurité nationale avait, cependant, été revue à la hausse après les attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis. « En 2003, une lettre avait atterri au bureau du Premier ministre. Elle faisait état d’une bombe dans un avion qui contenait déjà des passagers. Le commissaire de police, ainsi que la SMF avaient été mobilisés afin de faire un scan complet de l’appareil, mais cela s’est révélé être une mauvaise plaisanterie », dit-il.
Les différents secteurs concernés
La sécurité nationale implique divers secteurs. C’est l’avis partagé par l’ancien secrétaire au Cabinet, Sateeaved Seebaluck. « La sécurité nationale n’est pas qu’une menace terroriste ou d’invasion militaire.
D’autres secteurs sont également concernés et qui peuvent être à risque et ainsi affecter le bien-être de toute une population », soutient-il. De plus, à travers le temps, lorsqu’on évoque le concept de sécurité nationale, il peut s’agir aussi de crise climatique, énergétique, sanitaire, alimentaire et maritime, entre autres. « La dernière fois où notre sécurité nationale a été sévèrement touchée a été lors de la crise sanitaire avec la pandémie de Covid-19. Le naufrage du Wakashio a été une autre atteinte sérieuse à notre sécurité maritime. Un triste événement qui a eu de graves implications sur la sécurité environnementale avec le déversement de l’huile dans notre lagon », explique-t-il.
Sateeaved Seebaluck dit comprendre que Maurice n’était pas préparé à faire face à une crise sanitaire comme la Covid-19. D’ailleurs, le monde, dans son ensemble, a été vulnérable face à une telle attaque. En revanche, selon lui, le naufrage du Wakashio a été un cas flagrant du « manque de préparation de notre garde-côte à protéger le pays contre une menace externe. Ce naufrage a sérieusement mis en péril notre intégrité maritime et environnementale et cela aurait pu être bien pire. Si le navire contenait des déchets chimiques avec des implications radioactives ou alors s’il transportait des terroristes, les répercussions auraient été encore plus catastrophiques », souligne-t-il. Pour lui, cela démontre « à quel point notre défense nationale n’était pas prête à assurer la protection des habitants ».
Absence d’un plan quinquennal
Un des facteurs qui contribue à la vulnérabilité de Maurice en termes de sécurité nationale et ce à différents niveaux se trouve être l’absence d’une vision à long terme. « Ce gouvernement et bien d’autres par le passé ont démontré un manque de vision pour le pays. Le dernier plan quinquennal d’un gouvernement remonte à la période 1975-1980. Je venais alors de commencer dans la Fonction publique au ministère des Infrastructures publiques. Lorsqu’on préparait le plan quinquennal à cette époque, on était même en mesure de prédire l’avenir des secteurs clés du pays et comment équiper ses institutions en ce sens. On faisait déjà des prévisions sur les secteurs où il fallait recruter massivement. De plus, on travaillait en étroite collaboration avec le secteur privé afin de mener des études pour encourager par la suite les jeunes à se tourner vers les secteurs qui allaient être d’une importance capitale pour le pays » , fait-il part.
Un réseau de renseignement efficace pour contrer les menaces terroristes
La stratégie du gouvernement en matière d’attaque terroriste reste un domaine ultra confidentiel, selon Sateeaved Seebaluck. Cependant, soutient-il, de par les accords de coopération qui lient Maurice avec des pays tels que les États-Unis, l’Angleterre et la France, entre autres, l’île dispose d’un système de renseignement extrêmement efficace afin de prévenir d’éventuelles attaques terroristes. « Le réseau de renseignements de Maurice est bien rodé pour faire face à des menaces de terrorisme et de drogues. Il y a également des formations qui sont dispensées par des pays amis, dont des organisations aux États-Unis, par exemple, afin de mieux sensibiliser nos techniciens en matière de sécurité nationale », ajoute notre interlocuteur.
Dev Jokhoo : « Aucun compromis »
« Il n’y a aucun compromis lorsqu’on évoque l’aspect de sécurité nationale. Cela ne se discute pas, car c’est hautement confidentiel. C’est top secret. C’est la raison pour laquelle aucun gouvernement n’est autorisé à mêler la vie privée d’un individu à la politique de sécurité nationale. C’est le principe », fait ressortir Dev Jokhoo, ancien directeur du National Security Services (NSS).
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