Il suffit de quelques heures, à chaque averse, pour que plusieurs régions de l’île soient submergées par les eaux. Si certains attribuent cette situation au changement climatique, d’autres, en revanche, se demandent si notre système d’évacuation n’est pas dépassé. Le point avec des professionnels.
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« Il faut faire de nos ‘rain cities’, des ‘drain cities’ »
Accumulation d’eau, routes impraticables, maisons et cours inondées… À chaque fois qu’il pleut des cordes, plusieurs régions de l’île sont paralysées, le Nord, l’Est et le Sud étant les plus souvent touchés par les inondations. Pourtant, les travaux de tout-à-l’égout se sont succédé ces dernières années (voir hors-texte). Dans ce cas, comment expliquer cette situation ? Doit-on l’imputer seulement au changement climatique ? Ou est-elle due à l’incivilité de la population, avec les constructions sauvages, ou encore au fait que celle-ci n’est pas suffisamment formée et informée ? Mauvaise gestion des drains et des déchets, imperméabilisation importante des sols, mauvais drainage des eaux pluviales, urbanisation mal planifiée… Il faut dire que les causes ne manquent pas.
L’urbaniste Vasant Jogoo semble, lui, avoir trouvé la réponse. Il est convaincu que si le même problème revient sur le tapis à chaque averse, c’est parce que le système d’évacuation d’eau de pluie est dépassé. « L’urbanisation est un phénomène qui se passe un peu partout. L’organiser et le contrôler n’est guère facile. Pour cela, il faut un plan d’urbanisme dans lequel sont intégrés les risques liés au changement climatique », explique-t-il.
Vasant Jogoo est d’avis que l’aménagement du territoire doit devenir l’une des priorités du gouvernement. « On parle de Smart Cities. Or, il n’y a rien d’intelligent dans tout cela. Au contraire, il y a plusieurs projets qui n’ont pas été soumis à des études d’impact, comme le Metro Express. Cela risque d’affecter le ruissellement de l’eau », déplore-t-il.
L’urbaniste préconise de faire une cartographie région par région, en mettant l’accent sur des éléments tels que la densité de l’endroit, la perméabilité du sol, ainsi que les endroits pour la construction de logements et de bâtiments. « Les outils modernes existent. Si rien n’est fait en amont, la situation continuera de s’aggraver », prévient-il.
Imperméabilité du sol
L’hydrologue Farook Mowlabuccus tire, lui aussi, la sonnette d’alarme. Selon lui, les développements se font à un rythme tellement effréné que l’impact que pourraient avoir les constructions sur le ruissellement d’eau n’a pas été pris en compte. Résultats : les canaux naturels, les rivières et autres points d’eau sont obstrués.
« L’urbanisation est un phénomène qui se passe un peu partout. L’organiser et le contrôler n’est guère facile »
« Empêcher l’eau de couler librement est un délit. Nombreux sont ceux qui contournent les lois. Recouvrir un point d’eau n’est pas un problème, mais il ne faut pas l’obstruer ou le boucher. Force est de constater que l’urbanisation a rendu imperméables certaines surfaces, comme à Port-Louis, où les drains sont bétonnés », soutient Farook Mowlabuccus.
Certaines personnes ont construit leur maison dans des régions sujettes à des accumulations d’eau. D’autres, sur des sites, comme des terrains à côté des rivières, qui ne peuvent accueillir de telles infrastructures. Pourtant, selon la Rivers and Canals Act de 1863, il est interdit d’ériger un bâtiment à moins de 30 mètres d’une rivière. Dans le cas d’un canal, une distance de trois pieds doit être maintenu.
Comment expliquer que des gens fassent fi de ces règlements et construisent leur maison dans de pareils endroits ? L’hydrologue l’attribue au laxisme des autorités. « Lorsque des personnes demandent des permis pour construire une maison, les autorités ne procèdent pas toujours à une visite des lieux avant de donner leur aval. » Farook Mowlabuccus évoque aussi le cas des promoteurs qui comblent des marécages pour en faire des zones résidentielles. Pour l’hydrologue, il est grand temps que les autorités appliquent la loi dans toute sa rigueur.
Kishan Padaruth, Managing Director chez GIBB Mauritius, société qui a déjà mené une étude sur les drains, estime lui aussi qu’il est plus que temps de revoir la façon dont les maisons et bâtiments sont construits. « Dans le temps, il y a eu un développement à outrance, voire sauvage à certains endroits. Il y a beaucoup de béton et peu de surface perméable pour absorber l’eau de pluie », explique-t-il. Pour lui, la meilleure solution reste la remise à niveau des drains et leur entretien régulier.
Le géomorphologue Prem Saddul est d’avis que les accumulations d’eau n’auraient pas dû être un problème. Il s’appuie notamment sur le fait que Maurice est une île volcanique, qui est dotée d’une pente de 8 à 12 degrés vers la mer et qui a beaucoup de zones perméables. « Certes, il y a des cuvettes, comme à Fond-du-Sac ou Solferino. Nous avons aussi 52 rivières et cours d’eau. »
Le hic, poursuit-il, est que ces points d’eau sont remplis de déchets. « Sur un kilomètre, il peut y avoir cinq tonnes de détritus non biodégradables. Si ces points d’eau sont devenus des courroies de transmission pour les débris, c’est à cause de l’incivisme de la population », martèle le géomorphologue.
Prem Saddul insiste qu’il est urgent de trouver des solutions durables aux problèmes d’accumulation d’eau lors d’averses. Il est impérieux de mener des études en consultation avec des étrangers et des Mauriciens experts dans le domaine. L’éducation des citoyens est tout aussi indispensable. « Il faut faire de nos rain cities, des drain dities », lance-t-il. Il cite l’exemple de la Corée du Sud, où l’eau évacuée non potable est utilisée à plusieurs fins.
Ce que dit le ‘World Risk Report’
Le World Risk Report de 2016 a classé Maurice à la 13e place des pays les plus à risque. L’île figure à la 7e place des 15 pays les plus exposés aux catastrophes naturelles.
Plus de Rs 7 Md investies dans des drains
Après les inondations meurtrières de mars 2013, le ministère des Infrastructures publiques avait dressé une liste de 55 zones à risque. Un budget de Rs 600 millions avait alors été consacré à la construction de drains. Durant la même année, le juge Bhushan Domah avait recommandé l’aménagement d’un réseau de drains à l’échelle nationale. Le but étant de canaliser l’eau provenant des bassins et des lacs vers la mer.
Durant ces cinq dernières années, l’État a investi Rs 7 milliards dans la construction de drains à travers le pays. Selon nos recoupements, Rs 720 millions de plus seront consacrées à la construction de ces structures cette année. Les travaux se poursuivent dans différentes régions, notamment à Port-Louis, Canal-Dayot, Amaury et Gokoola. « Nous récoltons le fruit de nos efforts. Ces régions n’ont pas été affectées par les averses, contrairement aux années précédentes. D’ailleurs, les travaux se poursuivent », explique une source au sein de la National Development Unit. D’autres projets sont à venir.
Rôle de la Land Drainage Authority
La Land Drainage Authority (LDA) Act a été votée le 11 avril 2017. Cette loi vise surtout à élaborer et à concevoir un plan directeur pour la mise en place d’un réseau de drains à travers le pays. La LDA prévoit aussi de faire un inventaire et une cartographie de tous les drains naturels et artificiels. Avec la collaboration de la Road Development Unit, de la National Development Unit et du National Disaster Risk Reduction and Management Centre, la LDA a, pour tâche, d’identifier les zones dans lesquelles les risques d’inondations sont élevés. L’organisme doit également coordonner la construction des drains et veiller à l’entretien des infrastructures.
Plan d’action
Pour être paré à faire face à ces dangers potentiels, le National Disaster Risk Reduction and Management Centre a prévu un plan se déclinant en six points :
- Nettoyage et entretien des drains par les autorités
- Prévention de l’accumulation d’ordures dans les cours d’eau
- Surveillance des drains pour qu’ils ne soient pas obstrués par des véhicules en stationnement
- Service de voirie efficace
- Plans d’évacuation d’urgence dans les aires de stationnement souterraines
- Lancement de campagnes de sensibilisation organisées par le ministère de l’Éducation et les médias
Protocoles
Pour faire face aux phénomènes dus aux changements climatiques, qu’il s’agisse de cyclones, de flash floods, de tsunamis ou de glissements de terrain, etc., des protocoles ont été établis sous le National Disaster Scheme 2015. Le pays dispose ainsi de 164 shelters en cas de problème.
40 % d’espace vert
Les plans d’urbanisme ne sont plus respectés. C’est le triste constat que fait un ingénieur qui a souhaité s’exprimer sous le couvert de l’anonymat. « Ils stipulent que chacun doit avoir au moins 40 % d’espace vert sur sa propriété. Or, nous constatons que les gens ne respectent pas ce règlement », déplore-t-il. Selon lui, il appartient aux collectivités locales de veiller à ce que les paramètres de ces plans soient respectés.
Étude des pluies
Plus d’un concèdent que le changement climatique et les conditions météorologiques sont à l’origine des phénomènes naturels auxquels nous assistons. C’est d’ailleurs pour cette raison qu’il devient impératif de mener une étude sur les types de pluies s’abattant sur le pays afin de détenir une bonne documentation. Les autorités pourraient ainsi s’appuyer sur les données recueillies pour construire des drains.
Météo : éclaircie à partir de dimanche après-midi
Les pluies passagères seront moins fréquentes et céderont la place à un ciel clair dans tout le pays à partir de dimanche après-midi. La mer restera néanmoins forte et houleuse pendant les deux, voire les trois jours à venir. Le temps sera nuageux, accompagné de pluies passagères, dans le Nord, l’Est et sur le plateau central dimanche matin.
Le prévisionniste Fawaz Dilmahomed, de la station de Vacoas, souligne que la présence des deux systèmes, Ava et Irwin, provoqueront une dorsale de haute pression, ce qui favorisera le beau temps pendant la semaine. Irwin (qui a été baptisé samedi, NdlR) se trouve au nord de Rodrigues et bouge dans une direction générale de l’ouest-sud-ouest à une vitesse de 16 km/h. Selon la météo, le système « passera à l’est de Rodrigues ». Les sorties en mer sont déconseillées. La température maximale sera de 23 à 26 degrés Celsius sur le plateau central.
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