Descendant des hauteurs du village de Chemin Grenier, la rivière des Galets se jette dans la mer. À terre, 500 personnes vivent aux alentours de cette embouchure, plus précisément à la Cité Petit-Bien. Actuellement, leurs maisons longent un grand mur en dur qui a été construit en 2018 par les autorités pour les protéger des raz-de-marée.
Publicité
Jean-Marie Monnero : «C’est difficile de changer de quartier»
Travaillant à son compte, Jean-Marie Monnero est chauffeur d'un car scolaire. Agé de 45 ans, il raconte qu’il a été témoin de beaucoup de raz-de-marée dans ce quartier qu’il habite depuis son enfance. Toutefois, il rejoint Jean-Claude Mangue concernant ceux de 1987 pour raconter comment sa maison a été emportée par les fortes houles. « J’avais 13 ans. Ma famille et moi, nous habitions une maison de la CHA. Les grosses vagues déferlaient dans la mer et elles avaient même atteint notre maison et celles de nos voisins qui étaient à l’arrière. Paniqués, nous avions dû tout quitter pour sauver notre peau ». Mais Jean-Marie Monnero est un de ceux qui n’ont pas voulu quitter son Petit-Bien. D’ailleurs, il achève actuellement sa maison construite en dur. « Je suis un enfant de la côte. J’adore me réveiller le matin et contempler la mer. Cela, même si elle est ici souvent très capricieuse. Je suis conscient que je vis dans un endroit à risques de catastrophes naturelles. Mais c’est vraiment difficile de changer de quartier. Je n’ai d’autre choix que d’assumer ma décision d’y rester et de faire avec le changement climatique. Mais je prie pour que le pire ne se produise pas à l’avenir », dit-il tout en tirant sa révérence pour vaquer à ses occupations.
Régis Fanny : «Per pas per, ki pou fer ?»
Pêcheur de profession, Régis Fanny habite les lieux depuis ses cinq ans. En grandissant en bord de mer, il affirme qu’il a été témoin de nombreux raz-de-marée. « Fer per kan guet sa vini. Dilo al partout ek li arriv ziska la gare divan village. Mannier ki mo trouve, pli alle, situation la pe vinn pli dangereux. » Mais il annonce qu’un jour il faudra qu’il envisage de changer de quartier. Concernant sa relocalisation sur un terrain identifié en 2014 à St-Félix, il explique que, comme il gagne sa vie en tant que pêcheur, il n’a pas bougé. Selon lui, il faudra un jour le faire. Toutefois, l’Etat doit doubler ses efforts pour reloger les habitants de Petit Bien, pas très loin de ce front de mer. Ajoutant : « Per pas per, ki pou fer, bisin trouve enn solution. »
Julien Bergicourt : «Bel-Ombre est sur la liste rouge»
Le changement climatique est une problématique qui interpelle Julien Bergicourt. Ce jeune de 25 ans est travailleur social à Bel-Ombre à Baie-du-Cap ainsi que dans les endroits avoisinants. « Durant les dernières années, la région de Bel-Ombre à Baie-du-Cap a été directement touchée par les effets néfastes du changement climatique, incarnés notamment par les inondations auxquelles font face les habitants lors des pluies localisées. Bel-Ombre est d’ailleurs sur la liste rouge. Ce village doit être une des priorités du gouvernement. Je suis content qu’il y ait un ministère désormais qui se penchera sur le changement climatique. Le gouvernement fait des efforts pour contrecarrer cette problématique mais il faut aussi que les citoyens prennent conscience pour faire face aux nombreux défis à relever à Maurice », dit-il.
Jean-Claude Mangue : «Nous avons frôlé le danger de très près en 1987»
Né et ayant grandi à Rivière-des-Galets, Jean-Claude Mangue habite la Cité Petit-Bien, endroit à risques de raz-de-marée. Caretaker au centre communautaire du village, l’homme de 62 ans explique que, dans les années1960, il y avait quelque 140 maisons dans cette localité. Toutefois, dit-il, après le passage du cyclone Carol, il ne restait plus que 25 bicoques en tôle.
Puis il poursuit avec ce fameux dimanche de 1987. « Ce jour-là, il y avait la fête des mères et nous avons frôlé le danger de très près. En déjeunant avec ma mère, j’apercevais au loin de grosses vagues qui déferlaient dans la mer. En voyant leur taille, je me suis dit qu’elles gagneraient sans doute la terre un peu plus tard. Effectivement, vers 13 heures, elles se sont rapprochées en balayant tout sur leur passage, arbres et multiples maisons de Rivière-des-Galets ». Il raconte qu’elles atteignaient environ 11 mètres de haut.
« En 30 minutes, les vagues sont devenues de plus en plus grosses. En entendant ces grands bruits, nous n’avons eu d’autre choix que de sortir de nos maisons afin de nous réfugier sur le terrain de foot du village. Ce n’est qu’à 23 heures que nous nous sommes rendus chez nous pour contempler les dégâts causés par ce raz-de-marée. »
Jean-Claude Mangue rappelle également qu’en 2014, une proposition avait été faite en vue du relogement des habitants du front de mer. « On nous avait proposé de nous reloger sur des lopins de terre identifiés à St-Félix. Comme les habitants sont majoritairement des pêcheurs, des maçons et des laboureurs, bon nombre de personnes étaient réticentes à bouger de quartier. Car ils avaient déjà investi gros dans leurs maisons et n’avaient pas les moyens de tout recommencer. Ainsi, par solidarité, nous sommes tous restés à Petit-Bien. Après la non-résistance des gabions, les autorités ont mis des barrages pour notre sécurité. Et ce mur, lui, a été construit l’an dernier », énonce le sexagénaire.
Jean-Claude habite les lieux avec sa femme et ses deux fils. Bien que la frayeur l’envahisse comme tout autre habitant de Petit-Bien à chaque raz-de-marée ou averse, Jean-Claude Mangue conclut en disant : « Nous sommes conscients de notre choix de vie ici. Nous avons participé à des simulations en cas de catastrophes naturelles avec les autorités. Face aux caprices de la mer et de la nature, l’homme est impuissant malgré ses innombrables efforts pour se mettre à l’abri. »
Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !