La Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants demande au gouvernement mauricien de faire des efforts supplémentaires pour protéger les enfants de l’exploitation sexuelle. Elle fait également une série de recommandations.
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La Rapporteuse spéciale sur la vente et l’exploitation sexuelle des enfants, y compris la prostitution, la pornographie enfantine et d’autres matériels d’exploitation sexuelle des enfants, Mama Fatima Singhateh, a présenté son rapport au Conseil des droits de l’homme des Nations unies, qui a tenu jeudi après-midi, un dialogue interactif avec divers partenaires. Maurice a été appelé à donner sa version des faits.
Cette étude est la suite de sa visite officielle à Maurice du 21 au 30 juin dernier. Pendant ces dix jours, elle a rencontré le Premier ministre, la ministre de l’Égalité des genres, des responsables d’autres ministères, des représentants du judiciaire et d’institutions impliquées dans le bien-être de l’enfant.
Parmi ses nombreuses remarques, Mama Fatima Singhateh note qu’il y a un manque de données par rapport aux enfants. « L’étendue actuelle et la prévalence des abus sexuels et de l’exploitation sont inconnues. Ceci est dû à la nature clandestine de ces délits, mais aussi au manque de données sur le nombre de cas rapportés et les enquêtes et poursuites entamées. »
Elle note aussi que ce manque de données est encore plus grave car des cas ne sont pas rapportés alors qu’ils ont été signalés aux autorités, par manque de prise de conscience, mais aussi en raison des barrières sociétales et religieuses. Ce manque d’informations ne lui permet pas « de donner une image juste de l’étendue et de la prévalence du phénomène à Maurice ».
Son enquête lui permet cependant de tirer des conclusions. Parmi celles-ci, elle indique avoir appris qu’il y a un nombre croissant de jeunes filles qui ambitionnent d’avoir des « sugar daddies », « sans en comprendre la nature abusive ».
La Rapporteuse spéciale s’étonne aussi que le dernier rapport national qualitatif sur le phénomène d’exploitation sexuelle commerciale des enfants date de 20 ans. En 2003, l’université de Maurice avait préparé le document. À l’époque, elle avait noté 2 300 victimes de prostitution infantile. Son enquête révèle que le problème reste d’actualité et même que « beaucoup d’interlocuteurs considèrent que le problème de la prostitution infantile est en constante augmentation. Il est donc urgent de comprendre l’ampleur de ce phénomène et d’intervenir en adoptant des stratégies efficaces pour y faire face ».
Grosses lacunes dans le système éducatif
Concernant le trafic d’enfants, là aussi la Rapporteuse spéciale apprend qu’il n’y a aucune information sur les cas rapportés, y compris le nombre de poursuites et condamnations sous le Combating of Trafficking in Persons Act de 2009. Selon elle, le concept même de trafic humain « n’est pas toujours entièrement compris ».
Si elle applaudit l’adoption du nouveau Children’s Act, elle constate que cette loi ne prévoit rien pour les cas de vente d’enfant. Pourtant, d’après ses discussions à Maurice, la vente d’enfants pour les besoins d’adoption est quelque chose de réel.
Selon elle, l’exploitation sexuelle en ligne, l’échange de contenu pédopornographique et le « bullying » d’enfants sur les médias sociaux et dans les écoles sont « problématiques ». Les chiffres qu’elle a reçus des autorités mauriciennes indiquent que de janvier à décembre 2021, 2 320 cas ont été rapportés contre 426 cas en 2018. Toutefois, selon elle, « les chiffres rapportés ne reflètent pas l’étendue du phénomène ».
Concernant l’éducation, la Rapporteuse spéciale souligne que le taux d’abandon scolaire est élevé. Cela s’explique, entre autres, par le fait que les enfants sont confrontés à des problèmes linguistiques dès le primaire, car l’enseignement académique est dispensé en anglais alors que la langue parlée au quotidien est le kreol. En ce qui concerne l’exploitation sexuelle, le système éducatif est à côté de la plaque. Celui-ci, « combiné à la culture de tolérance face à ce fléau, crée un état d’esprit qui a une corrélation directe, et crée des opportunités pour une culture d’exploitation des enfants. De plus, l’éducation sexuelle dispensée dans les écoles est inadéquate et pas suffisamment adaptée aux vrais problèmes auxquels les pré-ados et adolescents sont confrontés ».
En général, la Rapporteuse spéciale note qu’il y a un manque de coordination entre les différentes institutions, un manque de soutien, un manque de politique bien définie pour protéger les mineurs. Il y a un besoin réel d’une stratégie claire de protection des enfants afin que le Children’s Act puisse être mis en œuvre. Elle formule une trentaine de propositions pour améliorer la situation.
La réaction des autorités mauriciennes
Maurice note que « le rapport souligne les progrès accomplis par le gouvernement mauricien dans la lutte contre la vente et l’exploitation sexuelle des enfants, ainsi que les défis à relever et les recommandations qui appellent de nouvelles initiatives ». Il souligne également qu’au cours des dernières années, Maurice a adopté une approche holistique pour lutter contre la vente et l’exploitation sexuelle des enfants, par le biais de politiques, de lois, de réformes institutionnelles, de services de protection, de mesures préventives, et plus encore.
Pas le premier rapport tirant la sonnette d’alarme
Il convient de souligner que ce n’est pas le premier rapport à tirer la sonnette d’alarme sur cette question. En effet, à la mi-février, le Comité des droits de l’enfant des Nations unies avait déjà identifié de nombreuses lacunes et émis plusieurs recommandations. Le Comité et la Rapporteuse spéciale se rejoignent sur un certain nombre de points et tirent plus ou moins les mêmes conclusions.
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