Economie

Rapport de l’audit : la dette publique sous la loupe

Rapport de l’audit Le dernier rapport de l’audit donne une indication du niveau de l’endettement de l’État et de ses organismes.

Le dernier rapport du bureau de l’audit vient de mettre en exergue les dettes du gouvernement, ainsi que celles des organismes publics. Alors que la dette publique frôle déjà le niveau maximal acceptable, on voit aussi que des institutions publiques ne sont pas seulement lourdement endettées, mais certaines ne pourront peut-être jamais rembourser leurs emprunts.

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L’endettement de l’État et des corps paraétatiques semble être à son apogée. En effet, le dernier rapport de l’audit donne une indication du niveau de l’endettement de l’État et de ses organismes. La dette publique, qui se chiffrait à Rs 300 milliards au 30 juin 2018, est passée à Rs 313 milliards en décembre dernier.  Le montant total que les organismes publics doivent à l’État au 30 juin 2018 s’élève à Rs 10 milliards. Les deux plus gros débiteurs au 30 juin 2018 sont la Wastewater Management Authority et la Central Water Authority, qui ont respectivement une ardoise de Rs 3,1 milliards et Rs 3 milliards. Par ailleurs, environ 16 organismes n’ont pas effectué les remboursements et au 30 juin 2018, les arriérages s’élevaient à Rs 2,9 milliards, dont Rs 1,6 milliard ne comprennent que les intérêts et pénalités.

La dette publique comprend la dette domestique et la dette extérieure.

Les mauvais payeurs

L’Irrigation Authority a contracté 15 emprunts d’un montant total de Rs 278 millions de 1979 à 2011. Les dettes accumulées ont atteint la somme de Rs 489 millions au 30 juin 2018, mais l’organisme a cessé de rembourser depuis août 1996. La Compagnie Nationale de Transport (CNT) doit Rs 154 millions pour des prêts accordés entre 1986 à 1998. Au 30 juin 2018, les intérêts et pénalités s’élevaient à Rs 306 millions. La Rose-Belle Sugar Estate, quant à elle, doit environ Rs 198 millions (dont des intérêts de Rs 115 millions).

Nouveaux emprunts

L’État a déboursé un total d’environ Rs 1,5 milliard durant la précédente année financière en prêts à quatre organismes, nommément la Waste Water Management Authority (Rs 255 millions), la Central Water Authority (Rs 447 millions),  la Cargo Handling Corporation (Rs 299 millions)  et l’Airport Terminal Operations Ltd (Rs 494 millions). Par contre, le gouvernement a garanti un prêt de Rs 3 milliards, octroyé par une banque privée à la Maubank. La Mauritius Telecom a, de son côté, emprunté un montant de Rs 788 millions à l’Exim Bank de Chine en juin 2018.

La dette publique comprend la dette domestique et la dette extérieure. La dette domestique représente environ 75 pour-cent de la dette publique. À noter que 25 pour-cent de la dette domestique, soit un montant de Rs 56,9 milliards, arrive à maturité dans moins de douze mois, alors que le gouvernement doit rembourser environ Rs 27 milliards durant la prochaine année financière. Lorsqu’on exclut la dette domestique, à vrai dire, la dette extérieure, selon les chiffres officiels, a diminué de Rs 1,7 milliard l’année dernière. Cela à cause de divers remboursements effectués.

Dette publique de 2014 à 2018

Année financière se terminant au Dette publique totale Différence %
30 juin 2015 Rs 251, 788, 430,234 5,93 %
30 juin 2016 Rs 274, 395, 029,246 8,98 %
30 juin 2017 Rs 290, 102, 962,519 5,72 %
30 juin 2018 Rs 300, 162, 935,930 3,47 %
* La dette publique avait déjà atteint la barre de Rs 313 milliards en décembre 2018.

Ganessen Chinnapen : «Qu’on fait appel au secteur privé»

Ganessen ChinnapenL’économiste Ganessen Chinnapen argue que nous sommes confrontés à un piège de la dette menant vers un cercle vicieux d’endettement et d’incertitude. « Un taux de 63,7 % du PIB est très alarmant et alors que de nombreux pays préconisent une discipline financière et un mécanisme de prudence en prévoyant un seuil maximal de 60 %, à Maurice le gouvernement  a amendé la loi pour repousser le seuil à 65 % du PIB. » Il ajoute que nous faisons aussi face à des obstacles administratifs et un gaspillage financier en termes de paiement excessifs. Il dénonce l’inefficacité institutionnelle, par exemple, à la CWA. Il avance que des nominés politiques dirigent des institutions publiques avec leurs salaires lucratifs provenant des fonds publics. « Les organismes publics doivent être restructurés pour assurer un leadership solide, une méritocratie saine, une transparence et la reconnaissance du capital humain. » Il suggère d’emblée que l’État signe des contrats de gestion avec des entreprises du secteur privé local ou étranger, afin de leur permettre de restructurer nos institutions.


Dan Maraye : «Une loi pour mieux responsabiliser les politiciens»

danDan Maraye, ancien Gouverneur de la Banque de Maurice et observateur économique, déclare qu’il est temps d’introduire une nouvelle loi, la Fiscal Responsability Act, pour mieux responsabiliser les politiciens qui gèrent les finances publiques. Mais n’avons-nous pas déjà une Public Debt Management Act ? À cette question, Dan Maraye argue que cette législation ne responsabilise pas assez nos décideurs politiques, quand on voit avec quelle légèreté, ils l’ont récemment amendée pour repousser le seuil de la dette publique, de 60 % à 65 % du PIB. L’observateur estime le niveau de la dette publique trop élevé. « Il faut voir ce que la dette rapporte au pays. Bien sûr, une bonne partie de la dette contribue à l’amélioration du niveau de vie, mais l’État doit éviter de se substituer au secteur privé pour emprunter que pour investir dans les infrastructures », dit l’expert-comptable.

Selon lui, trop d’investissement public chasse l’investissement privé. Il faut encourager le secteur privé à investir.  « On voit que le privé investit plutôt dans les projets immobiliers, ce qui n’est pas un investissement durable. En revanche, c’est l’État qui doit investir gros pour soutenir ces projets, par exemple, pour apporter l’eau, l’énergie et les routes. » Il explique que ce sont les générations futures qui devront rembourser ces dettes, mais quand on sait que Maurice fait face à un vieillissement de sa population, le fardeau sera encore plus lourd. « Pire, quand on emprunte en devises étrangères, même si le taux d’intérêt est très bas, lors du remboursement, il y a d’autres facteurs qui entrent en jeu, notamment le taux de change. » Ainsi, si la dette est domestique, le problème ne se pose pas, contrairement aux dettes étrangères. Il soutient qu’il faut une certaine rigueur dans les investissements à long-terme.

Au sujet des corps paraétatiques lourdement endettés, Dan Maraye se rappelle que, dans le temps, les paraétatiques avaient été créés pour alléger la bureaucratie au sein des ministères, afin de répondre aux besoins de l’économie. Mais, au fil des années, les paraétatiques sont devenus aussi lourds que les ministères, avec des coûts de gestions élevés et même des gaspillages de fonds publics, et cela s’est produit sous tous les gouvernements. « Il y a urgence de revoir le fonctionnement même de ces institutions publiques. Elles doivent être dirigées par des personnes à la hauteur, qui possèdent non seulement la connaissance en gestion, mais aussi la capacité de gérer. » La solution est simple, selon lui. Il suffit d’insuffler une culture de responsabilité et d’apporter des changements radicaux.

 

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