Live News

Rama Sithanen, économiste et ancien ministre des Finances : «Un mauvais moment pour une bagarre entre le GM et le privé»

Rama Sithanen

Au lieu de combattre la Covid-19 et la récession, le gouvernement et le secteur privé perdent leur temps et leur énergie dans une guerre stérile, déplore Rama Sithanen. L’économiste et ancien ministre des Finances estime que c’est une « distraction qui n’est pas nécessaire ».  

Publicité

Rama Sithanen est catégorique : nous ne devons pas perdre de vue le contexte économique actuel. « Nous faisons face à une pandémie et en attendant de trouver un vaccin ou une thérapie, il n’y a comme solutions que le confinement ou la fermeture des frontières. Beaucoup de pays le font. Et le choix du gouvernement mauricien est donc un ‘bon choix médical’ », explique l’ancien ministre des Finances. Cependant, ajoute-t-il, ce choix a des implications économiques pour le textile, le tourisme ou encore pour Air Mauritius.

Du coup, les États doivent intervenir pour sauver l’emploi et empêcher la faillite des entreprises. « Même les grands fanatiques du marché et du capitalisme adoptent une politique interventionniste», fait-il valoir. À Maurice, poursuit Rama Sithanen, le gouvernement est venu avec une série de mesures : le ‘Wage Subsidy’, l’assistance au secteur informel, les facilités offertes par la Banque centrale, le soutien financier de la Mauritius Investment Corporation (MIC). Pour lui, ces aides sont nécessaires pour éviter une crise financière et une crise de devises, qui peuvent déboucher sur une crise sociale. « C’est la responsabilité de n’importe quel gouvernement de le faire », insiste-t-il.

Commentant le différend entre le gouvernement et le patronat sur la Contribution Sociale Généralisée (CSG), Rama Sithanen ironise qu’il y a plusieurs formes de consultations : formelle, informelle, « dans le corridor ». « Je ne souhaite pas entrer dans le débat, mais je crois que c’est le mauvais moment pour aller en guerre », fait-il ressortir. Et d’ajouter : « Nous faisons à une crise que le monde n’a jamais connue. Il faut que tout le monde s’unisse et mettre leurs idées ensembles. Il faut que tout le monde utilise son énergie, ses ressources et son temps pour articuler une réponse politique globale et coordonnée pour faire face à un triple choc : sanitaire, économique et social ».  

Coma artificiel

Toujours sur le même sujet, l’ancien ministre trouve « chagrinant qu’avec autant d’argent dont dispose le ministère des Finances, soit Rs 150 Md, on se bagarre pour si peu d’argent ». « C’est une distraction qui n’est pas nécessaire dans le contexte actuel. Le pays est dans un coma artificiel. Comment amorcer la reprise économique ? Comment adapter notre économie dans ce nouveau monde totalement transformé par la Covid-19 ? C’est sur ces questions que nous devons travailler et centrer le débat », insiste-t-il.   

Or, ajoute-t-il, le gouvernement introduit une taxe pour honorer une promesse électorale. Selon Rama Sithanen, la Contribution Sociale Généralisée (CSG) comporte six lacunes. Elle est, d’abord, « discriminatoire », car elle « pénalise les employés du secteur privé qui devront payer alors que ceux du secteur public en sont exemptés ». Elle est aussi « inéquitable ». « Un médecin qui travaille dans une firme, qui touche Rs 100 000, doit payer Rs 3 000, alors qu’un médecin qui travaille à son compte et touche le même salaire ne paiera que Rs 150 », étaye-il. 

Puis, la CSG est, selon lui, aussi « injuste », parce qu’il n’y a « aucune proportionnalité entre la contribution et le bénéfice comme c’est le cas actuellement pour le National Pensions Fund (NPF) ». Cette mesure n’est également « pas soutenable », car « nous avons une population vieillissante » et le gouvernement « n’aura pas d’autres choix que d’augmenter la cotisation à l’avenir  », soutient-il.

Ensuite, la CSG n’est « pas dans l’intérêt des professionnels ». « Nous avons besoin du talent et de la compétence des professionnels pour réussir sur le plan économique. Or, avec la CSG, ces professionnels obtiendront difficilement du travail, car les employer revie ndra à payer plus cher », déplore-t-il. 

En dernier lieu, la CSG « pêche par son timing » que Rama Sithanen juge « mauvais », le pays étant en récession. « Au lieu de mener la guerre contre la Covid-19 et la récession, le gouvernement et le secteur privé se bagarrent entre eux », déplore Rama Sithanen, qui souhaite « un apaisement de la situation ».

Réactions

Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius : «Nous reviendrons avec des précisions»

kevinKevin Ramkaloan, le Chief Executive Officer (CEO) de Business Mauritius, indique que la fédération patronale a pris note de la conférence de presse conjointe du ministre des Finances et du Travail. « Nous reviendrons avec des précisions », a-t-il ajouté. 


Jean-Michel Pitot, président de l’Ahrim : «Je suis surpris par ces commentaires» 

jeanJean-Michel Pitot, président de l’Association des Hôteliers et des Restaurateurs de l’île Maurice (Ahrim), se dit « surpris par les commentaires » des ministres Padayachy et Callichurn. « J’ai sollicité un rendez-vous avec le ministre des Finances depuis quelques semaines pour passer en revue toute la problématique économique liée au tourisme. J’attends une réponse pour débattre de ces points avec lui », indique-t-il.  


Clency Bibi, président de la CSG-Solidarité : «Solidaire avec l’action gouvernementale»

Le président de la CSG-Solidarité, Clency Bibi, voit d’un bon œil que le gouvernement résiste aux lobbies exercés par le secteur privé pour revoir les acquis des travailleurs, dont le Portable Retirement Gratuity Fund (PRGF) et plus de flexibilité obtenue dans la Workers’ Right Act.  « Il n’est pas question que les travailleurs portent seuls le fardeau de la Covid-19 », dit-il. Clency Bibi trouve que c’est totalement contradictoire que, d’un côté, « le patronat bénéficie du Wage Assistance Scheme du gouvernement pour sauvegarder les emplois » et de l’autre, qu’il « exerce des pressions pour avoir carte blanche pour licencier des travailleurs ».


Pascale Paillusseau, Regional Director des Cocotiers Hotel : «Tout à fait d’accord qu’il ne faut pas licencier»

pascalePascale Paillusseau, Regional Director des Cocotiers Hotel, explique que la Covid-19 a mis à genoux l’économie mauricienne, en particulier le secteur du tourisme. Il salue donc l’initiative de l’État de soutenir l’industrie. « Je suis tout à fait d’accord que les entreprises qui ont bénéficié du Wage Assistance Scheme ne peuvent licencier des gens. D’ailleurs, le maintien de l’emploi est important. De ce fait, on n’a licencié personne », a-t-il conclu.


Pramode Jaddoo, économiste : «Mauvais timing pour la CSG»

pramodeL’économiste Pramode Jaddoo ne cache pas sa déception. « On  ne peut redresser l’économie avec des mesures non-structurées et non analysées. Il n’y a pas de structures sur les mesures annoncées et il y a eu trop de confusions », déplore-t-il. Il a cité l’exemple de la Contribution Sociale Généralisée (CSG), dont le timing est  « mauvais, car le secteur privé est en difficulté ». Commentant le programme d’emploi et de formation visant 23 000 chômeurs, l’économiste souhaite que le gouvernement dévoile les critères. 


Dev Luchmun, économiste et ex-conseiller : «C’est bien que le GM ne cède aux lobbies»

devL’économiste et ex-conseiller en matière de relations industrielles au ministère de l’Emploi, Dev Luchmun, avance qu’il est « sceptique » concernant le chômage. « Bien qu’il faut saluer l’effort du gouvernement pour sauvegarder les emplois, néanmoins, il faut aussi reconnaître qu’on ne peut empêcher indéfiniment les fermetures et licenciements dans certains secteurs », fait-il ressortir. Il explique que la survie des emplois à Maurice dépend grandement de la situation économique sur le plan international. « Déjà plusieurs pays faisant partie de nos principaux marchés sont affectés par une deuxième vague de la Covid-19 » avance-t-il.  Toutefois, il apprécie que « le gouvernement ne cède pas devant les lobbies du secteur privé ».

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !