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Piratage d’œuvres musicales: un million de CD vierges importés

La contrefaçon d’œuvres musicales rapporte des dizaines de millions de roupies par an aux auteurs de produits contrefaits opérant dans l’illégalité. Ils reproduisent des albums, grâce à des appareils hi-tech, sur des CD vierges importés d’Asie.

Un business qui rapporte

Le piratage des œuvres musicales est un business qui rapporte gros. Avec la Master Copy de l’album (ou un album original), il est possible d’en reproduire des milliers, voire des millions, qui seront vendus à moindre coût sur le marché. Un album contrefait se commercialise entre Rs 100 et Rs 150 l’exemplaire, tandis que l’original se vend entre Rs 200 et Rs 250. Durant la période festive (soit de novembre à janvier), la vente grimpe considérablement, car il y a les compilations de disques de l’année. Le profit généré durant cette période de l’année est de plusieurs millions de roupies.

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Un conteneur de CD vierges a été importé durant la période festive. La marchandise, estimée à plusieurs millions de roupies, a été déclarée à la douane et a été écoulée sur le marché dans des magasins. Une grande partie de la marchandise est soupçonnée d’être utilisée pour la contrefaçon à grande échelle, car aucun produit musical n’est pressé à Maurice. L’importateur, qui possède un magasin à Port-Louis et un entrepôt dans un faubourg de la capitale, explique qu’il a l’habitude de vendre ses CD vierges dans des magasins à des producteurs et à des artistes. Il commercialise ses produits entre Rs 4 et Rs 10, dépendant de la marque. « Je suis dans l’importation de CD vierges depuis une dizaine d’années. J’en importe plusieurs conteneurs par an et une partie de ma marchandise est en vente dans des magasins. Je commercialise les CD également en gros (des boîtes de 600 CD). Il est impossible de vous donner le nombre de CD écoulés sur le marché, mais je peux vous dire qu’il est conséquent. Même si la vente de CD vierges a chuté ces dernières années ! » avance le commerçant. La Copyright Act ne sanctionne aucun producteur ou artiste qui reproduit son œuvre sur un CD vierge. Il ne sera pas inquiété du moment qu’il y a l’année de fabrication, un code-barre et les droits réservés au verso de la pochette de l’album. Si tel n’est pas le cas, la reproduction sera perçue comme un produit contrefait. Seuls un producteur et un artiste autoproducteur ont le droit de dupliquer des CD, le nombre n’excédant pas 1 000 exemplaires.

L’axe réalisateur-colporteur

Sous le couvert de l’anonymat, un producteur, possédant un magasin de disques à Port-Louis, dit s’adonner à la contrefaçon de CD. Il est considéré comme l’un des principaux trafiquants d’œuvres piratées du pays. Selon lui, ceux travaillant dans ce business sont des particuliers, des disquaires, des producteurs et des artistes. Notre interlocuteur raconte que c’est l’importateur qui lui fournit en CD vierges, qu’il grave par la suite en utilisant ses appareils dernier cri. La pochette, dit-il, est imprimée après avoir été scannée. Le produit contrefait, qui ressemble à l’original, est écoulé sur le marché. Son magasin de disques a fait l’objet d’une fouille policière qui s’est avérée vaine samedi dernier. Après maintes hésitations, le producteur dévoile l’axe disquaires-réalisateurs de produits contrefaits. Il avance que ce sont les disquaires et les colporteurs (environ six par magasin) qui font rouler le business de contrefaçon d’œuvres musicales. Une fois que le produit est contrefait, il est laissé entre les mains du disquaire et du colporteur, en vue d’être écoulé sur le marché. Les œuvres musicales exposées dans les vitrines ou sur la table, portant l’hologramme de la Rights Management Society (RMS), ne sont que des trompe-l’œil. « Le piratage est un réseau qui implique l’importateur, le réalisateur du produit contrefait et le disquaire. C’est un trafic qui rapporte des millions de roupies de profits », dit-il. Les propriétaires des maisons de disques ont des jockeys (colporteurs) à proximité de leurs maisons de disques. Ces colporteurs vendent une cinquantaine, voire une centaine, de CD chaque jour. L’un d’entre eux raconte qu’il a écopé d’une cinquantaine d’amendes en cour de district pour commercialisation d’œuvres musicales et cinématographiques contrefaites. Les colporteurs se font environ Rs 500 par jour et leurs recettes peuvent atteindre Rs 2 500.

Un important réseau

500 000 compilations de chansons de l’année 2015 à Rs 150 l’exemplaire auraient été commercialisées entre mi-novembre 2015 et début janvier 2016. Le piratage à Maurice serait l’affaire d’un cerveau, de quatre distributeurs et d’une cinquantaine de jockeys. « N’importe qui peut importer des CD vierges et se lancer dans le piratage de films et de produits musicaux. Il suffit d’avoir un CD Tower et des graveurs. Chaque graveur a la capacité de graver 11 CD en 30 secondes », fait ressortir un disquaire de Rose-Hill. « Il est dommage que les CD que j’importe soient utilisés pour la contrefaçon, mais je n’y suis pour rien, car je ne suis qu’un importateur. Mis à part les pirates, il y a beaucoup de personnes et d’institutions qui achètent mes CD. Toutefois, la demande a baissé ces derniers temps, car tout est digitalisé », indique l’importateur de CD.
 

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Bruno Raya est l’un des artistes qui soutiennent la lutte contre le piratage. En 2016, dit-il, les artistes locaux ne se feront plus humilier. Le chanteur est d’avis que la lutte contre le piratage commence avec la révision de la Copyright Act. « La Copyright Act de 2014 contient des lacunes, ce qui n’est pas favorable aux artistes et occasionne le piratage. C’est la raison pour laquelle il est important de revoir cette loi au plus vite », dit-il. Un Select Committee, composé d’une dizaine d’artistes, a ainsi été institué afin de travailler sur une liste de propositions en vue d’amender la Copyright Act 2014.        
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Au ministère des Arts et de la Culture

Le ministre Dan Baboo concède que des officiers de son ministère sont de mèche avec les auteurs de produits piratés. Il tire ses propres conclusions sur la « descente surprise » qui aurait dû avoir lieu dans l’une des villes du pays en début de semaine. Une descente dont seulement les membres du conseil de la RMS et quelques officiers du ministère ont eu vent. L’opération a finalement été avortée à la dernière minute, car le ministre a obtenu des renseignements selon lesquels l’opération serait vaine. « Les sanctions seront sévères envers les officiers du ministère des Arts et de la Culture trouvés coupables de complicité avec les pirates de produits artistiques. Le Commissaire de police Mario Nobin a déjà été alerté. D’ailleurs, une enquête interne a déjà été initiée », déclare Dan Baboo. La Rights Management Society (RMS) abonde dans le même sens que le ministre. Le président du conseil Julien Georges avance que la société sera intransigeante envers ce fléau. « La RMS ne cesse d’agir comme chien de garde contre le piratage. Nous multiplions les opérations dans les rues et nous sommes intransigeants envers ceux trouvés coupables de contrefaçon d’œuvres d’art », dit Julien George.
 

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Audrey Lamarque, la représentante Sony Music à Maurice, avait autrefois saisi la RMS (la défunte MASA) pour avoir reproduit des œuvres de façon illégale. Elle a obtenu gain de cause dans l’affaire qui l’opposait à la RMS dans la reproduction d’œuvres musicales appartenant au label Sony Music. Notre interlocutrice se dit sceptique par rapport aux compétences de la nouvelle brigade antipiratage. « Le fléau du piratage ne peut perdurer. La vente des œuvres musicales ne cesse d’augmenter et il faut des lois sévères pour lutter contre le piratage. Outre la révision de la Copyright Act de 2014, il faut également des descentes policières régulières. L’ancienne brigade antipiratage, dirigée par le chef inspecteur Hector Tuyau, a au moins produit des preuves », dit-elle.    
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Brigade antipiratage

L’Anti-Piracy Unit de la force policière multiplie les descentes sur le terrain depuis la période festive. La douzaine d’officiers de la brigade serait toutefois insuffisante. Ceux-ci s’occupent également de la lutte antidrogue. Dans le passé, l’équipe se montait à une quarantaine de personnes. Même si les descentes sur le terrain se multiplient, les fréquences sont moindres et les enquêtes prennent davantage de temps. Le trafic ne peut être éradiqué sans le concours des membres du public. « La lutte contre le piratage est identique à la lutte contre la drogue. Le piratage peut connaître une baisse, mais ne pourra jamais être éradiqué, à moins que le public ne cesse d’acheter les albums contrefaits », soutient notre interlocuteur.

Un album de Cassiya piraté

« La contrefaçon d’œuvres musicales a fait son apparition dans le pays depuis une vingtaine d’années », soutient le chanteur producteur Gérard Louis. Il se remémore l’album du groupe Cassiya, piraté avant que l’album ne soit commercialisé sur le marché local. C’était en 1995. « La désolation était à son comble. On se demandait comment une telle chose pouvait se produire. Il devait bien y avoir une taupe quelque part. Comment se fait-il qu’un album qui était encore sous impression à l’étranger se vendait déjà à Maurice. Qui était la taupe ? » se demande encore le chanteur.

L’incident du 30 décembre

Tout a commencé le 30 décembre dernier, lorsque quelques artistes locaux ont voulu entamer une opération crackdown dans les rues de la capitale. Durant cette opération surprise, sept d’entre eux ont été blessés et quatre autres arrêtés. Ceux-ci ont été traduits en cour le 31 décembre. Ils ont été libérés sous caution. Ces quatre artistes sont Dr Boyzini, Michel Nany, Axel Émilien et Kenny Seenien. Ils répondent de trois accusations provisoires : larceny with violence, assaulting police officers et assault with premeditation.
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