Interview

Pierre Dinan, économiste : «L’économie mauricienne sera confrontée à plein de défis externes»

Il ne se dit pas pessimiste, mais réaliste. Lorsqu’on l’interroge sur ses prévisions pour 2017, l’économiste Pierre Dinan parle d’une année pleine de défis et estime que la relance de l’économie doit passer par des projets industriels et non pas d’infrastructures comme l’agrandissement du port et le Metro Express.

Publicité

Vu le contexte économique mondial, notamment les procédures autour du Brexit (sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne) et l’entrée en fonction du nouveau président des États-Unis, Donald Trump, comment s’annonce 2017 pour notre économie ?
Nous aurons des défis à relever. Vous évoquez des facteurs externes tels que le Brexit et la venue de Donald Trump qui s’annonce protectionniste. Dans cette ambiance, l’économie mondiale reste morose et incertaine. Nous avons besoin d’exportations et elles sont en baisse pour les biens, mais heureusement pas pour les services. Avec ce genre de caractéristiques et une économie extrêmement ouverte, 2017 s’annonce pleine de défis externes.

Votre discours est relativement pessimiste par rapport aux analyses de la Banque de Maurice (BoM), de MCB Focus et de SBM Insight qui tablent sur une croissance du Produit intérieur brut (PIB) entre 3,8% et 4% en 2017. Votre point de vue sur la croissance du PIB en 2017 ?
En répondant à votre première question, je vous parais pessimiste, moi je dirais plutôt que je suis réaliste. Ce qui se passera en Europe et aux États-Unis suscite des interrogations. Concernant les facteurs domestiques, je suppose que les prévisionnistes se basent sur les annonces des travaux du port et du Metro Express grâce auxquels nous avons reçu Rs 12,7 milliards de l’Inde. Des projets d’infrastructures viennent, c’est tant mieux s’ils se matérialisent, selon les projections. Ces projets augmenteront les activités de l’économie locale qui, je vous le rappelle, tournent en deçà de ses possibilités. Ces chantiers contribueront positivement, mais ils créeront des emplois qui disparaitront après les travaux. Ce qu’il faut, en observant les moyen et long termes, ce sont des installations industrielles. Il faut des industries nouvelles et une modernisation de celles existantes. Pour les industries nouvelles, je pense aux énergies renouvelables et à l’économie océanique qu’on nous avait annoncées, mais qu’on ne voit pas venir. Parmi les industries existantes qui requièrent une modernisation, deux exemples : l’agriculture qui est le grand parent pauvre de notre économie et la pêche. Le tourisme a besoin de se donner un visage plus complet. Certes, le gouvernement a pris une décision difficile et a fait venir plus de touristes. Mais ces touristes dépensent-ils plus ? Il faut que les touristes visitent l’île et pour ce faire, il faut les attirer à travers des activités.

Pensez-vous que Maurice puisse atteindre 4% de croissance du PIB en 2017 ?
Je ne fais pas tourner les chiffres dans un ordinateur ! Je ne me prononce pas, je laisse ces chiffres à ceux qui les manient, comme les spécialistes de Statistics Mauritius, de la BoM, de la MCB et de la SBM. Moi, j’observe les faits et l’environnement. Ce que je peux dire, c’est que pour atteindre ce cap des 4% de croissance, nous avons besoin de nouveaux projets et d’investissements. Il faut donc faire tourner l’économie mauricienne pas seulement à travers des infrastructures, mais à travers des projets durables.

Le gouvernement vise le seuil de 50% du PIB pour la dette publique d’ici fin 2018. Pensez-vous que c’est faisable ou qu’il faudra repousser l’échéance ?
Cela me parait difficile de descendre aussi rapidement à 50%. Nous en sommes à 62,8% (ndlr : selon le discours du Budget 2016/1017 prononcé le 29 juin 2016 et d’après le calcul du Fonds monétaire international – FMI). Je ne vois pas ce gouvernement tenter d’économiser sur des dépenses non nécessaires. Certes, nous avons obtenu une remise de dette de la Chine, mais cela reste exceptionnel. Personnellement, j’ai des doutes même si je souhaite ardemment une baisse. Pour cela, il faut plus d’activités économiques. Le gouvernement doit percevoir plus de taxes, pas en augmentant les impôts, mais avec plus de consommation et de bénéfices des entreprises. L’activité économique, si elle repart, pourra contribuer à une baisse de la dette. Ensuite, il importe que le gouvernement dépense chaque roupie à bon escient, sans gaspillage. Malgré l’annonce budgétaire, il y a quatre mois, de remettre de l’ordre dans les corps paraétatiques, on n’y est pas encore arrivé. Il le faudra pour disposer d’un secteur public performant.

 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !