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Pauvreté extrême : Le double combat des personnes âgées

Maladies liées à la vieillesse, douleurs, fatigue et aussi lutte contre la pauvreté, la misère morale. Tel est le double combat des personnes âgées au quotidien.

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En ce lundi 17 octobre, journée internationale pour l’élimination de la pauvreté, nous leur donnons la parole.

La journée mondiale « est l’occasion de reconnaître les efforts et les luttes des personnes vivant dans la pauvreté. C’est l’opportunité pour elles de faire entendre leurs préoccupations. C’est le moment de reconnaître que les pauvres sont à la pointe de la lutte contre la pauvreté. » Telle est la déclaration figurant dans le rapport A/61/308 du Secrétaire général des Nations unies. À Maurice, de nombreuses familles vivent dans des conditions difficiles, dans la précarité. Le Défi Quotidien a recueilli leurs témoignages.

Un salon de 4m2 encombré par un vieux réfrigérateur, des tables et quelques chaises. Les cloisons en bois et feuilles de tôles cannelées sont tapissées d’écriteaux de louange au créateur. Le toit est partiellement troué. La bicoque de quatre pièces a vu le jour, il y a 22 ans et abrite huit personnes.

Assise sur sa chaise, Zora H., 63 ans, a le verbe facile. Croyante, cette mère de famille dit ne pas désespérer face à la misère qu’elle affronte au quotidien. Sa force, elle la puise dans sa foi en son créateur. « La vie ne m’a pas fait de cadeau. Après la mort de mon époux en mai 2013, j’ai perdu ma fille aînée 11 mois plus tard. Puis, ma cadette a souffert de problèmes psychologiques en raison de problèmes dans son couple. Elle est en traitement à l’hôpital de Beau-Bassin. Je prends soin de ses deux enfants en bas âge, en plus des deux enfants que ma fille aînée a laissés, et un petit-fils. Mon allocation mensuelle de Rs 7 000 suffit difficilement à couvrir nos besoins», confie cette mère de cinq enfants. « Parfois, il n’y a rien à se mettre sous la dent. Mais je ne suis pas une personne à mendier. J’encaisse ce que la vie me donne sans broncher… »

Lors des grosses averses de février, Zora a cru qu’elle y resterait ! Sa bicoque a été submergée par les eaux d’un drain d’évacuation. Tout ce qu’elle possédait a été emporté par les flots ! « J’ai tout perdu. Avec l’aide de mes enfants, des voisins et de l’allocation de Rs 2 000 de la Sécurité sociale, j’ai tenté de remonter la pente. Les séquelles de cette inondation demeurent», dit-elle.

« Rs 160 pour des médicaments »

Situation similaire pour Marie-Claude Chan Waye, une veuve de 65 ans. « En 2003, mon époux qui était alité pendant 22 ans suite à une rupture d’anévrisme en 1981, décède. En 2012, je tombe gravement malade. Le médecin recommande l’implantation d’une prothèse au genou gauche. L’opération se passe mal et je perds partiellement l’usage de mon membre. Je ne peux ni marcher, ni me tenir debout correctement », raconte cette mère de cinq enfants et 10 petits-enfants.
Outre sa pension de Rs 5 000, Marie-Claude Chan Waye perçoit une autre pension de veuve de Rs 4 000 : son époux était fonctionnaire municipal. Entre son traitement médical, les médicaments pour son parkinson, ses injections au genou, l’habitante de Bel-Air peine à garder la tête hors de l’eau. « Heureusement, mes fils m’offrent parfois une aide financière. »
« C’est dur de voir un senior vivre dans de telles conditions. Cette allocation mensuelle est nettement insuffisante pour maman », souligne Daniel Chan Waye.

Babie Chettiar dit vivre la misère noire.

Babie Chettiar vit le même drame. Cette habitante de Pointe-aux-Sables de 60 ans, a été contrainte de prendre de l’emploi dans une compagnie d’entretien. Séparée de son époux, elle vit dans la précarité. C’est sur son lieu de travail à La Tour Koenig qu’elle évoque ses difficultés. « Je touche une allocation sociale. Je suis obligée de travailler, car même si je vis seule, je dois aider financièrement mon fils et ma belle-fille qui est souffrante. Mon fils cumule les petits boulots », relate la dame.

Malgré sa pension, elle a des difficultés à s’en sortir. « J’ai emprunté à maintes reprises à des amies. Il me faut les rembourser. J’ai des factures à régler, la nourriture à payer. C’est la misère noire. Je souffre de douleurs au genou, je peine à acheter des médicaments au coût de Rs 160. À l’hôpital, les médecins ne me prescrivent que du Panadol.»

Les pires moments de sa vie. « Durant quatre ans, l’eau et l’électricité m’ont été supprimées. Heureusement, ma voisine m’a aidée », se lamente-t-elle. Son souhait en cette journée mondiale : « Sa ki ena, ena tro boukou. Sa ki pena, pena ditou. Sa ki bizin sanze. »

Pradeep Roopun, ministre de l’Intégration sociale : « Plus de 18 000 familles enregistrées à ce jour »

Quelle est la stratégie du gouvernement, élaborée dans le Plan Marshall, pour éradiquer l’extrême pauvreté ?
La pauvreté est multidimensionnelle. Le thème retenu cette année est « De l’humiliation et de l’exclusion à la participation: éliminer la pauvreté dans toutes ses formes ». Nous menons ce combat sur plusieurs fronts à travers un développement économique inclusif, en promouvant la méritocratie, la transparence et la bonne gouvernance, en réformant le système d’éducation et introduisant un salaire minimal.

Les rapports de la Banque mondiale indiquent que le taux d’extrême pauvreté à Maurice est de 1 % de la population. Le gouvernement réunit tous les moyens nécessaires pour éradiquer cette extrême pauvreté à travers le Plan Marshall.

Où en est-on justement avec le Plan Marshall ?
Avec l’aide de l’United Nations Development Programme (UNDP), une équipe d’experts était à Maurice en septembre 2015. La première ébauche a été soumise en décembre 2015, le rapport final a été circulé auprès des ministères concernés. Le Budget présenté par le ministre des Finances Pravind Jugnauth inclut plusieurs de ses recommandations.

La mesure phare : l’introduction d’une allocation financière (subsistance allowance) pour garantir à chaque adulte un revenu minimum de Rs 2 720 pour ses besoins de base. Pour un enfant, ce montant est de Rs 1 360, soit 40% de plus que ce que préconise la Banque mondiale. Une récompense de Rs 15 000 à Rs 35 000 est offerte aux enfants des milieux défavorisés pour les encourager dans leur scolarité. Ils pourront aussi repasser un examen en cas d’échec.

Le Plan Marshall recommande la restructuration de la National Empowerment Foundation et 65 Case Management Officers ont été recrutés à Maurice et Rodrigues pour augmenter le nombre de travailleurs sociaux sur le terrain.

Quelles sont les familles qui bénéficieront du Plan Marshall ?
Le mécanisme pour déterminer quelles familles vivent dans l’extrême pauvreté sera revu. Le nombre de personnes par famille sera désormais considéré. Les familles figurant sur le Social Register of Mauritius bénéficieront de ces aides. Auparavant, il faut déterminer dans quelles conditions elles vivent. Le ministère a effectué un exercice d’enregistrement du 16 août au 24 septembre. 18 500 familles sont concernées à Maurice et 4 200 à Rodrigues. Plus de 14 000 visites à domicile ont été effectuées. Les données collectées seront transmises au ministère de la Sécurité sociale pour déterminer l’éligibilité des familles.

Que faut-il faire pour que la pauvreté ne gagne pas du terrain ?
La pauvreté ne se résume pas en l’absence de moyens financiers et matériels. Nous prévoyons un travail d’accompagnement. Les familles seront appelées à respecter un Contrat social qui inclura des conditions pour les aider à sortir du cercle vicieux de la pauvreté et les rendre autonomes. Une équipe de l’UNDP est à Maurice pour conseiller le gouvernement à ce sujet.

En cette journée internationale, j’insiste que l’élimination de la pauvreté n’est pas le combat du seul gouvernement. Secteur public, secteur privé, société civile, personnes de bonne volonté et la nation dans son ensemble doivent oeuvrer en ce sens. L’action essentielle : revoir notre attitude vis-à-vis des personnes pauvres. Il ne faut pas juger autrui, il faut être solidaire de leurs problèmes.

Les ONG font-elles suffisamment pour aider ces personnes ?
Je salue l’excellent travail que mènent les ONG sur le terrain. Outre les ONG, il y a les institutions, les entreprises engagées dans le CSR. Le Plan Marshall déplore toutefois un manque de coordination. La synergie n’est pas là. Il faut agir de concert : d’où le projet de National CSR Foundation pour assurer plus de transparence et d’efficacité.

Geerish Bucktowonsing, président du MACOSS : « Nous devons changer le système »

Le président du Mauritius Council of Social Service (MACOSS) a fait  de la lutte contre l’éradication de la pauvreté son cheval de bataille. Selon Geerish Bucktowonsing, tous les partenaires concernés doivent aider ces familles vulnérables. « Nous devons soutenir nos citoyens en trouvant un équilibre. Notre système doit changer. Maurice ne dispose d’aucune ressource : ni pétrole ni or. Il faut aider ces personnes à travailler pour l’avancement du pays », dit-il. La lutte contre la pauvreté, n’est pas le seul combat du gouvernement ni des ONG. « Le système ne profite pas à tout le monde. C’est pourquoi nous attirons l’attention de tous les stakeholders. Il faut favoriser l’accès à l’éducation des plus nécessiteux, donner une formation aux personnes dans l’extrême pauvreté. Un accompagnement est primordial », insiste Geerish Bucktowonsing.

Le concept brésilien pour éliminer la pauvreté

Maurice bénéficie du soutien de l’UNDP dans son combat contre la pauvreté. Dans le cadre de la journée internationale, le ministère de l’Intégration sociale, Pradeep Roopun, a accueilli le Dr Rômulo Paes de Sousa, consultant à l’UNDP et ancien ministre brésilien du développement social et de la lutte contre la faim. Il a apporté son expertise pour l’élaboration du registre social et la mise en place le plan Marshall contre la pauvreté.

Il a présenté un exposé sur le « Fighting Poverty in the 21st Century : the Sustainable Development Platform » en présence du ministre des Finances, Pravind Jugnauth et du ministre de l’Intégration sociale. « Ce concept brésilien a fait ses preuves dans 60 pays. Au Brésil, la pauvreté a été réduite de 17 % durant ces dernières années », a-t-il dit.

Stéphanie Thomas, Organisation St Education de Roche-Bois : « La pauvreté est héréditaire »

Triste constat que celle de Stéphanie Thomas, directrice de l’Organisation St Education de Roche-Bois : « La pauvreté se transmet de génération en génération. C’est notre constat. Si les grands-parents vivaient dans la pauvreté, les parents le seront aussi et les enfants vivront dans la misère. L’un des principaux facteurs de cette pauvreté, c’est le manque d’éducation », assure-t-elle. C’est pour briser ce cycle, que l’ONG a démarré un projet d’alphabétisation. « Des personnes de 70 ans ont souhaité apprendre à lire et écrire, car elles étaient frustrées de ne pouvoir ni lire les journaux ni compter leur argent.»

Nawsheen Chummun, M-Kids Association : « 200 personnes vulnérables SDF à Port-Louis »

Selon Nawsheen Chummun, Head of Education and Project Coordinator de M-Kids Association, de nombreuses familles, dans diverses régions, vivent dans la précarité. « Ces personnes sont contraintes de travailler, car leurs conjoints sont souffrants et souvent alités. Elles n’ont pas le moyen de financer les études de leurs enfants. C’est pourquoi M-Kids Association leur vient en aide.»  Qu’en est-il des personnes âgées ?

La représentante souligne que l’ONG offre des repas chauds aux sans domicile fixe (SDF) de la capitale. « Chaque mois, nous offrons un repas équilibré et chaud aux personnes vulnérables. On compte 200 SDF à Port-Louis, près du Champ-de-Mars. Chaque vendredi, nous leur offrons des gâteaux et du thé ainsi qu’un soutien moral, c’est essentiel.»

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