L’État souhaite récupérer les ossements de dodo qui seront mis en vente à la Summers Place Auctions en Angleterre à plus de Rs 200 M. Des démarches ont été enclenchées auprès de l’Unesco pour empêcher cette vente. Toutefois, les avis divergent sur la somme qui sera dépensée pour récupérer le squelette.
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L’extinction du dodo date du XVIIe siècle. Un squelette de cet oiseau emblématique sera vendu aux enchères, le 22 novembre, par la Summers Place Auctions, en Angleterre. Le prix avoisinera les Rs 200 M. Une somme certes astronomique étant donné que la pièce est « unique », avait souligné Rupert Van der Werff, directeur de la Summers Place Auctions et expert en histoire naturelle, au journal anglais Independent il y a quelques mois. Le squelette composite du dodo, complété à 95 %, dont une partie est faite d’argile, appartient à un collectionneur privé qui avait acheté la majorité des ossements entre 1970 et 1980.
Le Conseil des ministres a annoncé, le vendredi 7 octobre, que les restes fossiles et sous-fossiles de la faune endémique dans le territoire de la République de Maurice seront désignés comme patrimoine national, et leur exportation et commerce seront interdits. Des démarches ont ainsi été enclenchées auprès de l’Unesco pour empêcher cette vente et par la suite récupérer le squelette. « La loi est claire sur l’interdiction d’exporter ou de vendre tout objet ou autre classé comme patrimoine. Nous avons fait appel à l’Unesco dans ce sens pour aider à voir plus clair et empêcher la vente de ce squelette et nous attendons une réponse », explique une source proche du dossier.
Pour Yannick Cornet, président du National Heritage Fund (NHF), cela risque de prendre un peu de temps, car il est difficile de prouver que les os ont été vendus illégalement. « Nous ne pouvons comparer les ossements du dodo au trafic d’ivoire. Dans ce cas de figure, l’éléphant est tué et l’ivoire récupéré. Or, dans le cas du dodo, on a retrouvé des ossements d’un animal. À l’époque, personne ne savait qu’ils appartenaient au dodo. Une personne le récupère, fait des recherches et découvre qu’il s’agit de ceux du dodo. Ses enfants décident de le vendre dans les années 80, en quoi est-ce illégal pour l’acheteur. Du moins comment le prouver ? » argue Yannick Cornet.
Utiliser l’argent pour aider les démunis
De plus, il pense que l’État ne devrait pas débourser autant d’argent pour récupérer ce squelette du dodo qui n’est pas authentique. « Ce squelette est fait d’ossements de plusieurs dodos différents et non d’un seul oiseau. Qui plus est, 10 % du squelette est fait d’argile. Je ne comprends pas pourquoi l’État doit dépenser autant d’argent pour récupérer ce squelette. Il faudra payer quelque part soit pour l’acheter ou pour dédommager le propriétaire des ossements. Aussi, une fois en possession de l’État, il sera mis dans un musée. Or, cet argent pourrait servir à aider les plus démunis ou encore à faire des actions plus concrètes qui pourraient venir en aide à ceux dans le besoin », fait ressortir le président NHF.
S’il admet et respecte que cette pièce composée d’ossements d’un animal emblématique fait partie de notre patrimoine national, Yannick Cornet ajoute cependant qu’à Maurice, le Musée de Port-Louis abrite une pièce authentique de squelette de dodo. « La pièce que nous avons à Maurice est composée à 100% des os d’un seul et unique animal. S’il fallait dépenser des millions pour ce squelette unique au monde, cela ne m’aurait posé aucun problème », dit-il. Et d’ajouter que des squelettes composites semblables à celui du Summers Place Auctions, existent dans sept musées à travers le monde, notamment en Angleterre, en France et aux USA.
Un collectionneur anonyme
Le squelette qui sera bientôt en vente appartient à un collectionneur privé, dont on ignore l’identité, qui avait acheté la majorité des ossements entre 1970 et 1980. C’est ce qu’a soutenu de Rupert van der Werff, directeur de la Summers Place Auctions. En 2000, ledit collectionneur a réalisé qu’il avait suffisamment d’ossements pour construire un squelette, mais manquait uniquement une petite partie du crâne et un ensemble de griffes. Ces derniers ont été construits avec de l’argile. Il compte donc le mettre en vente à plus de 5 millions de livres sterling.
Emmanuel Richon, conservateur : «L’État ne prend pas au sérieux ce qui constitue un pillage des biens publics»
« Ce n’est pas parce que quelque chose est légal en soi qu’on en déduit que la loi ne peut être changée ou qu’il n’y a rien à faire pour modifier le système. Maurice devrait, au contraire, se vouloir en pointe dans un combat moral afin de modifier la loi et poser la question de savoir si tout peut être mis en vente, librement et sans restriction aucune », dit Emmanuel Richon. Le conservateur du Blue Penny Museum ne mâche pas ses mots et blâme l’État qui « ne prend pas au sérieux ce qui constitue un pillage des biens publics ».
« Comment définir autrement des vestiges du dodo, qui figure même sur nos armoiries. De toute façon, une loi mauricienne précise bien que, même en cas de propriété privée d’un terrain, le sous-sol et tout ce qui s’y trouve, appartient toujours à l’État et se trouve donc être, de fait, un bien public ! Dès lors, si ces ossements proviennent bien de la Mare-aux-Songes, ils en ont été extraits récemment », dit-il. Quoi qu’il en soit, le conservateur est d’avis que le propriétaire des ossements ne semble pas être crédible.
D’une part, il ne fournit aucune attestation de son droit de propriété, c’est-à-dire, la liste des gens ou des ventes lui ayant permis d’acheter ces vestiges. D’autre part, il y a une contradiction entre les affirmations de Christies en 2013 qui, lors d’une précédente vente d’un petit ossement, déclarait publiquement et par écrit, que la vente d’ossements du dodo de 2013 était la seule et unique à aboir été tenue dans le monde, depuis 1934. « Or, le propriétaire actuel, prétend avoir acquis ces ossements lors de ventes publiques des années 70-80… Contradiction flagrante ? »
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