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Milan Meetarbhan : «Il n’y a pas d’accord sur les Chagos pour le moment»

Selon Milan Meetarbhan, la mention de l’Inde par l’Angleterre et Maurice est venue changer la donne dans le dossier Chagos. Il fait ressortir que jusqu’ici, les discussions ont toujours impliqué Maurice, la Grande-Bretagne et les États-Unis.  

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Vous avez, en plusieurs occasions, déclaré que le retour de l’archipel des Chagos à Maurice dépendra de la bonne foi des Britanniques. Avec le récent développement survenu, témoignons-nous enfin de cette bonne foi ?
Si nous sommes arrivés à ce développement, c’est grâce à une stratégie qui a été adoptée depuis plus de 10 ans, soit depuis décembre 2010. Cette stratégie consistait à amener toutes les parties concernées à la table des négociations, car les Britanniques n’ont jamais voulu négocier. 

Il y avait eu un semblant de négociations, mais c’est à partir de 2010 que le gouvernement mauricien a décidé que l’on ne pouvait continuer à maintenir la question des Chagos au niveau bilatéral et qu’il fallait porter l’affaire à un niveau international. C’est ainsi que nous avons porté la question de la création d’une marine protected area devant un tribunal institué sous la convention des Nations unies sur le droit de la mer, l’UNCLOS. 
L’affaire a été déposée en 2010 et le tribunal a rendu sa décision en mars 2015. La stratégie a été de, plus tard, mener cette affaire devant l’Assemblée générale des Nations unies pour un vote en faveur d’une résolution. 

Lorsque le tribunal sur le droit de la mer a rendu sa décision en faveur de Maurice en 2015, le nouveau gouvernement a continué dans la même direction, c’est-à-dire saisir la Cour internationale de justice, ainsi que l’Assemblée générale des Nations unies. La Cour internationale a établi que Maurice a des intérêts sur les Chagos et que Maurice aurait dû être consulté avant que la région des Chagos soit décrétée « marine protected area ». Maurice a ainsi obtenu un jugement favorable. 

L’Assemblée générale des Nations unies a finalement demandé à la Grande-Bretagne de mettre fin à son occupation dans les six mois. Cette décision n’a pas été respectée, mais on a, par la suite, vu que plusieurs instances du système onusien ont donné suite au jugement de la Cour internationale de justice, ce qui a fini par mener à l’exclusion de la Grande-Bretagne de certaines instances. 

Il y a la volonté d’élargir le dossier Chagos et d’engager des négociations dans le cadre de la sécurité globale de l’océan Indien»

La déclaration du Premier ministre au Parlement à l’effet que le Royaume-Uni et Maurice vont prochainement engager des discussions pour un retour des Chagossiens sur leurs îles est, cependant, un rebondissement inattendu…
Je pense qu’il faut faire attention. Ce qui a été dit ne signifie pas qu’il y aura des négociations sur la question des Chagos. Si on reconnaît la souveraineté de Maurice sur les Chagos, les Mauriciens, selon les termes de notre Constitution, peuvent circuler librement sur le territoire mauricien. 

Cependant, s’il y a un accord entre les États-Unis et Maurice concernant Diego Garcia, l’on pourrait prévoir des restrictions en ce qui concerne la liberté de mouvement.

Sateeaved Seebaluck, ex-conseiller du gouvernement sur le dossier Chagos, affirme qu’il s’agit d’un revirement de situation spectaculaire de 180 degrés. Comment les Britanniques ont-ils fini par assouplir leur position de manière aussi radicale, compte tenu du fait qu’ils ont, pendant plusieurs années, fait fi du ruling de la Cour internationale de justice ?
Pour moi, c’est clair. C’est la pression exercée sur les Britanniques d’une part en raison du non-respect d’un avis de la Cour internationale de justice. Même si cet avis consultatif n’est pas contraignant, la Grande-Bretagne, en tant que puissance siégeant sur le Conseil de sécurité, a fini par se retrouver en difficulté, surtout dans le contexte de l’invasion en Ukraine, où on est en train de prendre position contre l’invasion d’un territoire.

Permettez-moi aussi de faire mention du fait que, pour la toute première fois, le nom de l’Inde a été mentionné sur le dossier des Chagos. C’est une grande première, car ce dossier a depuis toujours impliqué Maurice, la Grande-Bretagne et les États-Unis. Je pense donc qu’il y a la volonté d’élargir le dossier des Chagos et d’engager des négociations dans le cadre de la sécurité globale de l’océan Indien. Le fait que les gouvernements britannique et mauricien mentionnent l’intérêt des Indiens est, pour moi, très important.

Il n’y a qu’un accord pour négocier un accord. Mais il n’y a toujours pas d’accord sur la question de souveraineté»

Les discussions pour entamer des négociations autour des Chagos ont cependant été engagées avec l’ex-Première ministre britannique Liz Truss. Y aura-t-il une continuité avec le nouveau Premier ministre, Rishi Sunak, selon vous ?
Je pense bien que oui. Le Premier ministre mauricien a fait une déclaration au Parlement jeudi et le ministre des Affaires étrangères anglais en a fait de même jeudi aussi. C’est donc un signe que la nouvelle administration britannique va dans la même direction. Il n’y a, de toutes les manières, pas eu de changement au niveau du ministre des Affaires étrangères. C’est intéressant. 

Compte tenu de la volonté des Britanniques à avoir des négociations très tôt en 2023, comme en fait état la déclaration du Foreign Secretary James Cleverly, doit-on s’attendre à un accord rapide ?
Il n’y a pas d’accord pour le moment. Il n’y a qu’un accord pour négocier un accord. Mais il n’y a toujours pas d’accord sur la question de souveraineté. Il faut à présent voir si les discussions vont déboucher sur un accord entre Maurice, l’Angleterre et les États-Unis ou alors s’il y aura un accord séparé entre Maurice et ces deux pays.

Selon les déclarations du Premier ministre, peut-on, selon vous, déjà se projeter sur le redéploiement des Chagossiens sur leurs îles ? Le gouvernement mauricien avait déjà évoqué un resettlement plan pour un retour des Chagossiens sur leurs îles…
Je pense que la question du retour des Chagossiens sur leur île sera inévitable. Théoriquement, tous les citoyens mauriciens seront en droit de circuler sur le territoire mauricien, si la souveraineté de Maurice est enfin reconnue. 

Je dois cependant attirer l’attention sur le fait que la marine protected area est toujours en vigueur et que cela interdit toute activité économique autour des Chagos. Il faudrait, de ce fait, avoir des amendements en ce sens pour permettre une reprise des activités économiques en cas de retour des Chagossiens sur leur île.

 

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