
Fin stratège et ancien capitaine d’industries publiques emblématiques comme Mauritius Telecom, Air Mauritius et la State Trading Corporation, Megh Pillay dresse un constat implacable du délitement institutionnel de Maurice. Pour lui, la réputation d’excellence construite à force de rigueur technocratique et de gestion visionnaire a été sacrifiée sur l’autel de l’ingérence politique, de la médiocrité managériale et du clientélisme. Il dénonce une centralisation autoritaire du pouvoir décisionnel et la soumission des conseils d’administration à l’Exécutif, entre autres. Megh Pillay plaide pour un retour aux fondamentaux : gouvernance indépendante, professionnalisme, transparence et méritocratie. Refusant le fatalisme, il affirme que le redressement est possible.
Jadis cité en exemple, Maurice est aujourd’hui comparé par The Economist à une équipe de football de deuxième division. Vous qui avez vécu l'âge d'or des grandes institutions publiques, auriez-vous jamais imaginé une telle dégradation de l'image du pays ?
Cette comparaison demeure presque généreuse. Il y a une semaine, The Institute for Security Studies publiait une analyse intitulée : « Is the Mauritian miracle running on fumes ? ». Au fait, nous sommes tombés bien plus bas, non seulement dans le classement général, mais aussi sur toutes les statistiques de la Ligue. Nous avons connu une époque où la compétence technocratique soutenait un développement planifié, générant une croissance rapide des institutions publiques et privées, devenues des modèles enviés.
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La réputation de Maurice, fondée sur la bonne gouvernance et la fiabilité institutionnelle, s’est progressivement érodée, révélant des fragilités profondes qui appellent à une véritable remise en question.
Au-delà de l’humiliation symbolique, en quoi cette perte de crédibilité internationale peut-elle hypothéquer nos capacités à attirer des investisseurs étrangers et à financer notre développement futur ?
Cette perte de crédibilité ne découle pas d’une perception erronée, mais de faits tangibles et bien connus. L’ingérence politique sans précédent dans les affaires économiques, la succession de scandales, les actes de corruption avérés, la manipulation frauduleuse des fonds et des comptes publics, y compris du budget national, ont sérieusement compromis notre image de marque.
Cependant, par le rejet clair du régime lors des élections de novembre dernier, le peuple a adressé un signal fort et positif aux investisseurs. Ces derniers recherchent avant tout la stabilité politique, le respect des valeurs démocratiques, la séparation des pouvoirs, une gestion saine des affaires économiques, une gouvernance fondée sur des règles, ainsi que des juges intègres et indépendants et non des décisions guidées par les caprices des proches du pouvoir.
Ce sont aussi les modifications arbitraires des lois, l’octroi et le retrait discrétionnaires de permis sous l’autorité de personnes corrompues, la rupture abusive de contrats et les expulsions sans procès parmi les risques majeurs qui dissuadent les investisseurs.
Le nouveau gouvernement devra entreprendre un travail colossal pour rétablir l’ordre, restaurer la confiance et préparer le terrain avant d’accéder aux marchés financiers et d’organiser des roadshows. Il s’agit là d’un défi considérable qui incombe à l’Economic Development Board.
Avec des scandales comme celui de la Mauritius Investment Corporation (MIC), courons-nous le risque d'une relégation encore plus sévère ?
Les dérives de l’ancien régime étaient de notoriété publique, bien que rarement évoquées à haute voix par crainte des représailles d’un État policier répressif. Après avoir été privé de liberté d’expression pendant une longue période, le public manifeste aujourd’hui une forte exigence de transparence et de justice. Le pouvoir en place ne saurait l’ignorer.
Cependant, si la divulgation des scandales n’est pas suivie de mesures correctives rigoureuses, nous risquons de sombrer davantage et de ne pas pouvoir redresser la situation avant de nombreuses années. Les personnes responsables doivent être traduites en justice rapidement, et pas dans 10 ou 20 ans
Vous avez dirigé trois mastodontes publics (Mauritius Telecom, Air Mauritius et State Trading Corporation) à une époque où ils pesaient encore lourd. Aujourd'hui, beaucoup d'institutions publiques sont soit exsangues, soit zombifiées. Est-ce le fruit d'une incompétence crasse, d'une ingérence politique généralisée, ou tout simplement d’un modèle institutionnel qui n’a pas survécu à l'usure du pouvoir ?
Tout modèle institutionnel performant doit évoluer en fonction de la dynamique sectorielle et des avancées technologiques. À Mauritius Telecom, nous avons anticipé les transitions technologiques majeures : du fixe au mobile, du cuivre à la fibre optique, des satellites géostationnaires aux câbles sous-marins, et de la voix à la transmission de données.
De même, Air Mauritius devait sans cesse innover en équipement, réseau, marketing et service pour faire face la concurrence et tirer parti des nouvelles opportunités offertes par la baisse des coûts de transport aérien. La STC a adopté une approche similaire dans un environnement économique en mutation rapide.
Nous avons partout enregistré des taux de croissance et des niveaux d’efficacité remarquables en adaptant nos modes de gestion, en maximisant les ressources existantes et en générant de la valeur pour assurer la pérennité des entreprises.
Malheureusement, le régime précédent a souvent nommé des individus dépourvus de compétences à la tête de ces entreprises. Ces dirigeants se sont contentés de gérer les affaires courantes sans envisager l’avenir. Une telle approche a conduit inévitablement à la dégradation des structures organisationnelles, phénomène désormais perceptible à travers l’ensemble du secteur public et, dans certains cas, du secteur privé, également affecté par le chantage politique.
Quels sont les péchés capitaux qui conduisent irrémédiablement une institution publique vers la déroute ?
Ils sont nombreux, mais dans notre contexte, ils émanent tous d’une cause commune : la centralisation effective ou perçue du pouvoir décisionnel.
À l’origine, les institutions étaient conçues pour fonctionner de manière autonome, car elles maîtrisaient mieux que quiconque leurs domaines respectifs. Elles étaient guidées par des objectifs nationaux clairement définis et tenaient également compte des orientations du pouvoir exécutif, qu’elles avaient pour rôle de conseiller. Les décisions étaient prises par un Conseil d’administration (CA) composé de personnalités dignes et compétentes, tenues d’agir en toute indépendance et selon leur conscience.
Dans un cadre sain, le CA était guidé par la hiérarchie institutionnelle dotée de la connaissance et de l’intelligence sectorielles. Mais dans le système déliquescent qui s’est instauré, le pouvoir a nommé au sein des CA des fonctionnaires dociles et des individus prêts à suivre des directives prédéterminées. Quelle que soit la législation ou les statuts régissant les obligations fiduciaires, ces membres ont aveuglément suivi les instructions transmises par les représentants du pouvoir politique.
Le ministre lui-même n’agissait qu’après avoir obtenu l’aval du Premier ministre, lequel, selon plusieurs témoignages, se fiait davantage aux recommandations de son entourage familial qu’aux analyses des institutions. Il est désormais bien établi que des décisions ministérielles ont été révoquées sous l’influence d’ingérences extérieures.
Dans un système normal, les données recueillies sur le terrain sont analysées par les spécialistes avant que les décisions ne soient prises en toute connaissance de cause. Or, depuis un certain temps, le processus décisionnel s’effectue dans le sens inverse.
Je me permets de rappeler qu’un ancien Gouverneur de la Banque de Maurice avait déclaré publiquement qu’il sollicitait les conseils de son Premier ministre, Anerood Jugnauth, lequel n’était pourtant pas un expert en politique monétaire. Ce type de comportement illustre bien comment l’épine dorsale de nos institutions a été fragilisée par la prolifération de comportements opportunistes et serviles.
Soyons directs : est-il encore possible de diriger une entreprise publique en suivant une boussole professionnelle — et non politique — sans risquer sa carrière ?
Oui, cela redeviendra possible à condition de démanteler le système de gouvernance mis en place par le régime précédent.
J’ai occupé des fonctions dirigeantes au sein d’entreprises publiques sous les gouvernements d’Anerood Jugnauth, Navin Ramgoolam, Paul Bérenger, puis à nouveau Navin Ramgoolam et Anerood Jugnauth. Aucun de ces Premiers ministres n’a remis en question mon intégrité personnelle ni ma loyauté pour avoir servi sous des adversaires électoraux. Seuls la performance et les résultats comptaient.
Il est vrai que le CEO d’une entreprise publique devient souvent la cible des frustrations de ceux qui n’ont pas obtenu un emploi, une promotion, un poste, des privilèges ou des contrats, persuadés que le CEO avait le pouvoir de satisfaire leurs demandes appuyées par des interventions politiques. Ces frustrations sont parfois habilement présentées au pouvoir politique sous forme de récits biaisés.
J’ai eu la chance de maintenir une ligne de communication régulière avec les Premiers ministres, ce qui m’a permis de désamorcer certaines situations délicates. En général, ces dirigeants faisaient preuve de sagesse et défendaient les CEO en qui ils avaient confiance.
Je suis donc convaincu que les jeunes professionnels peuvent aspirer à diriger des entreprises publiques sans être réduits au rôle de pantins, à condition que les règles de gouvernance soient rétablies.
Quand vous étiez aux commandes, Air Mauritius faisait encore rêver. Aujourd’hui, c’est presque devenu un cas d'école en matière de faillite stratégique. S’agit-il d’un suicide organisationnel.. ou d’un assassinat politique ?
Air Mauritius, longtemps citée comme un modèle de réussite dans le secteur aérien commercial pendant plus de 50 ans, est devenue aujourd’hui un cas d’école de faillite annoncée.
Il est notoire que la sphère politique ne maîtrise pas la gestion d’entreprise et qu’elle sous-estime souvent les conséquences négatives de ses ingérences dans le fonctionnement d’une compagnie aérienne.
Sous le dernier gouvernement, cette ingérence est devenue systémique, affectant la stratégie, l’administration, les finances, la maintenance, les opérations de la flotte et la gestion des ressources humaines, y compris le personnel technique à bord et au sol.
Le Conseil d’administration a abdiqué ses responsabilités, et la direction n’a fait qu’exécuter les instructions extérieures, craignant la perte de leurs emplois, de leurs privilèges et de leurs acquis. Ceux qui osaient s’opposer aux directives ont été écartés de manière expéditive. Les cas de Patrick Hofman et le mien, parmi d’autres, ont servi d’exemple pour décourager toute contestation professionnelle.
Air Mauritius n’a pas sombré par suicide, mais par empoisonnement. Les responsables de l’administration de ce poison sont aujourd’hui connus.
Rs 17,7 milliards de pertes en moins d'une décennie, sans réaction sérieuse : cela relève-t-il d'une perte totale de culture de gestion ?
Il s’agit du résultat d’une gestion téléguidée par une personne dépourvue de toute connaissance des principes fondamentaux du management et des spécificités du transport aérien commercial.
À mon départ fin 2016, Air Mauritius affichait des profits record de plus de Rs 1 milliard. La compagnie avait transporté plus de 1,6 million de passagers sur ses 13 avions, avec un taux de remplissage de 79 %. Tous les indicateurs fondamentaux étaient positifs et supérieurs à la moyenne de l’industrie.
Le déclin s’est étalé sur huit ans. Pourtant, en juin 2019, M. Sattar Hajee Abdoula a procédé à une restructuration du capital, approuvée par une assemblée spéciale des actionnaires, confirmant que MK demeurait viable pour au moins une année. Or, six mois plus tard, avant même l’apparition de la pandémie de COVID-19, la compagnie était déjà insolvable.
Contre toute attente, le Conseil d’administration a confié à ce même M. Abdoula le rôle d’Administrateur avec pleins pouvoirs pour disposer des biens l’entreprise comme bon lui semblait, sans obligation de rendre des comptes. Certains observateurs ont alors déclaré, en privé, qu’au lieu de faire appel à un médecin, le régime avait envoyé un fossoyeur au chevet d’une MK mourante.
Il lui a fallu un délai record de 18 mois pour restituer au Conseil d’administration une entreprise dépouillée de ses ressources essentielles. À son départ, il ne subsistait plus aucune culture de gestion chez MK.
Faut-il, pour sauver Air Mauritius, briser le tabou et ouvrir le capital à un partenaire stratégique ? Ou risquons-nous alors de tout perdre, y compris notre contrôle souverain sur notre ciel ?
Il serait imprudent de prescrire un remède aussi radical qu’un partenariat stratégique sans procéder d’abord à un diagnostic précis des difficultés de MK. Une telle décision risquerait d’engager le pays dans des conséquences irréversibles.
Il existe des compétences, à Maurice et ailleurs, capables de remettre MK sur pied pour lui permettre de redevenir un moteur de croissance et de développement. Ce processus nécessitera une volonté politique affirmée et un soutien initial de l’État.
Le marché mauricien offre un potentiel considérable. Les connaissances, les technologies et les capitaux nécessaires peuvent être mobilisés pour exploiter pleinement ce potentiel, au bénéfice du pays et de sa sécurité économique.
Des compagnies aériennes de petits États tels qu’Emirates, Qatar Airways ou Singapore Airlines ont accompli de telles réussites sans recourir à des partenaires étrangers. Ethiopian Airlines constitue également un exemple probant de réussite lorsque la sphère politique laisse les professionnels gérer les opérations.
La classe politique aurait avantage à consacrer son énergie à des priorités plus stratégiques qu’au micro-management des entreprises publiques.
Comment peut-on faire redécoller le Paille-en-Queue ?
Comme on le ferait pour toute entreprise confrontée à un effondrement de cette ampleur.
Il convient d’abord de rétablir une gouvernance d’entreprise crédible en nommant un Conseil d’administration restreint composé de cinq à sept personnalités, incluant le CEO, toutes expérimentées dans le monde des affaires et motivées par la mission de redressement.
Ce Conseil élaborera un plan stratégique à long terme, aligné sur la vision et les objectifs économiques du gouvernement, ainsi qu’un plan d’affaires de deux ans. Une fois la mission et les objectifs clarifiés, une équipe de direction, strictement sélectionnée pour sa compétence et son adéquation avec la nouvelle vision, sera constituée.
Air Mauritius, malgré sa situation critique, demeure une entreprise opérationnelle. Des ajustements initiaux peuvent être apportés en attendant une refonte complète. Il sera essentiel de doter la compagnie des moyens correspondant à ses ambitions, à commencer par une flotte adaptée pour exploiter efficacement ses marchés traditionnels et restaurer le niveau de service qu’elle offrait auparavant.
Et l’ardoise de Rs 17,7 milliards de pertes accumulées ?
Il convient de relativiser cette dette. Il y a moins de deux mois, le président du Conseil d’administration a annoncé des pertes cumulées de Rs 15,7 milliards. Est-ce insurmontable pour une entreprise générant un chiffre d’affaires annuel de Rs 30 milliards ?
À titre d’exemple : si votre budget mensuel s’élève à Rs 100 000 et que vous subissez une perte exceptionnelle de Rs 52 000, vous devrez faire face à cette situation et travailler davantage pour la surmonter.
Dans le cas de MK, il serait préférable d’investir davantage afin de préserver et de reconquérir les parts de marché cédées à la concurrence. Ce n’est certainement pas le moment d’imposer des coupes budgétaires drastiques. Il est impératif d’investir massivement.
MK génère pour Maurice bien plus que son propre chiffre d’affaires, étant un maillon clé d’un pilier majeur de l’économie nationale. Si le gouvernement en prend pleinement conscience, il lui apportera le soutien nécessaire.
Le Price Stabilisation Account, qui devait protéger le peuple contre la volatilité pétrolière, a-t-il été cyniquement vidé de son sens par des logiques de trésorerie et de gestion opportuniste ?
Le Price Stabilisation Account (PSA) constituait le cœur d’une réforme de la politique de fixation des prix des carburants, mise en œuvre en janvier 2011. Cette réforme avait obtenu la satisfaction de toutes les parties prenantes jusqu’au début de 2015, lorsque le gouvernement nouvellement élu en décembre 2014 a décidé de modifier le dispositif sans évaluer les conséquences prévisibles, notamment en le dissociant de la volatilité des cours mondiaux du pétrole.
La formule reposait sur l’application stratégique de trois leviers politiques distincts : le prix de détail, les impôts applicables et les subventions. Elle produisait des résultats bénéfiques pour l’ensemble des acteurs : consommateurs, opérateurs pétroliers, pompistes, trésorerie publique et décideurs politiques.
Il s’agit donc d’un exercice d’équilibre qu’il conviendrait de rétablir dès que possible. Le contexte actuel est favorable, compte tenu de la tendance baissière des cours pétroliers, qui devraient demeurer faibles pendant une période prolongée.
Les carburants sont devenus une manne fiscale pour l’État. Peut-on encore parler, selon vous, de justice fiscale énergétique, ou sommes-nous face à une ponction camouflée sur le dos des classes moyennes et populaires ?
Les Mauriciens sont des citoyens informés et raisonnables. Le prix mondial du pétrole est de notoriété publique et échappe à notre contrôle. Comme ailleurs dans le monde, l’État prélève des impôts sur les carburants afin d’alimenter la trésorerie publique.
Toutefois, les Mauriciens n’acceptent pas qu’on les considère comme des personnes naïves à qui l’on impose des taxes sous un prétexte donné, tout en utilisant les fonds à d’autres fins, en dissimulant les chiffres réels et en concluant des contrats publics de manière opaque, sous couvert de confidentialité commerciale.
Une transparence totale sur les achats pétroliers réalisés au cours des huit dernières années permettrait de tirer les leçons nécessaires et de rétablir la confiance. Rien ne justifierait alors la suspicion d’abus de confiance.
Est-il utopique d'imaginer une fiscalité différenciée sur les carburants, protégeant réellement les ménages vulnérables ?
Ce n’est nullement utopique. C’est, au contraire, la voie à privilégier.
La Banque mondiale, qui examine régulièrement la question de la fiscalité des carburants, en discutait avec moi chaque année durant mes cinq années à la STC. Ce levier constituait un outil politique sensible, et ma responsabilité était de soutenir la politique gouvernementale, tout en prenant en compte nos spécificités et une perspective plus large que celle de la simple rentabilité commerciale de la STC.
La solution la plus simple serait d’instaurer une taxation différenciée unique, telle qu’un Fuel Levy, déjà appliquée dans plusieurs pays. Toutefois, la complexité de notre situation nationale exige une réflexion approfondie de la part des ministères des Finances et du Commerce.
Le projet gouvernemental de faire de la STC une "machine anti-cartel" : est-ce une renaissance stratégique.. ou une nostalgie irréaliste des économies administrées des années 1980 ?
Le contexte économique mondial a considérablement évolué depuis cette époque. Notre petite taille, nos besoins de consommation relativement modestes, notre capacité de stockage limitée, notre éloignement des ports d’embarquement et nos problèmes portuaires chroniques imposent le maintien de la STC dans son rôle actuel, au moins pour la période présente, afin de garantir la sécurité énergétique et alimentaire du pays.
Il serait peu coûteux de rétablir la transparence dans toutes les opérations de la STC et de restaurer la confiance. Le Directeur de l’Audit et son personnel avaient, par le passé, un accès illimité à tous les dossiers et contrats. Même les accords conclus sous le régime des Government-to-Government comportaient des clauses de confidentialité, mais les protocoles étaient respectés.
À la suite d’une remarque faite au Parlement par Paul Bérenger, alors leader de l’Opposition, j’avais sollicité et obtenu l’accord du Premier ministre Navin Ramgoolam pour inviter M. Bérenger à consulter l’intégralité des contrats. Il avait décliné l’invitation mais avait, sans doute, compris qu’il n’y avait rien à cacher.
Traiter directement avec les producteurs pour importer en vrac : cela paraît vertueux. Mais dans la réalité mauricienne, cela n’ouvre-t-il pas une boîte de Pandore en matière de risques logistiques, de fraudes et de malversations ?
Les technologies de communication et les plateformes de commerce en ligne permettent aujourd’hui d’effectuer des achats de manière collégiale et transparente.
Les risques de fraude et de malversation sont également surveillés de près par les concurrents, qui n’hésitent pas à tirer la sonnette d’alarme en cas d’anomalie portant préjudice à leurs intérêts.
Un système de contrôle rigoureux existait à la STC jusqu’à ce que le pouvoir politique décide de ne plus rendre compte de ses actes. La procédure dite Emergency Procurement, censée être exceptionnelle, est alors devenue la norme, les décisions étant prises directement par le ministre de tutelle et imposées à la STC par les hauts fonctionnaires de son cabinet.
Faut-il profondément réinventer la STC — en faisant un vrai acteur de souveraineté économique — ou accepter qu’elle soit devenue un instrument de contrôle politique plutôt qu’un levier économique ?
Il suffirait que le pouvoir politique décide de respecter les procédures établies avant le dernier régime et de rétablir une gouvernance saine. Les protocoles n’ont nul besoin d’être réinventés ; il convient simplement de les appliquer avec la rigueur qu’exigent les contrats publics.
Cela étant dit, la STC pourrait disparaître lorsque Port-Louis deviendra une plaque tournante de la transformation et du commerce régional de commodités, à l’image de Singapour à ses débuts. Des stocks privés de produits pétroliers, de céréales, d’épices et d’autres denrées essentielles seraient alors disponibles.
À la STC, nous avions déjà avancé ce projet sous le précédent mandat de Navin Ramgoolam.
À terme, avec la disparition des poches de pauvreté et l’abandon des subventions généralisées, il n’y aurait plus de levier politique sensible. Le soutien serait alors ciblé uniquement vers les ménages réellement nécessiteux.
Si vous aviez une dernière carte à jouer, un dernier pari à faire pour croire encore dans le destin de Maurice, qu’auriez-vous fait ?
Je ne joue pas aux cartes et je ne fais jamais de paris.
Je prierais pour que ceux investis de pouvoir absolu fassent preuve de sagesse, de volonté, de courage et de l’énergie nécessaires pour remettre le pays en ordre, établir des garde-fous et légiférer de manière à prévenir toute récidive des dérives qui ont conduit à la décomposition de notre gouvernance.

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