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Maya Sewnath, vice-présidente de la Small And Medium Enterprises Chambers : «L’exportation est le seul moyen pour grandir économiquement, car le marché local est restreint»

La vice-présidente de la Small and Medium Enterprises Chambers (SME Chambers) dresse le bilan des PME locales à l’ère post-Covid. À la lecture des propos de Maya Sewnath dans l’interview qui suit, c’est un tableau plutôt sombre que celle-ci dépeint de ce secteur régulièrement présenté comme un véritable pilier économique de Maurice. Les propositions adressées par la SME Chambers au ministre des Finances durant ses rencontres pré-budgétaires, rendent parfaitement compte du long chemin qui reste à parcourir pour que ce secteur voie un peu de lumière au bout du tunnel.

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Comment a été la reprise dans le secteur des PME à la sortie de la Covid-19 ? Quelles sont les PME qui ont été plus affectées que les autres par la contraction de l’économie mauricienne ?
La reprise a été très ardue et pénible, nous avons eu beaucoup de mal à nous remettre sur pied après la Covid-19. Que ce soit sur le plan économique, financier ou émotionnel. Tout d’abord, les ventes ont été drastiquement perturbées, ce qui a bouleversé tous les secteurs. De plus, il y a eu une hausse énorme au niveau du prix des matières premières, ce qui a impacté les coûts de production. Idem pour le taux d’intérêt des banques qui a augmenté surtout du fait que les PME sont endettées à l’extrême. Tout cela ne nous a pas aidés à surmonter et soutenir nos entreprises. Presque tous les secteurs ont été affectés : du   manufacturier au touristique, en passant par l’agriculture, l’éducation et l’« online ».

À ce jour, comment se porte le secteur des PME ? Bénéficie-t-il pleinement de la reprise ?
Au lieu de s’améliorer, la situation s’est de plus en plus détériorée et l’application du salaire n’a pas aidé du tout. L’inflation et la dépréciation de la roupie ont engendré le pire. Il n’y a plus de visibilité quant au futur. Beaucoup de PME ont déjà mis la clé sous le paillasson et certaines ont dégraissé au sein de leur personnel et même diminué leurs capacités de production. Il y a eu des changements au niveau du recrutement des ouvriers et des expatriés, ce qui n’arrange pas les choses.

Est-ce que les soutiens de l’État et des institutions bancaires sont-ils d’une grande aide pour les PME locales ?
On en a beaucoup parlé. On a pu affirmer haut et fort que l’État doit impérativement aider le secteur des PME en collaboration avec les banques commerciales. Toutefois, cette aide n’est pas suffisante et de surcroit, les démarches administratives sont très lourdes pour en bénéficier. Quant aux banques, elles ne nous aident pas pour autant.

Certaines personnes font observer que beaucoup d’exploitants dans les PME font les mêmes activités, ce qui crée une saturation et tue de facto certaines d’entre elles ? Comment y mettre de l’ordre ?
Bien sûr qu’il y a une saturation. Cependant, la réponse est d’innover en investissant dans de nouveaux secteurs. Dans ce contexte, à eux seuls les acteurs économiques ne peuvent aller très loin, mais il leur faudrait des assistances des institutions et de l’État. Il faut aider ces secteurs par les soutiens technologiques et la professionnalisation, le renforcement des capacités, l’apport des financements et d’autres moyens. Il faut souligner qu’il n’y a pas de secteurs novateurs qui émergent. On parle beaucoup des nouveaux secteurs, mais que faisons-nous pour qu’ils deviennent visibles ?!

Depuis plus d’une trentaine d’années – de l’époque du National Women Council – on parle de la formation dans les PME, ce qui augmenterait leur employabilité. Est-ce que ce concept s’est-il développé ?
Au départ, c’était une initiative très positive. Les femmes avaient cru comprendre que l’entrepreneuriat serait un secteur qu’elles pouvaient exploiter. On leur a donné des formations de base comme le marketing, la finance, etc. Toutefois, aujourd’hui, ces formations se révèlent insuffisantes pour se développer. Il fallait offrir des voyages de formation à l’étranger, acquérir des expertises dans les nouveaux secteurs, former les femmes et les aider à faire leur marketing et accorder beaucoup d’autres soutiens encore afin que le secteur des PME devienne un important pilier de l’économie. Je note qu’il y a un manque de volonté, d’imagination et de soutien de l’État en général.

Est-ce que l’accès aux finances a-t-il été simplifié de nos jours et dans quelle mesure des moyens comme la « fintech », le « fundkiss » ou encore les plateformes digitales peuvent-ils bénéficier aux PME ?
En théorie, cela paraît très logique, mais en pratique c’est loin d’être le cas. Il existe un certain nombre de formes de soutiens financiers, malheureusement il y a un manque d’information et de sensibilisation, ce qui fait que les entrepreneurs hésitent beaucoup à s’aventurer dans ces différents modes de financement. Il y a un gros travail à faire dans ce contexte. À ce jour, très peu d’entrepreneurs ont pris avantage de ce type de soutiens. En général, ils convergent davantage vers les banques commerciales.

Est-ce que le niveau de formation des opératrices-opérateurs dans les PME est-il suffisant pour leur permettre de comprendre les attentes du marché ?
On a fait du travail en termes de formation, mais ce n’est pas suffisant. Plusieurs institutions telles que SME Mauritius, le National Woman Council, le National Productivity and Competitive Council (NPCC) et d’autres ont fait leur part. Même les universités ont contribué en partie, mais cela reste insuffisant. Il faut davantage éduquer les jeunes dans l’entrepreneuriat, les encadrer avec des professionnels et les soutenir au niveau du financement. Il y a beaucoup à faire pour qu’émerge une société qui favorise l’entrepreneuriat.

Avez-vous noté des dispositions en faveur des PME parmi les 20 mesures présentées par la plateforme de l’Opposition lors de son meeting du 1er mai ?
Rien n’est mentionné pour les PME. C’est drôle. Peut-être que pour eux, les PME ne sont pas importantes ou que ça ne rapporte pas politiquement. Ce n’est pas une mesure électorale. J’espère que dans les autres dispositions, ce point sera abordé.
Certaines personnes ont fait observer que le congé d’une année de maternité, proposition contenue parmi ces mesures, est de nature à décourager l’emploi des femmes. Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Étant une femme, j’estime que c’est une mesure très positive, car la naissance d’un enfant demande beaucoup d’attention et de temps. Par contre, en tant qu’entrepreneure, c’est un peu dur à avaler. Cela va impacter énormément dans le recrutement des femmes. Cette mesure demande beaucoup de réflexions nationales. Définitivement, les entreprises vont éviter de recruter les femmes. Par rapport au salaire, tout dépend de ce que l’État va préconiser, car la compagnie ne pourra pas subir un paiement à long terme.

Comment les opérateurs dits « traditionnels » s’accommodent-ils des nouvelles formes de marketing nées des réseaux sociaux ?
Cela peut se voir sur les réseaux sociaux : Tiktok, Facebook, Instagram et autres. C’est dans les mœurs. Petit à petit, les entrepreneurs comprennent l’enjeu de la technologie et je pense qu’avec le temps, surtout avec les menaces de l’intelligence artificielle, il faudra s’adapter à ce genre de marketing.

Est-ce qu’il existe des formes de sous-traitance fructueuse entre des PME et de grands conglomérats engagés notamment dans le tourisme, la manufacture, l’alimentaire ou encore la construction ?
Pas vraiment. Il faudrait trouver une entente entre les grands conglomérats et les petits entrepreneurs, cependant, il n’y a pas de volonté active. Par contre, dans de grands pays comme la Chine, l’Inde et les États-Unis, beaucoup de petites entreprises, bénéficiant de la sous-traitance provenant des conglomérats, ont grandi et sont devenues de grandes boites. Il faut trouver un moyen pour développer ce type de rapports afin d’encourager et de stimuler davantage l’entrepreneuriat.

Dans quelle mesure, le label « Made in Moris » aide-t-il les PME ?
Le concept est correct, mais dans la pratique, beaucoup d’entrepreneurs ne bénéficient pas de ce label. Il y a un ordre administratif qui a été établi et l’entrepreneur n’identifie pas clairement pas les avantages dont il peut bénéficier. Une compagne de sensibilisation et d’informations est impérative.

On a souvent fait ressortir que « l’étroitesse » du marché domestique est un obstacle au développement des PME. Existe-t-il des opportunités afin que ce secteur exporte vers l’Afrique dans des marchés niches ? Comment y arriver, selon vous ?
Les opportunités y sont vastes, mais il reste beaucoup à faire pour que l’entrepreneur prenne conscience des capacités de ce marché et y oriente toutes ses énergies. L’exportation est le seul moyen pour grandir économiquement, car le marché local est restreint. Néanmoins, l’exportation demande une préparation afin que l’entrepreneur sache comment s’y s’aventurer.

 

  • LDMG

 

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