
Ram Etwareea ne fuit ni les micros des radios privées ni les plateaux de débats. Figure mauve du n˚6 (Poudre-d’Or/Grand-Baie), il s’affiche en défenseur loyal de son parti et de son leader, avec un ton assumé et sans détour.
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Vous êtes enfin un élu après des années d’engagement militant. Cela vous fait quoi ?
Heureux, oui enfin élu, comme vous dites. Ma première joute électorale date de 1983. J’adore mon pays qui est en constante ébullition. Comme tout le monde, j’apporte ma pierre pour construire une autre île Maurice.
Votre leader sort ses griffes pour dire ce qu’il pense à qui de droit, dont le Premier ministre. Votre opinion ?
C’est toujours bien de dire ce qu’on pense et on n’a pas besoin de sortir ses griffes pour cela. Le leader du Mouvement militant mauricien (MMM) a son caractère, mais Paul Bérenger n’est pas un hypocrite. Il n’est pas un Brutus qui donne des coups de poignard dans le dos.
Si vous vous référez ici aux relations entre le Premier ministre et son adjoint, je peux vous dire que les deux hommes savent se parler et s’écouter. À ma connaissance, ils se voient régulièrement, échangent et coordonnent leurs actions. Des différends, il y en a, mais cela est normal, non ?
Vous pouvez compter sur moi, backbencher, pour dénoncer le train qui n’arrive pas à l’heure.»
Paul Bérenger n’a aucun portefeuille, mais il siège au sein du Cabinet. Est-ce normal ?
Ce n’est pas la première fois qu’un ministre sans portefeuille siège au sein du Cabinet, à Maurice ou à l’étranger. Il n’est pas difficile d’imaginer qu’une personnalité de la trempe de Paul Bérenger occupe le poste de Premier ministre adjoint et opère de façon transversale avec divers ministères. Le besoin de coordination et de vue d’ensemble est fondamental.
Dans sa récente conférence de presse, il a chiffré le nombre de réunions interministérielles qu’il a initiées ces derniers mois. Un ministre travailliste m’a raconté qu’il échange régulièrement avec le DPM qui l’écoute volontiers. Paul Bérenger est un mentor à plus d’un ministre rouge ou mauve.
On reproche au leader du MMM de caser ses proches, mais lui dit que ce n’est pas son « doing ». Trop facile, n’est-ce pas ?
Ce qui est facile, c’est de dire que le leader du MMM case ses proches. Paul Bérenger ne s’occupe pas de tout au sein du MMM. Les nominations ont été déléguées, notamment à Ajay Guness et à Rajesh Bhagwan. Vous savez mieux que moi que Paul Bérenger a beaucoup d’autres chats à fouetter, tant au gouvernement qu’au sein du parti. Comme toujours, il va aussi régulièrement au contact des militants à travers l’île.
Il y a eu trois nominations, toutes refusées après un tollé. : le gouvernement aurait pu éviter tout ce tapage populaire…
Plusieurs personnes compétentes ont été nommées depuis les élections et elles montrent déjà des résultats. Effectivement, trois personnes n’ont pas accepté leur nomination.
Permettez-moi de parler ici de Frédéric Curé, activiste, ancien candidat, membre du Bureau politique du MMM, et parfaitement qualifié pour présider Airports Holdings Ltd. Alors même qu’il s’agit d’un compatriote compétent, Frédéric Curé a été trollé sur les réseaux sociaux avec une méchanceté inouïe et un racisme à peine caché. Oui, nous tirerons des leçons de cet épisode, y compris sur un éventuel comité de recrutement pour les postes stratégiques.
Paul Bérenger est un mentor à plus d’un ministre rouge ou mauve.»
Sur les ondes des radios privées, vous défendez bec et ongles ce gouvernement, alors qu’il y a la colère dehors. Comment expliquer cet état des choses ?
Je suis d’accord avec lui, sinon je n’en ferais pas partie. Les mesures clés, notamment le relèvement de l’âge de la pension de vieillesse, le frein à l’endettement et le besoin d’avoir des finances saines me parlent. J’ai assez de vécu pour affirmer qu’il faut regarder l’horizon et non pas le bout de son nez.
Dix ans de l’ancien gouvernement ont mis le pays à genoux. J’assume, parce que j’ai le sentiment sincère qu’à la tête du gouvernement, il y a des hommes et des femmes qui ont à cœur les générations futures. Je les vois mettre la main à la pâte.
Mais ne vous en faites pas. Je ne suis pas un yes-man. Par défaut professionnel aussi, je suis juste le contraire. Vous pouvez compter sur moi, backbencher, pour dénoncer le train qui n’arrive pas à l’heure.
En 1983, il y a eu la cassure du MMM/PSM en neuf mois. Se redirige-t-on vers un scénario similaire avec ce gouvernement ?
Notre histoire politique est remplie d’alliances et de cassures. La politique est aussi notre sport national et, désormais, les réseaux sociaux sont bien animés par toutes sortes de spéculations. Puis, le paysage est rempli d’oiseaux de mauvais augure et ceux qui font du « wishful thinking », surtout ceux qui ont perdu leur innocence l’an dernier. C’est de bonne guerre.
Les quelques vérités exprimées ici et là ont aussi pu alimenter la spéculation. Je comprends donc votre question, mais je n’ai pas de boule de cristal.
À ma connaissance, les deux principaux leaders de l’Alliance se connaissent assez, sont familiers avec le mode opératoire de chacun, reconnaissent leur différence mutuelle et cohabitent en bonne intelligence. Ils se respectent et c’est la raison pour laquelle ils sont ensemble pour sauver le pays. Ils sont conscients des attentes de la population. À présent, ils ont le devoir « to deliver ». Personnellement, je ne travaille pas dans une perspective de cassure.
Le gouvernement a fait des efforts pour subventionner cinq produits. Mais, le reste des produits de consommation de masse, comme les grains secs, le riz basmati, les boîtes de conserve, entre autres ?
Vous rêvez si vous attendez que le gouvernement vienne baisser les prix tous azimuts. C’est mal connaître les mécanismes qui fixent les prix. Nous n’avons pas de maîtrise sur les prix des produits importés.
Le gouvernement va de l’avant avec son projet d’établir une caisse de stabilisation des prix et y consacre les premières Rs 2 milliards, sur un total de Rs 10 milliards sur cinq ans. Rs 2 milliards, alors que les caisses sont vides, constituent un bel effort. Pour ma part, je prie que la situation géopolitique mondiale se stabilise pour voir un changement de paradigme en matière de prix.
Frédéric Curé a été trollé sur les réseaux sociaux avec une méchanceté inouïe et un racisme à peine caché.»
Certains observateurs pensent qu’en nommant un proche du PMSD en France comme ambassadeur, le PTr laisse un couloir dans lequel pourraient entrer les Bleus en cas d’une cassure avec le MMM ?
C’est grossièrement spéculatif. Je ne lis pas dans le marc de café et je n’ai pas la même lecture de cette histoire de proche du PMSD nommé en France. Passons ?
Votre avis sur l’ensemble du gouvernement, avec un Rezistans ek Alternativ (ReA) dont la crédibiliité serait quelque peu écornée, et le parti Nouveaux Démocrates qui n’aurait aucun poids politique ?
C’est du mépris que de dire que le ReA est décrédibilisé et que le ND n’a aucun poids politique. Nous sommes tous membres d’une Alliance qui a une envie de réussir. Tous sont solidaires des stratégies choisies par le Premier ministre et son équipe pour sortir le pays de l’ornière. Le bilan des huit premiers mois est impressionnant : une vingtaine de lois votées et promulguées. Qui dit mieux ?
Le MSM tente de revivre. Serait-ce possible, vu la colère populaire face à la réforme de la BRP et des promesses non tenues jusqu’ici ?
C’est normal que le MSM, qui est né dans le confort du pouvoir, tente un come-back après sa lourde défaite. Il ne lésine déjà pas sur les moyens financiers pour rester en contact avec ses partisans. Son trésor de guerre est intact.
Mais le MSM a aussi ses démons. Le parti est rongé par ses divisions communales. Ceux qui se voient déjà candidats se tirent déjà dans les pattes. Mauvais perdants, ils vont tenter de surfer sur la réforme de la BRP, mais cela suffit-il vraiment ?
Quant aux promesses non tenues, je vous prie d’attendre un peu. Un programme électoral qui s’étale sur un mandat de cinq ans ne se réalise pas en huit mois.
Une carrière de journaliste
Né à Fond-du-Sac en 1958 et détenteur d’une licence en Business Management, Ram Etwareea a fait ses premières armes en journalisme au « Nouveau Militant » à Port-Louis, avant de poursuivre sa carrière à Genève au sein du quotidien « Le Temps », en rubrique Économie et Finances. Il a été candidat du MMM à l’Assemblée nationale en 1983, puis de nouveau en 2025.

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