Interview

Mavis Latchman, ex-cliente de la Bramer Assets Management Ltd: «Je me sens dupée, trahie, abandonnée...»

Mavis Latchman, présidente de l’Association des clients de la Bramer Assets Management Ltd
La présidente de l’Association des clients de la Bramer Assets Management Ltd n’a pas dit son dernier mot. À 64 ans, Mavis Latchman se bat pour elle et les quelque 300 membres de son association. Quel est l’objectif de la marche pacifique que les membres de votre association prévoient d’organiser bientôt ? On espère attirer l’attention sur notre situation. Un an s’est écoulé depuis la révocation de la licence de la Bramer Bank. Des dizaines de milliers de personnes ont vu leur vie basculer. Leurs économies de toute une vie ont été saisies. Les clients de la Bramer Assets Management Ltd (BAML) déplorent l’attitude des autorités gouvernementales, du National Property Fund Ltd et du Special Administrator qui, malgré leurs multiples appels de détresse, n’ont pas respecté leurs promesses et ont, jusqu’à présent, affiché une totale indifférence et ont fait preuve de discrimination et d’injustice à leur égard par rapport aux victimes.
Pourquoi dites-vous cela ? C’est un fait. Contrairement à certains clients du Super Cash Back Gold (SCBG) qui ont eu une partie de leur argent, nous les clients de BAML, nous n’avons rien reçu à ce jour. Zéro sou. Et cela, malgré les engagements pris par Roshi Bhadain, ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance au cours d’un rassemblement à Belle-Rose, le 29 mai 2015. Il n’a pas respecté ses engagements. L’association a adressé à Roshi Badhain, il y a quelques semaines, une lettre lui demandant un rendez-vous, mais elle n’a pas eu de réponse. Nous n’avons d’autre choix que de faire entendre notre voix de cette manière. L’association a aussi décidé de présenter une lettre ouverte aux autorités et au public en général pour leur faire part de la situation dramatique dans laquelle ses membres vivent depuis un an.
[blockquote]« J’ai accompli mon devoir vis-à-vis de mon pays. J’ai travaillé, j’ai payé la taxe. Aujourd’hui, je n’ai rien. »[/blockquote]
La situation est-elle si grave que cela ? Privés de leur capital et de leurs dividendes, les investisseurs de BAML vivent un vrai drame humain au quotidien depuis un an. Certains ont vu un de leurs proches mourir, d’autres ne savent plus comment faire pour payer leur loyer ou leurs frais médicaux. Je connais un cas où une personne a dû contracter un emprunt avec un taux d’intérêt de 14 %, afin d’envoyer son enfant se faire soigner à l’étranger. Il y a d’autres qui vivent sous la menace d’une saisie de leur maison, ne pouvant plus rembourser leurs emprunts. La liste est longue. Et devant toute cette souffrance, que font les autorités ? Elles font croire au public que tout le monde a eu au moins un paiement, mais en réalité, aucun effort n’a été fait pour accorder à chaque client un minimum pour lui permettre de survivre. Vous avez le sentiment d’avoir été dupée ? Tout à fait. Dupée par des institutions qui sont censées protéger les intérêts d’honnêtes clients. Elles ont failli lamentablement. Les clients de BAML se posent maintenant des questions. Telles que ? Peut-on accorder sa confiance au gouvernement élu par le peuple qui traite une partie de ce même peuple de cette façon ? N’est-il pas en train de décourager de nouveaux investisseurs qui auront peur un jour de se réveiller et de constater qu’ils n’ont plus un sou ? Vous y allez un peu fort... Vous croyez ? Quand un Premier ministre vient avouer qu’il a retiré son argent avant que n’éclate cette affaire, on se sent trahi, abandonné. Nous sommes plus de 10 000 qui souffrent alors que le chef du gouvernement a su protéger son argent. C’est une grande injustice. À 64 ans, alors que j’avais investi pour mes vieux jours, je suis obligée d’emprunter à mes proches pour vivre. Pensez-vous que c’est agréable ? C’est un non-sens qui tranche avec les déclarations de certains ministres. C’est-à-dire ? À plusieurs reprises, on a entendu dire que Maurice avait reçu les félicitations de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international pour la façon dont l’affaire BAI a été gérée et que nous allons servir d’exemple à d’autres pays. Et bien, nous invitons ces organisations internationales à faire un constat maintenant en se fondant sur l’opinion des victimes. La plupart des clients qui ont investi dans BAML sont des personnes âgées, à la retraite, qui après presque 40 ans de dur labeur pour certains, y avaient investi leurs pensions, VRS et autres pour assurer leurs vieux jours, mais ils se retrouvent aujourd’hui dans la pauvreté. Prenons un cas de figure, le vôtre ? Ma vie est invivable. Ma mère, qui a 97 ans, est tombée malade après ce choc. Elle reste alitée et nécessite des soins en permanence. J’ai eu un accident et alors que j’ai une assurance, j’ai dû me contenter de l’hôpital public, n’ayant pas d’argent pour payer la clinique en attendant un remboursement. Je me prive de beaucoup de petits plaisirs que j’avais. Et pourtant, j’ai accompli mon devoir vis-à-vis de mon pays. J’ai travaillé, j’ai payé la taxe. Aujourd’hui, je n’ai rien. Je suis déçue, aigrie, révoltée. Heureusement que ma foi en Dieu ne m’a pas abandonnée. De quoi sera fait demain ? Je ne sais pas. Je ne veux pas dire que j’ai peur. Je puise ma force en Dieu. Avec recul, ne pensez-vous pas que le gouvernement n’avait pas vraiment le choix ? Tout ce dossier a été mal géré par le gouvernement qui n’a pas su anticiper ni prévoir les dommages collatéraux. Cela a été une action calculée, mais pas réfléchie. Le gouvernement n’a pas considéré que les clients de BAML, tout comme ceux du SCBG, avaient besoin d’un minimum pour vivre. Aujourd’hui, le grand gagnant est le gouvernement qui a hérité de tous les actifs de la BAI, de BAML. Du jour au lendemain, il est devenu propriétaire d’une assurance, des property funds. Il ouvre une banque sans avoir à trouver un local et des employés. Il n’a pas eu à mettre la main à la poche car c’est nous les victimes, les dommages collatéraux, qui avons tout financé. Aujourd’hui, nous sommes contraints de mendier pour obtenir ce qui est à nous. Un appel au gouvernement ? Soyez plus humains. Considérez notre cas. Je n’ai pas besoin d’une part du gâteau national. Je m’en moque. Rendez-nous ce qui est à nous. Point barre !  
 

Jack of all trades

Âgée de 64 ans, Mavis Latchman se définit elle-même comme une Jack of all trades, master of none. Elle a participé à la naissance de Floreal Knitwear qu’elle a vue, dit-elle, sortir de terre. Elle a aussi été employée de banque et a travaillé à la délégation de l’Union européenne et dans l’immobilier. Aujourd’hui, elle s’occupe de sa mère de 97 ans et se bat pour que ses investissements lui soient rendus.
Publicité
 

Notre service WhatsApp. Vous êtes témoins d`un événement d`actualité ou d`une scène insolite? Envoyez-nous vos photos ou vidéos sur le 5 259 82 00 !