Des 12 056 accouchements pratiqués en 2019 à Maurice, 56,4 % étaient par césarienne. Un taux bien supérieur à celui recommandé par l’Organisation mondiale de la santé, qui est de 10 à 15 %.
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Selon le Dr Veyasen Pyneeandee, gynécologue-obstétricien, « 75 % des césariennes sont effectuées inutilement » en raison de la jeunesse et du manque d’expérience pour les accouchements normaux de certains praticiens.
Pour le Dr Radhika Jagatsingh, pédiatre, et Claire Israël, sage-femme, l’accouchement physiologique comporte de nombreux avantages, dont l’assimilation des microbiotes (flore intestinale) qui agissent comme barrière contre les infections intestinales. Une césarienne n’est pas sans risque, sont d’avis nos interlocuteurs. Et les femmes ne sont pas suffisamment renseignées à ce propos.
Pourcentage de césarienne
Année | Service public | Clinique privée | Total |
---|---|---|---|
2010 | 41,5 | 53,3 | 44,1 |
2011 | 40,4 | 53,3 | 43,9 |
2012 | 41,0 | 56,3 | 43,8 |
2013 | 42,4 | 54,4 | 45,3 |
2014 | 46,5 | 56,6 | 49,2 |
2015 | 47,3 | 54,9 | 49,3 |
2016 | 45,4 | 57,8 | 49,0 |
2017 | 47,9 | 57,9 | 50,7 |
2018 | 49,0 | 59,3 | 52,2 |
2019 | 53,9 | 62,1 | 56,4 |
Radhika Jagatsingh, pédiatre : «Des bébés nés par césarienne ont plus de risque d’avoir des allergies»
Le Dr Radhika Jagatsingh explique que c’est le manque d’information qui incite de nombreuses femmes à opter pour une césarienne. Elles ne prennent pas en considération les avantages d’un accouchement normal.
« Avant la naissance, le bébé est dans le liquide amniotique et il est protégé des bactéries. Quand la poche d’eau se casse et qu’il passe par le vagin pour prendre naissance, il absorbe les bactéries qui s’y trouvent. C’est ce qui va devenir la flore intestinale (microbiotes) qui est un mélange de bonnes et de mauvaises bactéries, ce qui est naturel dans l’organisme », explique-t-elle.
Selon la pédiatre, c’est une phase importante d’avoir ces microbiotes dans l’organisme durant les premières années de l’enfant. « Cette flore intestinale est une barrière et lui permet de mieux éviter les infections intestinales et les maladies immunitaires », poursuit-elle.
L’accouchement physiologique a aussi un autre avantage : permettre au bébé d’évacuer plus facilement l’eau qu’il a dans les poumons. « Quand le bébé passe par la voie basse, le thorax est comprimé naturellement et cela va permettre de retirer tout le liquide des poumons. »
En l’absence de flore intestinale naturelle, le bébé a plus de risque d’avoir des coliques douloureuses. L’enfant peut aussi avoir des troubles digestifs vers l’âge de deux ou trois ans, selon elle.
« Les études indiquent également que les bébés nés par césarienne ont plus de risque d’être obèses et d’avoir des allergies », ajoute notre interlocutrice.
« Une césarienne doit être pratiquée avant tout pour des raisons médicales », insiste-t-elle.
Claire Israël, sage-femme : «Le corps de la femme a tout pour mettre au monde son bébé»
« Il est très inquiétant d’avoir autant de césariennes à Maurice. Il y a un manque d’information des femmes qui ne connaissent pas les conséquences d’un accouchement par césarienne », explique Claire Israël, sage-femme.
Selon elle, il y a aussi une peur sociétale qui fait croire aux femmes qu’elles ne sont plus capables de mettre au monde leur bébé. Alors que depuis que le monde est monde, les femmes accouchent pour donner naissance.
Elle estime qu’il faut mieux préparer les femmes, afin qu’elles abordent l’accouchement physiologique sans appréhension.
Elle ajoute que celui-ci comporte de nombreux avantages. « Ce n’est pas une intervention chirurgicale et il y a moins de risque. La période de récupération est plus rapide et plus facile », explique-t-elle.
C’est aussi beaucoup mieux pour le bébé de passer par le bassin pour son adaptation à son nouveau monde. « Il doit le faire pour mettre en place son microbiote. »
Pour elle, si tout va bien, un accouchement devrait se faire par voie naturelle. Pour cela, les femmes doivent bien se préparer, pratiquer les exercices appropriés, avoir une alimentation saine et équilibrée, ainsi qu’une bonne hygiène de vie.
Dr Veyasen Pyneeandee : «Une pratique qui n’est pas sans risque»
« La hausse du nombre de césariennes peut s’expliquer par le grand nombre de jeunes praticiens qui manquent d’expérience pour juger quand il faut faire une césarienne et quand il ne faut pas le faire. » C’est ce qu’explique le Dr Veyasen Pyneeandee gynécologue-obstétricien qui exerce dans le privé. Selon lui, une césarienne requiert des conditions bien spécifiques.
Pour lui, il n’y a pas de mal non plus d’apprendre des sages-femmes qui savent parfaitement bien quand il faut faire une césarienne ou un accouchement par voie basse.
Il est d’avis qu’il est important de suivre une patiente pendant le travail. L’accouchement doit se faire dans le calme et le praticien ne doit pas paniquer quand il note que le tracé du bébé est en train d’accélérer. « Quand on n’est pas dans la panique, on ne pratique pas une césarienne inutilement. »
Les protocoles d’accouchement doivent prendre en considération les différents facteurs de risque ainsi que les antécédents de la patiente. « Si une patiente a déjà accouché par césarienne, elle peut accoucher normalement dans 90 % des cas. Si le bassin est étroit, on la prévient qu’une césarienne peut être pratiquée. »
Selon lui, de nombreuses femmes croient qu’une césarienne est inoffensive, que c’est facile à pratiquer et que c’est sans risque. Alors que c’est un acte chirurgical qui peut entraîner des saignements importants ou des conditions de santé graves pour la maman qui peut décéder sur la table d’opération.
« Les femmes ne sont pas assez préparées pour un accouchement normal, c’est l’une des raisons de leur panique », dit-il. Selon lui, ce qu’elles souhaitent avant tout c’est que le bébé soit retiré de leur ventre. « Elles ne prennent pas le temps d’évaluer les risques et conséquences que cela peut entraîner, comme une hémorragie massive ou une hystérectomie. »
Raisons médicales
Une césarienne devrait être pratiquée uniquement pour des raisons médicales, soutiennent les deux médecins. Parmi : si une femme a fait plus de deux césariennes, mieux vaut programmer une autre si elle doit encore accoucher, et ne pas la faire dans l’urgence. La césarienne se pratique aussi en cas de détresse fœtale du bébé ou si la femme se trouve dans un état d’hypertension incontrôlable. Elle est une option si le bébé est sur le siège et que le bassin est trop étroit ou si le bébé a avalé sa selle. Elle est aussi choisie si la poche d’eau s’est rompue, afin d’éviter toute infection.
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