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Manque criant de personnel : le service de santé en souffrance

La situation dans des établissements de santé est critique en qu’il s’agit du nombre de personnel.
  • Frustration et épuisement parmi les effectifs

Le service de santé est en souffrance faute d’un nombre suffisant de personnel. Pour les professionnels du secteur, le système est au bord de l’écroulement et risque de « s’effondrer » si rien n’est fait immédiatement pour remédier à la situation.

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Le secteur de la santé publique a connu de nombreux développements au cours de ces cinq dernières années, avec la construction de nouveaux hôpitaux, médicliniques, Area Health Centres et Community Health Centres. Outre l’augmentation des centres de santé, il y a eu en parallèle une diversification des services. Mais là où le bât blesse, c’est qu’il n’y a pas eu de recrutement adéquat ni de formation pour disposer d’un personnel suffisant et assurer un service approprié. Cela a pour conséquence une frustration généralisée, non seulement parmi les membres du personnel, mais aussi chez les patients, qui subissent cette situation bien malgré eux.

« Il faut du personnel dans tous les secteurs : médecins généralistes, spécialistes – notamment anesthésistes et gynécologues – infirmiers, Health Care Assistants, Hospital Attendants, ambulanciers et Records Officers », font ressortir nos différents interlocuteurs. Ils déplorent qu’il n’y ait pas eu de recrutements massifs depuis au moins cinq ans, ce qui met en péril tout le système. Cela d’autant plus que, malgré les recrutements envisagés, il faudra plusieurs années avant que les nouvelles recrues aient les qualifications requises pour exercer après leur formation. Le temps de spécialisation peut aller jusqu’à quatre ans dans certains cas.

« Nous avons toutes les infrastructures et équipements nécessaires dans les divers centres de santé, mais il faut du personnel pour les faire fonctionner », explique le Dr Meetheelesh Abeeluck, président de la Government Medical and Dental Officers Association (GDMOA). Pour lui, cela explique en partie pourquoi certains équipements ne sont pas utilisés, notamment au National Cancer Centre ou au SAJ Hospital. « Nous pouvons avoir autant de bâtiments et de matériel que nous voulons, il sera difficile de fournir le service requis aux patients si nous n’avons pas suffisamment de personnel », insiste-t-il. Ram Nowzadick, président de la Nursing Association (NA), fait le même constat.

Il explique que, par exemple, la capacité d’accueil de l’hôpital de Flacq est passée de 350 à 550 lits, mais avec le même nombre de personnel. Ainsi, certaines salles sont prises en charge par seulement deux ou trois infirmiers, alors qu’il en faudrait cinq ou six, avec un « Ward Manager », un « Charge Nurse » et des « Nurse Officers ».

Recrutements 

Le manque de personnel se fait aussi sentir dans les centres de santé satellites tels que les Area Health Centres, Community Health Centres et les médicliniques, dont le nombre a augmenté en même temps que les services qu’ils offrent. « Avec seulement 3 900 infirmiers actuellement et une centaine de départs à la retraite chaque année, il est impératif de recruter et de former rapidement de nouveaux membres du personnel », affirme-t-il. Cependant, même si le recrutement se faisait immédiatement, ce n’est qu’en 2027 ou 2028 que les infirmiers stagiaires seraient qualifiés.

Ram Nowzadick souligne également que beaucoup de diplômés de Polytechnics Mauritius préfèrent travailler dans le secteur privé, où les conditions sont meilleures, plutôt que dans le service public. Par ailleurs, certains partent à l’étranger après avoir acquis de l’expérience à Maurice.

Le président de la NA déplore le manque de planification dans la construction de nouveaux centres de santé et la régionalisation des services. Même si cette démarche vise à rapprocher les soins des patients, le recrutement de personnel aurait dû se faire en parallèle. Selon lui, il ne suffit pas de critiquer l’équipement inutilisé : il faut s’attaquer à la source du problème en recrutant et formant de nouveaux employés.

« La situation est déjà critique. Li pir ki pir, nou pa pe kapav travay kouma bizin », tonne Bholanath Jeewuth, secrétaire de la Nurses Union (NU). Ce manque aigu de personnel engendre une grande frustration parmi les membres du personnel, compliquant la gestion des hôpitaux. « Nous vivons régulièrement des moments de tension », précise-t-il.

Selon lui, il n’y a pas eu de recrutement massif d’infirmiers depuis 2010, alors qu’un millier aurait dû être embauchés chaque année pour compenser les départs à la retraite et répondre aux nouveaux besoins. Avec les retards accumulés, il manquerait aujourd’hui environ 2 000 infirmiers. « Il est difficile d’offrir le meilleur traitement aux patients en raison du manque d’effectifs », déplore-t-il.

Dans ces conditions, les autorités devraient envisager de recruter des infirmiers localement, mais aussi des étrangers sur une base contractuelle, en attendant que les stagiaires complètent leur formation. « Nous sommes obligés d’aller dans ce sens pour pallier le manque immédiat de personnel », soutient-il.

Les deux syndicats des infirmiers craignent un effondrement du système de santé publique. Ils dénoncent les longues heures de travail et les heures supplémentaires qui épuisent les employés au détriment de leur vie sociale et familiale. « Le personnel est au bout du rouleau », fait comprendre Ram Nowzadick.

Avec les départs à la retraite parmi le personnel, il est impératif de recruter, renchérit Krishnadev Boodia, président de la Ministry of Health Transport Workers Union (MHTWU). Il appréhende cette période de festivités, marquée par un risque élevé d’accidents de la route ou d’autres problèmes de santé. « Nous aurions dû avoir plus d’effectifs en cette période, mais cela n’est pas possible », déclare-t-il.

Il souligne que tout est mis en œuvre avec le personnel disponible pour assurer le fonctionnement du système. Pour cela, les membres du personnel doivent effectuer deux à trois shifts afin de compenser le manque de main-d’œuvre, ce qui n’est pas évident, notamment pour les chauffeurs, qui doivent rester vigilants au volant. « Un manque de concentration peut mettre en péril la vie des autres usagers de la route », fait-il ressortir.

« Nous acceptons de faire des sacrifices, au détriment de nos familles et de notre vie sociale, afin que le service puisse continuer », soupire-t-il.

Avis partagés sur le recrutement des étrangers

Même s’il y a déjà des médecins étrangers exerçant dans le service de santé publique, il sera sans doute difficile d’en recruter davantage, en particulier des spécialistes, estime le Dr Meetheelesh Abeeluck. Il cite l’exemple des anesthésistes que le ministère de la Santé envisage de faire venir de l’Inde. « Ils ne voudront pas venir si les rémunérations qui leur sont proposées sont inférieures à celles qu’ils touchent en Inde », dit-il. Il ajoute qu’il sera également nécessaire d’être très sélectif dans le choix des candidats.

Pour Ram Nowzadick, cependant, « ce n’est pas efficace de recruter des étrangers ». Il explique qu’ils n’ont pas la même formation et auront du mal à s’intégrer dans un système qui gère de nombreux cas de maladies non transmissibles (MNT). Il souligne également que le recrutement d’infirmiers étrangers risque de provoquer des frustrations en matière de rémunérations. « Je ne suis pas en faveur du recrutement d’étrangers, mais des mesures temporaires doivent être prises pour permettre au système de fonctionner », indique-t-il.

Résignation 

Résigné, le Dr Wassim Ballam, de la Public Health Doctors Union (PHDU), soutient que les médecins « font avec ». Il souligne cependant qu’ils rencontrent souvent des situations difficiles, notamment lorsqu’ils souhaitent prendre un congé. Cela leur est fréquemment refusé en raison du manque de médecins dans le secteur de la santé publique. « Il est difficile d’avoir des remplaçants », déplore-t-il. Selon lui, cela engendre beaucoup de frustration.

Comme les autres intervenants, il fait remarquer que les nouveaux services mis en place et les nouveaux centres de santé opérationnels ont absorbé le personnel existant. Pour lui, cela joue au détriment des membres du personnel déjà en poste. De plus, de jeunes médecins partent à l’étranger pour se spécialiser. Il plaide également pour un recrutement accru.

 

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