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Manifestes électoraux : quelles doivent être les priorités?

L’économiste, Manisha Dookhony affime que nous devons avoir une vision sur la manière dont notre économie va évoluer. L’ industriel, François de Grivel plaide pour le dialogue entre les secteur public et privé dans l’ intérêt du pays. Pour le travailleur social, Edley Maurer, l’ éducation et le sport doivent être des priorités absolues.

À l'approche des élections générales du 10 novembre, les partis politiques préparent leurs manifestes électoraux pour exposer leurs projets et aspirations pour le pays et ses citoyens. En attendant la publication de ces documents, des observateurs partagent leurs réflexions sur les priorités qui devraient y figurer.

Stimulation de la croissance

Dans un contexte économique incertain, Manisha Dookhony, économiste, estime qu’ il faut plus de clarté sur les mesures qui seront prises pour stimuler la croissance à Maurice. « Il ne s'agit pas simplement d'une croissance basée sur la consommation. Il y a un cycle vicieux où l'augmentation de la consommation entraîne inévitablement une hausse des prix », fait-elle ressortir. 

Elle ajoute que nous avons besoin d'un système où nous devons faire des prévisions sur comment développer une croissance qui attire des investissements, au-delà du secteur immobilier. Manisha Dookhony souligne la nécessité d'une diversification économique pour éviter la dépendance excessive à la consommation.

L’économiste évoque également le problème de l'emploi, signalant un manque de main-d'œuvre qualifiée. « Nous ne disposons pas de suffisamment de personnes techniquement compétentes. Il faut aussi attirer l’attention sur la question de la toxicomanie, qui affecte gravement la force de travail. Avec 10 000 personnes touchées par la drogue, c'est 10 000 travailleurs en moins », déclare-t-elle. 

Toxicomanie 

« La toxicomanie a un impact non seulement sur l'individu, mais aussi sa famille qui se retrouve dans une situation difficile si la personne ne travaille pas et que c’ est la famille qui doit lui apporter un soutien financier », souligne Manisha Dookhony, évoquant les enjeux sociaux et économiques liés à ce problème. Elle appelle à des actions concrètes pour lutter contre la toxicomanie, notant que « visiblement, il n'y a pas encore de programme clair ».
Manisha Dookhony aborde ensuite la question de la population vieillissante, se demandant comment les propositions d’augmentations de pension et les médicaments gratuits seront-elles financées. « Est-ce que ce sera avec l’argent des Chagos qu’on est censé soutenir ces dépenses ? Est-ce qu’ on va augmenter les impôts ? Comment cela sera-t-il mis en œuvre ? » s’ interroge l’économiste. 

Elle exprime l’espoir que les futurs dirigeants du pays proposeront un plan concret pour gérer ces ressources, suggérant de s'inspirer du modèle norvégien de fonds de richesse souveraine. « Les fonds reçus doivent être réinvestis pour générer des revenus qui pourront être redistribués à la population », propose-t-elle.

Manisha Dookhony souligne également l'importance d’un plan stratégique pour l'évolution du pays, en particulier concernant l'utilisation des actifs. « Nous devons avoir une vision sur la manière dont notre économie va évoluer », insiste-t-elle. 

Dépréciation de la roupie 

Elle conclut en exprimant son espoir que les gouvernements futurs fourniront des éclaircissements sur ces enjeux cruciaux, tout en souhaitant savoir comment chaque parti politique défendra la monnaie mauricienne, qui est devenue un facteur clé de l'inflation.

Pour elle, « Maurice doit développer sa richesse pour assurer une croissance durable et équitable, en préservant son tissu social important ».

Stratégie de développement

L'industriel François de Grivel évoque, lui, un besoin de stabilité dans le domaine économique à Maurice. Selon lui, il est essentiel de s'éloigner des politiques de court terme pour adopter une véritable stratégie de développement. Que ce soit dans les secteurs touristique, industriel et financier, il plaide pour une approche proactive.

François de Grivel souligne l'importance du respect des institutions. « Il est crucial d'établir un environnement où le dialogue entre le secteur privé et le gouvernement est non seulement possible, mais nécessaire pour trouver des solutions complémentaires aux manifestes électoraux présentés, quel que soit le gouvernement en place », déclare-t-il.

Pour lui, maintenir un dialogue objectif dans l'intérêt du pays est fondamental pour favoriser un climat économique propice à la croissance et à l'innovation. En cette période électorale, il appelle à un engagement collectif pour bâtir un avenir durable pour Maurice

Éducation inclusive 

Le travailleur social Edley Maurer met en lumière un enjeu crucial de notre société : le nombre croissant d'enfants qui ne s'adaptent pas au système scolaire. « Aujourd'hui, un gros pourcentage d'enfants rencontre des difficultés dans leur parcours éducatif. Nous aspirons à une éducation de qualité où chaque enfant est traité sur un pied d'égalité dès la première année », déclare-t-il.

Edley Maurer estime qu’il est important de tacler ces problèmes dès le départ. Il évoque la mise sur pied des Star Schools et des Académies qui sont au détriment d’une grande majorité de la population estudiantine. « Pour créer un système éducatif inclusif, il est essentiel que le système joue son rôle », lance ce dernier. Il espère que ce dossier sera pris à cœur, car « l'avenir de Maurice dépend de ces enfants ».

Sports comme rempart contre la drogue 

« Si nous n'incluons pas les enfants dans la société, nous allons inévitablement faire face à des problèmes sociaux, comme la délinquance et l'incarcération », avertit-il. Dans ce contexte, il met aussi en avant le rôle fondamental du sport pour les jeunes. « Le sport est une clé pour protéger nos enfants contre les dangers de la drogue », ajoute le travailleur social.

Comme lors des dernières élections, les manifestes électoraux des alliances sont attendus.

Edley Maurer insiste sur le fait que l'éducation doit rester une priorité. « C'est la seule façon de résister aux défis auxquels Maurice fait face. Nous devons bâtir l'avenir de nos enfants aujourd'hui, car notre système ne peut se permettre de laisser un tiers des enfants de côté. » En utilisant le sport comme outil de protection, il espère créer un environnement où les jeunes peuvent s'épanouir et éviter les pièges de la toxicomanie.

Population au centre de l’action politique 

Pour Jean-Luc Mootoosamy de Media Expertise, il faut définir notre vision en tant que nation, remettre les préoccupations de la population au centre de l’action politique, redonner un élan aux Mauriciens pour affronter les nombreux défis qu’ils rencontrent et ce qui nous menace. « C’est ce qui selon moi devraient constituer la base des manifestes électoraux. Les priorités devraient selon moi être l’amélioration du pouvoir d’achat pour combattre la précarité et la pauvreté qui gagne progressivement du terrain, trouver les moyens d’éloigner les jeunes de la drogue pour ainsi combattre ce fléau qui tue notre avenir », est-il d’avis. 

Il dit estimer qu’il faut activer les leviers pertinents pour redonner de la valeur à notre roupie, augmenter la production sous toutes ses formes, prendre en main le combat contre la corruption, améliorer notre niveau d’éducation, redonner confiance aux parents, aux jeunes dans notre pays pour permettre leur permettre d’envisager un avenir ici, montrer plus d’humanité à l’égard nos personnes âgées qui ont une pension qui grossit mais sont souvent traités de manière indigne dans des hôpitaux. 

« Les Mauriciens ont envie de voir des d’institutions qui brillent par leur indépendance, par la qualité des services qu’ils rendent, par leur respectabilité. Les préoccupations sont aussi d’ordre écologique avec le béton qui abîme notre nature. Des propositions pour traiter humainement et avec respect la question des chiens et de chats errants et d’autres espèces vivantes sur notre sol. Toutes ces solutions ne peuvent pas s’acheter », ajoute l’intervenant. 

Selon lui, « un manifeste électoral ne doit surtout pas être une annonce de distribution d’argent. Il faudra des projets qui nous permettent non seulement de regagner notre fierté, mais envisager l’avenir ». Jean-Luc Mootoosamy ajoute qu’il faudrait aussi se soucier de la place de Maurice au niveau régional et international, de notre rayonnement. 

« Comment notre voix pourrait-elle compter dans la résolution de conflits, pour encourager le dialogue. Nous ne sommes pas qu’un « petit pays ». Notre expérience de vie, ensemble, peut servir aux autres nations en quête de solution », fait-il mention. 

Enfin, Jean-Luc Mootoosamy affirme que la réforme électorale qui permette une réelle représentation des aspirations de la population « devrait être une priorité avec l’ouverture au débat nécessaire si les vainqueurs n’ont pas la majorité de trois-quarts des sièges de l’Assemblée nationale. »

Jean Claude de L’ Estrac : « La situation économique du pays exige une réforme structurelle »

« Je prévois que le grand absent des manifestes électoraux dans tous les camps sera l'économie. En réalité, la situation économique du pays exige une réforme structurelle de notre économie, du fait que notre endettement et les déficits affectent pratiquement tous les corps paraétatiques. Une éventuelle manne financière britannique ou américaine ne résoudra pas ce problème, même si elle pourrait permettre au pays de souffler pendant un temps. »

 Pas qu’une simple ‘wishlist’

Le manifeste électoral devrait être bien plus qu’une simple liste de promesses. Selon Roukaya Kasenally, observatrice politique, il représente un véritable « contrat social, un engagement qui projette la société qu'un parti ou une alliance propose pour les cinq prochaines années ». Elle souligne qu'il ne s'agit pas d'une simple « wishlist », mais d'une nécessité de transformation réelle.

« Nous avons déjà vécu 11 élections, et très souvent, le manifeste se réduit à une « wishlist », où 90 % des propositions ne sont jamais réalisées », déclare-t-elle. Selon l’observatrice, ce constat est alarmant, car il démontre un manque de suivi et de responsabilité de la part des dirigeants. Elle poursuit que, trop souvent, les électeurs ne découvrent les propositions que quelques jours avant le scrutin, sans qu’ il n’ y ait aucun débat sur leur pertinence.

Roukaya Kasenally souligne que cette situation ressemble à un « exercice de communication » sans fondement sérieux. Elle critique le fait que, malgré des promesses répétées à chaque élection, la plupart ne sont jamais tenues. « Il y a une absence de mérite dans notre système politique. Nous faisons face à de nombreux défis », avertit-elle.

Le modèle économique mauricien, selon elle, est devenu obsolète. « Nous dépendons énormément du secteur offshore et de la finance. Nous devons revoir notre système économique », propose-t-elle, insistant sur la nécessité d'un véritable engagement dans les manières de faire.

Roukaya Kasenally pointe également les crises mondiales auxquelles Maurice doit faire face. « Nous sommes dans une situation précaire, avec une récession mondiale, des guerres en cours, et une insécurité alimentaire croissante ». Pour elle, il faut faire de la sécurité alimentaire une priorité car actuellement on dépend énormément des importations, tout en plaidant pour que le changement climatique soit pris en compte. 

Elle appelle à une vision à long terme, incluant des projets qui engagent toutes les parties prenantes dans le processus. « Il ne suffit pas de dire « donn sa ou sa ». Cela nécessite un engagement sérieux de la part des citoyens et des politiciens. En effet, l’implication citoyenne devrait être au cœur du processus électoral, mais cette culture du débat et de la participation fait défaut à Maurice », insiste l’intervenante. 

Défis multiples 

Roukaya Kasenally rappelle par ailleurs les préoccupations des jeunes, notamment autour de la méritocratie. « Beaucoup de jeunes se sentent perdus, ne sachant pas s’ils auront des opportunités d’emploi. La fuite des cerveaux devient une réalité préoccupante, avec Maurice se classant parmi les dix pays connaissant cette problématique. Les jeunes claquent la porte et, malheureusement, cette tendance ne fera que s'aggraver dans les années à venir », soutient-elle.

Notre interlocutrice conclut que face à ces défis multiples, l’urgence d’un véritable dialogue social et politique est palpable. Les électeurs doivent être plus qu’un simple chiffre le jour des élections ; « leur voix doit compter tout au long du processus politique ».

 

 

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