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Malgré une belle carrière à l’étranger : ces Mauriciens qui sont rentrés pour servir le pays

Ces Mauriciens ont tous les atouts pour faire une très belle carrière à l’étranger. Pourtant, ils ont décidé de tout abandonner pour rentrer à Maurice afin de contribuer au progrès du pays. Rencontre avec trois anciens expatriés au cœur de patriote.

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Fabien Boulle : «Je veux contribuer significativement à l’essor des biotechnologies» 

Fabien BoulleDécouvrir les mille et un secrets des plantes médicinales en vue de développer de nouvelles alternatives thérapeutiques. C’est l’objectif que s’est fixé le Dr Fabien Boulle. C’est d’ailleurs dans ce but que ce neuropharmacologue de
32 ans est rentré à Maurice en 2017 et a ouvert, au cours de la même année, Axonova, une entreprise spécialisée dans la biotechnologie. « Avec l’aide de trois autres scientifiques, employés par la société, nous effectuons des recherches pour développer des médicaments », explique cet habitant de Terre Rouge. L’entreprise travaille également sur des projets liés à la neuro-protection. « Il s’agit d’identifier des molécules et actifs végétaux issus des plantes susceptibles d’empêcher la mort des cellules nerveuses. Ce qui aurait des implications positives dans le combat contre les maladies neurodégénératives », indique le CEO d’Axonova.

Qui s’attendait à voir l’émergence d’une telle entreprise à Maurice ? Le premier surpris n’est nul autre que le Dr Fabien Boulle lui-même. Le scientifique se voyait faire carrière en Europe plutôt que dans son pays natal. D’ailleurs, ce ne sont pas les propositions de travail qui lui auraient manqué avec l’impressionnant parcours académique qu’il compte à son actif.

C’est en 2003 que Fabien Boulle, qui maîtrise trois langues (l’anglais, le français et le néerlandais), a fait des études de biologie à Toulouse après avoir obtenu son baccalauréat à Maurice. Il fera, par la suite, un doctorat européen en pharmacologie entre l’Université Paris-Descartes à Paris et l’Université de Maastricht au Pays-Bas où ses travaux de thèse ont porté sur l’identification de nouvelles cibles thérapeutiques pour les maladies du système nerveux central. Le jeune homme ne va pas s’arrêter là. Il décide, en effet, de faire un MBA en Management des Biotechnologies à l’école Ionis-STM à Paris. Ses diplômes en poche, il entame le début de sa carrière dans un incubateur de start-ups aux Pays-Bas. Il y travaillera pendant deux ans.

« Quand j’avais commencé mes études, le secteur de la biotechnologie n’était pas encore développé à Maurice. Je ne pensais pas rentrer au pays par manque d’opportunités. Or, au fil des ans, il y a eu cette volonté politique et économique pour développer ce secteur. Le gouvernement a su mettre en place pas mal d’incitations fiscales pour aider les entreprises innovantes, ainsi que des subventions pour financer la recherche et le développement », se réjouit le Dr Fabien Boulle.

Le secteur est devenu aujourd’hui, non seulement prometteur, mais il attire aussi pas mal d’investisseurs. « Ces derniers sont prêts à investir dans le secteur, d’autant que Maurice possède beaucoup d’atouts dans les biotechnologies et que la biodiversité est très large et unique. Le potentiel est donc là ! Je veux jouer le rôle de pionnier et de leader dans ce secteur. C’est pourquoi j’ai décidé de me lancer à Maurice et de monter un projet qui soit en ligne avec les opportunités qui existent au sein de l’écosystème mauricien», souligne notre interlocuteur. Il invite d’ailleurs d’autres Mauriciens de l’étranger à rentrer au pays pour participer activement et significativement au développement du secteur. « Le pays a besoin de talents », ajoute-t-il.

En attendant, le Dr Fabien Boulle ne manque pas de projets. Il aspire à voir sa start-up atteindre sa vitesse de croisière. « Nous misons beaucoup sur notre recherche et le développement dans le but d’identifier des actifs ayant un fort potentiel thérapeutique et susceptibles d’intéresser d'autres laboratoires pharmaceutiques et nutraceutiques pour en développer des médicaments », soutient-il.

Om-Prakash Seetul : Le globe-trotter qui sublime la cuisine mauricienne

Om-Prakash SeetulSi vous tapez le nom de Om-Prakash Seetul sur YouTube, vous verrez défiler plusieurs vidéos montrant ce jeune chef mauricien à l’œuvre dans des émissions culinaires. Cet habitant du Nord, père de deux enfants, s’est bâti une solide réputation sur la scène internationale. Son parcours des plus atypiques force d’ailleurs l’admiration.

Après des études secondaires au collège Hamilton à Mahébourg, Om-Prakash Seetul décide de faire carrière dans la cuisine. « Je voulais contribuer à ma manière au secteur touristique du pays », explique-t-il. C’est ainsi qu’il intègre l’école hôtelière, fait un stage au Shandrani, travaille au Plaisance Catering avant de partir en France pour des études de gestion en art culinaire à l’Institut Paul Bocuse à Lyon. Il sort, d’ailleurs, premier de sa promotion en 1999. Il travaillera alors, ce pendant trois ans, dans plusieurs restaurants à Paris et à Lyon, dont le Crillon ou encore le Château de Bagnols (Ndlr : ce sont deux restaurants étoilés).

Il exercera, par la suite, son talent au Canada pendant six ans, soit au Wedgewood Hotel, au Relais & Châteaux, à Vancouver, et au Four Seasons de Toronto. « Un jour, un chasseur de tête m’a appelé pour que je vienne travailler à l’hôtel Le Meridien à Maurice qui était en plein exercice de rebranding », relate Om-Prakash Seetul. Mais, l’aventure mauricienne ne va pas durer bien longtemps, car le jeune homme est embauché par W Doha au Qatar. Il y travaillera pendant quatre ans. Il rejoint, par la suite, l’hôtel St-Régis à Abu Dhabi. Après trois ans, il intègre le St-Régis de Doha pour presque deux ans. Il aura sous ses ordres pas moins de 187 chefs.

C’est en 2015 qu’Om-Prakash Seetul décide de retourner à Maurice pour intégrer le Long Beach Hotel où il assume aujourd’hui les responsabilités d’Executive Assistant Manager & Executive Chef. « Je suis fier de pouvoir transmettre mon savoir à Maurice », souligne-t-il. Des connaissances qui sont inestimables. « En France, j’ai eu une bonne formation sur la base culinaire. Au Canada, j’ai appris comment gérer une équipe sans la bousculer. Au Moyen-Orient, j’ai dû adapter les produits avec la façon de vivre de la clientèle. Tout cela m’a permis de faire preuve de créativité », fait-il ressortir. Il est important de souligner qu’Om-Prakash Seetul a côtoyé au cours de sa carrière plusieurs grands chefs, notamment le chef triplement étoilé Jean-Georges Vongerichten, ainsi que deux meilleurs ouvriers de France, à savoir Guy Lassausaie et Alain Lecosec.

Pour Om-Prakash Seetul, la vraie cuisine c’est de garder le goût et la saveur d’un produit en respectant le palais de tout type de clientèle. « Je n’aime pas dénaturer les produits locaux », souligne le chef qui adore valoriser et sublimer les légumes oubliés (suran, combaya, etc.) tout en respectant leur valeur nutritive.

Compte-t-il s’envoler pour d’autres cieux ? « J’ai assez bougé», avance Om-Prakash Seetul, tout en avouant que travailler à l’étranger comporte certes plusieurs avantages, surtout quand vous êtes un cadre supérieur. Il précise que l’herbe n’est pas forcément plus verte ailleurs. « Sachez que, quel que ce soit le pays où vous travaillerez, il y aura toujours des défis. C’est à vous de vous adapter et de vous distinguer », avance Om-Prakash, qui ambitionne de devenir formateur et d’écrire un livre sur la cuisine mauricienne moderne.

Iswaraj Ramracheya : Le médecin qui améliore le traitement des diabétiques

Iswaraj Ramracheya« Vous avez fait des études à Oxford et vous venez travailler à Maurice ». C’est le genre de remarque que le Dr Iswaraj Ramracheya, consultant en diabète, en endocrinologie et en médecine interne, entend souvent depuis qu’il travaille à Maurice. Ce père de quatre enfants, âgé de 46 ans, est rentré d’Angleterre en 2017. Un choix que plus d’un jugerait étonnant, voire illogique. Car le Dr Iswaraj Ramracheya a, en effet, renoncé à une belle carrière ainsi qu’à un salaire bien plus élevé de ce qu’il gagne actuellement pour poser ses valises à Maurice.

« Nous sommes le septième pays au monde à avoir le plus fort taux de diabète. Je ne peux rester insensible. Je suis donc retourné pour aider à trouver des solutions et apporter mon expertise. Je suis revenu au sommet de ma carrière et non à la retraite quand ma capacité physique aurait été réduite.  Mon but, c’est d’aider les Mauriciens à obtenir un bon traitement et à avoir un meilleur niveau de vie », explique-t-il.

Il faut dire que de l’expertise, le Dr Iswaraj Ramracheya en a à revendre. Ce benjamin d’une famille de huit enfants a obtenu une bourse du gouvernement indien pour étudier la médecine après de brillantes études au collège Royal de Port-Louis. « Mes parents n’avaient pas les moyens de financer mes études supérieures (Ndlr : son père est laboureur et sa mère est femme au foyer). Sans cette bourse, je n’aurais pu étudier la médecine», souligne cet habitant de Congomah. De retour à Maurice, il fait un an de formation avant de s’envoler pour l’Angleterre. Il étudiera donc entre 2002 et 2015 à Oxford en Angleterre. Treize ans à suivre des formations, à passer des examens et à travailler dans des hôpitaux. D’étudiant médical, il va gravir tous les échelons jusqu’à devenir et travailler comme consultant au Royaume-Uni. Un hommage à ses parents qui n’ont jamais été à l’école.

Et il n’est guère étonnant que le médecin soit sollicité de partout depuis son retour à Maurice. « Actuellement, je suis conseiller en diabète et en endocrinologie au ministère de la Santé. Je travaille sur l’amélioration du traitement des personnes atteintes du diabète et des problèmes endocriniens.», explique-t-il. Il propose de revoir et d’innover le cadre actuel de la gestion du diabète, d’introduire des thérapies médicales de pointe dans l’île et d’introduire des programmes de prévention afin de renverser le diabète. Par ailleurs, le Dr Iswaraj Ramracheya travaille en indépendant à la Fortis Clinique Darné à Floréal et à la Croisette ainsi qu'à hôpital Wellkin. Il est également affecté à deux pharmacies, à Terre-Rouge et à Flacq. Sa vision est d’éradiquer Maurice de la liste des pays les plus touchés par le diabète en améliorant l’efficacité du diagnostic et en affinant les soins du diabète.

Une initiative louable qui n’est pas sans sacrifice. « Revenir à Maurice n’était pas une décision facile à prendre, surtout pour ma famille. Mon épouse, une Mauricienne également, a vécu plus de 20 ans en Angleterre et elle a dû laisser derrière elle son poste de chercheur principal en recherche sur le diabète à l’Université d'Oxford. Ce n’est également pas facile pour mes quatre enfants qui sont nés et ont grandi en Angleterre », fait ressortir le Dr Iswaraj Ramracheya. Aider son pays, ajoute-t-il, comporte des compromis. Mais, il reste ferme sur son objectif qui est de réduire le nombre de diabétiques, à améliorer les soins reçus et de leur permettre de vivre mieux et plus longtemps. C’est pourquoi il salue l’introduction du Mauritian Diaspora Scheme « car il permet aux professionnels de contribuer au progrès du pays », conclut-il.


L’Economic Development Board revoit le mécanisme du plan 

L’Economic Development Board (EDB) est actuellement en train de revoir le mécanisme du Mauritian Diaspora Scheme afin d’encourager plus de Mauriciens de l’étranger à retourner au pays. « Les changements apportés à ce plan en termes de critères d’éligibilité, de catégories et de procédures d’évaluation permettront d’encourager et de motiver beaucoup plus de candidats potentiels et jeunes professionnels à rentrer au pays pour contribuer directement à son développement économique », indique Ken Poonoosamy, Deputy CEO de l’EDB. 

À savoir que le ‘Mauritian Diaspora Scheme’, annoncé dans le discours du Budget 2015-2016, est en vigueur depuis le 3 octobre 2015. « À ce jour, 208 demandes formulées sous le ‘Mauritian Diaspora Scheme’ ont été approuvées », souligne-t-il. La grande majorité de ces bénéficiaires revient principalement de France et d’Angleterre, mais aussi d’autres pays tels que le Canada, l’Australie, l’Afrique du Sud et les États-Unis. La plupart d’entre eux sont titulaires, au minimum, d’une licence, mais certains ont des masters et des doctorats. 

« Ce concept vise à bâtir un capital humain de qualité et à assurer un apport en capacités professionnelles dans les différentes activités », explique Ken Poonoosamy. Il permet aussi d’encourager le transfert de connaissances, de compétences et d’expertise, surtout dans des créneaux hautement spécialisés et des secteurs en développement. « La diaspora mauricienne offre aux entreprises de nouvelles opportunités de recrutement et permet d’éliminer la disparité des compétences à laquelle elles font actuellement face », explique-t-il.


 

 

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