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Litige immobilier : les Baharay se battent pour garder le snack familial

Fayzalkhan Baharay dit voir porté plainte à la police pour falsification de document.
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Locataires d’un emplacement commercial depuis presque trois décennies, Fayzalkhan Baharay et son frère Feroz Khan Baharay devront plier bagage sur ordre de la Cour. Ils contestent cette décision et réclament un nouveau procès sur la base d’un document qui pourrait, selon eux, changer la donne. 

Près de 30 ans que les Baharay louent un emplacement dans un bâtiment commercial à Chemin-Grenier. Ils y tiennent un snack familial. Mais une récente décision de justice les plonge dans la tourmente. Le 17 août 2024, la juge Shameen Hamuth-Laulloo a rendu un jugement leur ordonnant de quitter les lieux, suivant une demande de restitution du nouveau propriétaire du bâtiment. Dans un affidavit, les Baharay demandent la tenue d’un nouveau procès, après la mise au jour de nouveaux éléments dans cette affaire.

Dans son affidavit, Fayzalkhan Baharay, un directeur d’entreprise résidant à Port-Louis, explique que lui et ses deux frères, Feroz Khan et feu Aboo Bakar Siddick Baharay, louaient l’emplacement concerné depuis 1995. Le 1er janvier 2002, il a signé, en tant que représentant des autres locataires, un document de bail avec l’ancien propriétaire. Ledit bail, d’une durée de 20 ans, devait prendre fin le 31 décembre 2022. Fayzalkhan Baharay affirme qu’après le décès de l’ancienne propriétaire en 2012, « ses enfants ont continué à percevoir le loyer ».

En février 2019, les héritiers de l’ancien propriétaire ont vendu le bâtiment abritant le snack familial. Le conflit a débuté lorsque le nouveau propriétaire, représenté par son mandataire, a déposé une demande au juge en référé pour obtenir un ordre de restitution des lieux, prétendant que les Baharay occupaient illégalement les locaux en question. Il a obtenu gain en cause en Cour suprême. 

Or, Fayzalkhan Baharay soutient que sa signature sur le document de bail a été falsifiée. Il a d’ailleurs déposé une plainte à cet effet au Central Criminal Investigation Department (CCID) en mai 2023. De plus, il dit avoir récemment découvert une copie du contrat de bail original, qui contient une clause manquante dans la version présentée en Cour par l’autre partie. Cette clause stipule que le bail devait être renouvelé après 2022, ce qui pourrait changer la nature juridique de leur contrat avec le nouveau propriétaire. 

Fayzalkhan Baharay a déposé une demande pour un nouveau procès et une suspension de l’exécution du jugement du 17 aout 2024 en attendant cette décision. Il espère que la Cour prendra en compte ces nouveaux éléments lors de l’audience prévue pour le 9 septembre 2024.

Mieux comprendre la procédure d’éviction 

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Me Sandeep Ramlochund, avoué.

Le Writ Habere Facias Possessionem (WHFP) est un outil procédural mis à la disposition des propriétaires pour faire valoir leur droit à la propriété. Ce recours, garanti par la Constitution mauricienne, permet d’obtenir une injonction d’expulsion à l’encontre de toute personne occupant illégalement un bien. Les demandes en WHFP sont désormais traitées par les juges de la Land Division de la Cour suprême, explique l’avoué Sandeep Ramlochund.

Pour recourir à la procédure de WHFP, le demandeur doit satisfaire à des conditions strictes, consacrées par la jurisprudence. Conformément aux arrêts de référence Ragavoodoo v Apaya et Ramlagan v Gangaram, le demandeur doit démontrer qu’il est le véritable propriétaire du bien et qu’il exerce un droit réel sur celui-ci. Cette exigence vise à prévenir les abus et à éviter les procédures dilatoires. Pour obtenir satisfaction, le demandeur doit établir :

  • Un titre de propriété valide et incontestable : Le titre de propriété doit être clair, complet et ne souffrir d’aucune contestation sérieuse.
  • L’absence de droit ou de titre de l’occupant : L’occupant ne doit pas pouvoir justifier légalement sa présence sur les lieux.
  • Qu’est-ce qu’un titre de propriété clair et non ambigu ? Le demandeur doit fournir des preuves écrites incontestables de sa propriété, telles que des titres de propriété. Ces documents doivent clairement identifier le bien immobilier en question et être exempts de toute ambiguïté. Toutefois, même un titre de propriété ne confère pas un droit absolu. Une possession continue et ininterrompue du bien par une autre personne peut, dans certains cas, aboutir à l’acquisition de la propriété par prescription, comme le rappelle l’arrêt Chan Lim Wan v Veeren (2018 SCJ 282)
  • Cependant, la jurisprudence a établi qu’un occupant qui ne parvient pas à démontrer un droit légitime sur les lieux est considéré comme un occupant sans droit ni titre, ajoute l’avoué. Ainsi, dans l’affaire Gujadhur v Reunion Ltd (1960 MR 208), la Cour a jugé qu’un titre de propriété clair ne saurait être remis en cause par de simples allégations non fondées.

Le droit de rétention

Un locataire peut prétendre à un droit de rétention pour justifier son maintien dans les lieux loués. Cependant, cette défense ne peut être retenue que s’il démontre qu’il a effectué des investissements personnels dans la propriété et qu’il a une créance à cet égard. Les améliorations apportées pour le seul confort du propriétaire ne sont pas suffisantes, précise Me Sandeep Ramlochund. La jurisprudence récente a, par ailleurs, précisé que le droit de rétention ne s’applique pas lorsque le contrat de location prévoit une clause régissant les modifications apportées aux locaux, souligne-t-il.

Le droit de superficie 

Un locataire peut, dans certains cas, opposer un droit de superficie à une demande d’expulsion. Pour ce faire, le locataire doit cependant établir qu’il a effectué des constructions ou des aménagements substantiels sur le bien loué, et ce, avec l’assentiment du propriétaire ou en l’absence de toute opposition de sa part. Ces investissements doivent être tels qu’ils aient modifié durablement la substance du bien immobilier.

Protected tenant : ce que dit la décision dans l’affaire Japa Motors

L’arrêt Japa Motors Ltd v Fazil Hosenbocus & Another (2024 SCJ 108) a considérablement modifié le statut des locataires de locaux commerciaux à Maurice. La Cour d’appel a jugé que le Landlord and Tenant Act ne s’appliquait plus à cette catégorie de locataires, rendant ainsi possible la résiliation de leur bail conformément à l’article 1736 du Code civil. Les locataires de locaux commerciaux ne bénéficient plus de la protection offerte par le statut de « locataire protégé » (« protected tenant ») et ne peuvent donc plus s’opposer efficacement à une demande d’expulsion. 

Autres facteurs à considerer

Divulgation complète : Comme le rappelle l’arrêt Saturn Investments SARL v E. Wah Bon Ching & Ors (2011 SCJ 333), le demandeur doit divulguer tous les faits pertinents à sa demande. Toute omission ou fausse déclaration peut entraîner le rejet de sa requête.

Urgence : L’urgence est un élément essentiel à l’obtention d’un WHFP. La jurisprudence, illustrée par les arrêts Ramjahn v Bodhe (2009 SCJ 1101) et Pavadi v Choyta (2008 SCJ 243), exige généralement une certaine urgence, bien que cette notion soit appréciée de manière flexible par les juges.

 

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