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L’industrie manufacturière pousse un cri d’alarme et propose des solutions

Dans le cadre de son 30ᵉ anniversaire, l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM) a organisé le jeudi 15 mai 2025 un forum stratégique sur le thème « Investir dans l’industrie manufacturière : une urgence stratégique pour Maurice ». Cet événement, qui s’est tenu dans les locaux de WeCycle à Riche-Terre, vise à placer l’industrie manufacturière au centre des priorités économiques nationales.

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Malgré son rôle pour l’économie mauricienne, le secteur manufacturier ne capte que 4 % des investissements nationaux. C’est ce qu’a indiqué Shirin Gunny, CEO de l’AMM. Elle a lancé un appel en faveur de la relance industrielle à Maurice. Devant des représentants des secteurs public et privé, elle a rappelé que l’industrie représente 90 000 emplois directs et plus de 200 000 indirects, soit près de deux emplois sur cinq dans le pays. Pourtant, le secteur reste sous-estimé et attire peu d’investissement. En 2024, seulement Rs 7 milliards, soit à peine 4 % des investissements nationaux, ont été dirigées vers le secteur manufacturier. Face à ce déséquilibre, elle propose une vision : tripler les investissements industriels pour atteindre Rs 20 milliards à Rs 30 milliards par an. Elle plaide aussi pour des mesures concrètes : un taux d’imposition réduit à 3 %, l’exonération de TVA sur les intrants recyclés et une fiscalité incitative pour les entreprises qui s’approvisionnent localement. Pour Shirin Gunny, il ne s’agit pas simplement d’économie, mais d’un choix de société. Relancer l’industrie, c’est redonner à la jeunesse les moyens de rêver, de créer, d’entreprendre à Maurice.

Amédée Darga : «Le problème de Maurice, ce n’est pas le marché, c’est l’offre»

Amédée Darga, Managing Director de Straconsult, tire la sonnette d’alarme. Selon lui, pour que Maurice relance son secteur industriel, il faut revoir son approche économique. Nous n’avons pas un problème de marché, notre problème, c’est plutôt l’offre. Nous ne produisons pas ce que nous pourrions produire. Il a rappelé que le pays bénéficie d’un accès à plus d’un milliard de consommateurs à travers ses accords commerciaux avec la Turquie, l’Inde et plusieurs pays africains.

Selon lui, le développement industriel ne peut reposer uniquement sur les épaules des entrepreneurs locaux. Il faudra chercher des investisseurs étrangers. Cependant, on ne va pas retrouver des investisseurs pour produire des polos à Maurice. Par contre, nous pourrons avoir des investisseurs pour développer le fil et le tissu. Mais pour cela, il faut créer le cadre nécessaire. Un autre frein à lever, selon Amédée Darga, c’est l’accès au financement. Les banques locales ignorent le secteur manufacturier, à moins que ce soit un grand groupe. Pour les autres, il est impossible d’obtenir un emprunt. Il plaide pour une réforme de la Banque de développement de Maurice et propose de s’inspirer des années 70 et 80, quand la Banque de Maurice imposait aux banques commerciales un quota de financement pour le secteur manufacturier.

Parmi les filières porteuses, il cite l’agroalimentaire, stratégique pour tendre vers l’autosuffisance alimentaire. Il n’y a pas de chaîne de valeur pour les planteurs. Ils ne sont pas garantis sur la récolte ni sur les prix. Pourtant, si on transforme les tomates en conserves, on crée une chaîne de valeur. Pour y parvenir, il insiste sur la nécessité d’adopter la transformation alimentaire et réclame des mesures immédiates du gouvernement.

Amédée Darga a fait ressortir que 54 % des jeunes souhaitent lancer leur propre entreprise, selon un sondage de Straconsult. La volonté est là. Mais il faut des incitations et un accompagnement pour qu’ils se lancent dans le secteur manufacturier. Face à la hausse des coûts, il a expliqué qu’il faut réfléchir à augmenter la productivité, notamment grâce à l’apport des technologies.

Jérôme Lagesse : «Il faut encourager la collaboration pour faire avancer l’économie circulaire»

Inside Capital mise sur l’économie circulaire pour accompagner le développement durable à Maurice. Jérôme Lagesse, Managing Partner, a déclaré que le pays accuse un retard en matière de recyclage. Nous avons vu le processus de recyclage dans d’autres pays comme la Zambie. Il y a un retard à Maurice sur ce sujet. Devant ce constat, Inside Capital a lancé un projet dédié, mais les défis sont nombreux. Le principal défi associé à l’économie circulaire est la question de la taille : quels produits recycler ou vendre ? Il a souligné l’importance de l’interdépendance. On ne peut pas tout faire seul. Il faut collaborer avec d’autres opérateurs.

Cette approche se traduit par des partenariats avec des entreprises spécialisées dans la collecte de déchets. Il faut encourager la collaboration, avance Jérôme Lagesse.

Julien Warlouzé : «Maurice pourrait envisager un label Made in Moris Africain»

Julien Warlouzé, Associate Director chez EY Parthenon, a évoqué un pan méconnu de l’économie mauricienne : l’industrie. Selon lui, le pays est reconnu pour ses services, mais dispose aussi d’un potentiel industriel sous-exploité. D’autre part, il a expliqué que face à des géants comme le Vietnam, la Chine ou la Thaïlande, Maurice ne peut rivaliser en volume. Il faut se différencier par la qualité. L’innovation devient donc incontournable.

Un autre axe stratégique : la diplomatie économique. Selon Julien Warlouzé, Maurice pourrait envisager un label Made in Moris Africain afin de soutenir les entreprises à l’export. Mais pour s’imposer sur les marchés étrangers, il est essentiel de bâtir un réseau international solide et de répondre aux exigences de plus en plus strictes. Par exemple, en Europe, les produits durables, bio et écoresponsables sont privilégiés. Il a aussi insisté sur l’importance d’une production qui répond aux besoins des consommateurs. Les produits sains, les dispositifs médicaux ainsi que les secteurs de l’économie bleue, circulaire et des nouvelles technologies représentent des pistes d’avenir pour Maurice.

Lawrence Wong : «L’innovation doit devenir la norme pour l’industrie»

Pour Lawrence Wong, président de l’Association of Mauritian Manufacturers (AMM) et CEO d’Aryze, l’avenir industriel passe par une transformation collective. On ne veut pas que l’innovation se limite à une entreprise. Il faut qu’elle devienne la norme pour l’industrie. Face à la demande mondiale croissante pour des produits sains, durables et propres, il plaide pour une utilisation maximale des intrants locaux. Il a expliqué que l’exportation nécessite des investissements et des partenariats. Il faut s’appuyer sur la collaboration avec d’autres opérateurs.

L’industrie locale en chiffres

Secteur 100 000 PME
12 000 PME dans le secteur manufacturier
PIB 12,3% du PIB national
Emplois 233 000 emplois à Maurice (directs et indirects) 2 emplois sur 5 à l’île Maurice liés à l’industrie
Valeur ajoutée En 2024, Rs 78,9 milliards pour les producteurs contre Rs 67,3 pour le wholesale et le retail
Investissements Rs 12 milliards d’investissements annuels
 

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