À partir du 15 mars, Megh Pillay prendra, une nouvelle fois, en main la destinée du transporteur national. Dix ans après son premier passage, il hérite d’un géant aux pieds d’argile. À peine sortie d’une très longue zone de turbulences, la compagnie nationale d’aviation risque toujours le crash. Survolons les dangers et les défis qui la guettent…
1. Situation financière
L’année financière 2004-05 a été un record absolu d’Air Mauritius, avec des profits nets de Rs 842 millions. Depuis, la compagnie aérienne n’a fait qu’accumuler des pertes d’année en année. La dernière année financière 2014-15 s’est soldée par des pertes d’un peu moins de Rs 1 milliard. Cela a été légèrement mieux avec des pertes de « seulement » Rs 150 millions pour les six mois suivants. Mais Air Mauritius a pu enregistrer un profit de Rs 280 millions pour les neuf premiers mois de l’année financière 2015-16.
2. Ouverture du ciel
Emirates, Turkish Airlines… La concurrence devient de plus en plus rude pour Air Mauritius. Le gouvernement en exercice encourage la venue de nouvelles compagnies aériennes pour desservir Maurice. L’objectif : accueillir davantage de touristes, mais aussi transformer l’aéroport de Plaisance en un ‘hub’ entre l’Asie et l’Afrique. Toutefois, il y a un risque que certaines de ces compagnies puisent dans les réserves d’Air Mauritius pour remplir leurs avions.
3. Ingérences politiques et tiraillements en interne
Depuis toujours, le transporteur national souffre d’ingérences politiques à plusieurs niveaux. L’État étant actionnaire majoritaire, certains politiciens et nominés politiques le prendraient pour une propriété personnelle, surtout quand il s’agit de recrutements, de promotions et de faveurs à bord des avions. Qui dit ingérence politique, dit protection politique. Certains employés et cadres d’Air Mauritius estimeraient ainsi qu’ils ont tous les droits parce qu’ils sont liés à des puissants du jour. Ce qui provoquerait des tiraillements dans des départements vitaux à la compagnie.
4. Airmate
Airmate, qui est une filiale d’Air Mauritius, compte plus de 600 employés. Créée il y a dix ans, elle opérait le centre d’appels de la compagnie nationale d’aviation. Mais au fil du temps, les opérations se sont décuplées. De nouveaux services se sont greffés aux activités d’Airmate. Celle-ci s’est mise à fournir des services informatiques, le transport des bagages, la vente des billets, mais aussi à assurer le ‘back-office’ d’Air Mauritius. Des recrutements massifs ont eu lieu. Depuis décembre 2014, un exercice de dégraissage a débuté. Face aux protestations et manifestations, la compagnie a réembauché des personnes limogées.
5. Exigences syndicales
Air Mauritius comprend environ 2 200 employés, sans compter ceux d’Airmate et neuf syndicats. Dans le passé, de nombreux ‘Chief Executive Officers’ de la compagnie aérienne ont, en quelque sorte, « acheté » la paix sociale au détriment de la compagnie. De concession en concession, le transporteur national se retrouve aujourd’hui avec des règlements et des avantages pouvant sembler absurdes. Certains employés ont ainsi droit à des heures supplémentaires obligatoires. D’autres bénéficient de congés dépassant largement le nombre pratiqué dans d’autres entreprises. Y mettre bon ordre ne sera certainement pas une tâche aisée.
6. Compagnie aérienne régionale
Le souhait du gouvernement : créer une nouvelle compagnie aérienne régionale. Défi qu’il a confié à Air Mauritius. Celle-ci devra ainsi créer une filiale qui aura ses avions, son identité propre et qui desservira la région, calquée sur le modèle des compagnies aériennes ‘low-cost’. La nouvelle entreprise devra notamment desservir de nouvelles destinations africaines. Des investissements massifs et d’importants risques sont donc au programme.
7. ‘Air corridor Singapour-Maurice’
Une autre ambition gouvernementale est la création d’un air corridor entre l’aéroport Changi, de Singapour, et celui de Plaisance. Le premier vol d’Air Mauritius pour Singapour est prévu le 11 mars. La compagnie nationale d’aviation a la lourde tâche de transformer cette nouvelle desserte en succès retentissant en termes d’arrivées touristiques.
8. ‘Hedging’
Le ‘hedging’ contracté en novembre 2014 a lourdement plombé les ailes du Paille-en-Queue. Il lui a coûté plus de Rs 1,1 milliard jusqu’ici, dont Rs 900 millions pour les neuf premiers mois de l’année financière en cours. Malgré un ‘hedging’ déjà désastreux, qui avait coûté Rs 5,6 milliards en 2008-09, sa direction avait décidé de renouer avec cette pratique en novembre 2014, à quelques semaines des élections législatives. Air Mauritius s’est engagée à acheter 40 % de sa consommation en kérosène à 102 dollars américains le baril, alors que celui-ci se vend à un prix nettement inférieur, soit à 35 dollars américains depuis fin 2014.
9. Sureffectif
Avec environ 2 800 employés, incluant ceux d’Airmate, Air Mauritius est en sureffectif. La compagnie nationale d’aviation compte 1,6 fois plus de salariés que les compagnies aériennes performantes. Dans son ‘Human Resources Audit’ remis au conseil d’administration en août 2015, Aon Hewitt parlait de faire des économies de Rs 350 millions au niveau du personnel en deux ans alors que les coûts ne font qu’augmenter. En 2014-15, l’enveloppe salariale était de Rs 3 milliards et avait augmenté de Rs 300 millions par rapport à l’année précédente. L’entreprise compte 233 managers, soit un manager pour dix employés.
10. Renouvellement de la flotte
Avant les élections générales de 2014, décision avait été prise d’acheter six Airbus A350-900 au coût de plus de Rs 40 milliards. Ces derniers seront livrés à partir de 2017. Le gouvernement actuel a bien tenté de résilier ce contrat, mais la clause de sortie est particulièrement élevée. Il est de Rs 2 milliards si l’on ne compte pas les exigences de compensation accessoires qui seraient aussi de Rs 2 milliards environ. Air Mauritius devra donc tenir compte du coût de ces avions.
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