C’est sa première récompense dans le monde des médias. Abhi Ramsahaye, journaliste et chef du département des faits divers au Défi Media Group, est le lauréat du Prix Nicolas Lambert 2016. Un prix qui vient récompenser son parcours. Rencontre.
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« On ne naît pas journaliste, on le devient », disait Jean Kouchner, Secrétaire général de l’Union de la presse francophone. Et ce n’est pas Abhi Ramsahaye, 35 ans, qui dira le contraire. En effet, le journalisme n’a pas été la vocation première pour le grand gagnant du prix Nicolas Lambert 2016, également lauréat du prix du meilleur article d’investigation de la presse écrite 2016, pour son article intitulé « Au cœur d’une cellule ultrasecrète ». Cet article, publié dans Le Défi Plus du 30 avril 2016, découle d’une enquête révélant le fonctionnement du système de « tapping » à Maurice.
Pourtant, le fils de Kiran Ramsahaye, ancien rédacteur en chef du journal Le Matinal, baignait dans l’univers médiatique depuis son plus jeune âge. Petit, il parcourait les salles de rédaction et côtoyait des journalistes. Mais la presse ne l’intéressait pas plus que ça.
« Quand j’étais jeune, le journalisme ne m’intéressait pas. Même si mon père en avait fait sa profession, sans compter qu’il était rédacteur en chef, je ne me voyais pas devenir journaliste », confie Abhi Ramsahaye, avec une pointe de nostalgie et un léger sourire.
De nature très timide, le responsable de l’équipe des faits divers décide de faire carrière dans le multimédia, après ses études secondaires. Créatif dans l’âme, il se tourne vers le graphisme pour les supports multimédias et se spécialise dans la création des images de synthèse 3D.
Il fera ses premiers pas dans le monde du travail comme infographiste chez Tropikanim. En 2004, il rejoint l’équipe du journal Le Matinal où il exercera comme designer. En contact permanent avec des collègues journalistes, il est vite enthousiasmé par l’envie d’aller sur le terrain. Le métier l’attire comme un aimant.
« J’aimais bien ce que je faisais comme designer, mais ma curiosité me jouait des tours. J’avais envie de découvrir le travail de terrain. Puis, Vine Ramnauth, qui était Secrétaire de rédaction à l’époque, m’a dit qu’il voyait en moi l’âme d’un journaliste et qu’il fallait que je tente le coup », se remémore le journaliste.
Abhi se confiera par la suite à son père, qui l’encouragera dans cette voie. Il sera son guide, son mentor et lui donnera des conseils et lui enseignera les rudiments du métier. En 2006, Abhi délaisse la souris pour la plume avec pour premier article une incursion au sein de la prison.
« Je me souviens de mon premier article comme ci c’était hier. Mon papier faisait état d’un trafic d’argent et de drogue à la prison de Beau-Bassin. L’enquête sur le terrain, le contact avec les gens et le partage avec le lecteur m’ont plu. L’article avait été publié et le déclic s’est opéré », raconte-t-il.
Le pied à l’étrier, il fonce tête baissée dans le métier, sous la houlette de son père, qui se contente de lui prodiguer des conseils, sans pour autant s’ingérer dans sa démarche. Rédacteur en chef de Le Matinal à l’époque, il ne voulait pas interférer dans la tâche quotidienne de son fils.
D’ailleurs, si Kiran Ramsahaye s’est spécialisé dans l’actualité chaude et la politique, son fils a lui choisi les faits divers. Sa formation à l’Alliance française lui sera bénéfique, mais le journalisme, c’est aussi le travail de terrain et les contacts.
« Cela n’a pas été facile, car je voulais faire mes preuves et il me fallait me débrouiller. Je me suis alors donné à fond dans mon travail et cela m’a demandé beaucoup de sacrifices. Je travaillais tous les jours sans faute. Je n’avais pas le temps de sortir. Ma priorité était alors d’aller au bout de mon objectif, c’est-à-dire de faire mon métier », se souvient-il.
À l’affût de scoop, toujours sur la brèche, prenant de très rares jours de repos, Abhi fera ses preuves. Il constitue petit à petit son arme secrète : son carnet d’adresses. Mais son parcours ne sera pas de tout repos et il fera face à des obstacles dans sa vie professionnelle, qui le poussera à rejoindre la famille du Défi Media Group en 2008.
« Très vite mon CEO, Ehshan Kodarbux, a reconnu mon travail et m’a donné la chance de démontrer mes capacités. Je me souviens du premier papier que j’avais écrit pour Le Défi Plus. C’était sur les frères Bhoyroo. Une exclusivité ! », relate-t-il.
Des exclusivités, Abhi Ramsahaye en apportera beaucoup pour le journal et en 2010, avec le lancement du journal Le Défi Quotidien il est promu responsable de l’équipe faits divers. Il est épaulé par Irshaad Olitte.
« En étant responsable de cette équipe, j’étais conscient de la confiance que mon patron avait placée en moi. Et avec mon équipe, nous faisons de notre mieux pour ne pas le décevoir. De plus, avec les diverses formations offertes par Le Défi Media Group, j’ai eu la chance de me perfectionner dans le domaine de management également », explique-t-il.
Venir en aide
Passionné de son métier, il est satisfait d’avoir pu atteindre son objectif, contre vents et marées. « Le journaliste c’est avant tout la passion, il faut vraiment être passionné pour arriver à garder le rythme. Il faut aussi être humble en toutes circonstances et ne pas avoir la grosse tête », fait ressortir le journaliste. Il avoue toutefois que ce n’est pas un métier facile, car l’émotion est omniprésente.
« Un fait divers, c’est fait de chair, de sang, de larmes, de douleurs. C’est toujours un choc émotionnel. Par exemple, demander une photo et des renseignements personnels à quelqu’un qui vient de perdre un être cher, alors que nous savons que ce n’est pas le moment, est très délicat. Mais nous sommes obligés de le faire pour nos lecteurs. Et nous sommes appelés à mettre de côté nos émotions pour parvenir à faire notre travail correctement », indique-t-il.
Il se souvient d’ailleurs d’un des moments les plus difficiles : l’accident de Sorèze. « Ce jour-là, je me rendais au travail. J’étais en route et l’accident venait de se produire à quelques secondes près. J’étais parmi les premières personnes à être sur le lieu. Des corps, certains déchiquetés, jonchaient le sol. Mon premier réflexe a été d’appeler la police et je me souviens d’avoir téléphoné à l’ancien commissaire de police de l’époque, Daneshwar Ramparsad, pour qu’il déploie les unités concernées, car il y avait beaucoup de cadavres. Il fallait en même temps venir en aide à ceux qui en avaient besoin, et en même temps travailler. Je me souviens encore de cette femme qui était coincée sous l’autobus. Ces images me hantent toujours », confie-t-il.
Être journaliste, c’est aussi faire face aux dangers, aux pressions et aussi aux menaces, parfois inutiles surtouts quand des révélations sont faites ou des documents sensibles publiés. Comme quand il a rédigé son article « Au cœur d’une cellule ultrasecrète ». Un article qui lui a valu une belle récompense, même s’il hésitait à le faire.
« Ce sont Nawaz Noorbux, rédacteur en chef de Radio Plus, et des collègues, qui m’ont encouragé à envoyer ma candidature. Je ne m’attendais pas du tout à remporter ce prix Lambert. Je dédie ce prix à ma famille qui m’a toujours encouragé, surtout dans les moments difficiles et à mon père, qui est aussi mon mentor. Je dédie ce prix également à mon équipe du Défi Media Group, ainsi qu’à mes sources. Je remercie aussi mon CEO Ehshan Kodarbux, qui m’a toujours soutenu », dit le lauréat.
Même si le métier comporte des risques, Abhi Ramsahaye estime que la satisfaction d’avoir pu aider son prochain à travers son métier vaut le détour.
« Il y a une face cachée dans le journalisme, c’est de venir en aide aux autres. Quand une personne vient nous voir, nous faisons de notre mieux pour lui venir en aide. À travers nos contacts nous faisons de notre mieux pour faire accélérer les choses, afin qu’elle trouve une solution à ses problèmes. Apporter ma pierre à l’édifice en contribuant à ma façon pour le bien-être de l’humanité, c’est ça le vrai bonheur de ce métier », fait-il ressortir.
À propos du Prix Nicolas Lambert
Dans le but de promouvoir la recherche d’excellence dans les médias et d’encourager un journalisme de qualité, le Media Trust organise le concours de fin d’année doté du « Prix Nicolas Lambert ». Cette distinction récompense traditionnellement, depuis 1973, le/la journaliste mauricien/ne (toutes catégories confondues) qui se distingue pendant l’année. Quatre autres Awards récompensent la meilleure production multimédia, le meilleur article d’investigation de la presse écrite, la meilleure photo de presse, le meilleur article de l’année presse écrite entre autres.
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