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À la rescousse de nos jeux d’antan

Les vacances sont là. Bon nombre d’enfants seront devant la télé, sur les réseaux sociaux ou encore sur leurs consoles de jeu, délaissant petit à petit les jeux d’antan. Le sapsiway, la marelle ou le sirandann ne font plus partie de leur quotidien. Retour dans le passé. [[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3376","attributes":{"class":"media-image alignright wp-image-5020","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"761","alt":"Toupi"}}]]Le sapsiway, tu connais ? « Non, je n’en ai aucune idée », confie Marine Groëme, 14 ans, étudiante de Form III. « Je me souviens quand j’étais à l’école primaire, on jouait à la marelle, mais ça s’arrêtait uniquement à la cour de récré. Aujourd’hui, avec mes amies, on aime bien sortir, aller faire du shopping ou du lèche-vitrine dans les shopping malls », confie la jeune fille. Pour Rizwan Bhugeloo, 15 ans, étudiant de Form IV, place aux compétitions de Playstation pendant les vacances. « Mes amis viennent chez moi et nous organisons des compétitions. Mais nous ne faisons pas que cela, nous nous rendons dans les centres commerciaux », fait-il ressortir. Si aujourd’hui, l’adolescent a des passe-temps de sa génération, toutefois le jeune homme confie qu’il n’a jamais joué aux jeux d’antan. « J’en ai entendu parler, mais je ne connais pas ces jeux et je n’en ai jamais joué. Peut-être que pendant les classes de primaire, on a déjà joué à cache-cache ou aux billes, mais uniquement à l’école. Avec mes cousins, quand ils venaient à la maison, on jouait à la Playstation », ajoute-t-il. Et comme Marine et Rizwan, ils sont nombreux les enfants qui ne connaissent pas les jeux d’époque. Le sapsiway, lamarel, larou, laronn, sirandann, tous ces jeux qui faisaient le bonheur de nos aînés ont disparu de nos quotidiens. Selon Salim Choolun, enseignant de profession et secrétaire de la Gouverment Teachers Union (GTU), les jeunes ne jouent plus à jeux d’antan, mais concède que ce n’est pas vraiment de leurs fautes. « À l’école, ils vont jouer au foot ou à cache-cache, mais avec l’arrivée des nouvelles technologies, ils s’adonnent plus aux jeux électroniques. De plus, il faut savoir qu’avec les fléaux de la société, les parents aussi ont peur de laisser leurs enfants découvrir le monde extérieur. Comment leur en vouloir ? C’est difficile de faire confiance aux autres aujourd’hui », dit-il.

ABAIM fait revivre le passé

 
[[{"type":"media","view_mode":"media_large","fid":"3375","attributes":{"class":"media-image wp-image-5019 size-full","typeof":"foaf:Image","style":"","width":"400","height":"525","alt":"Alain Muneean"}}]] Alain Muneean

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/div> Si ces traditions se perdent, toutefois, certains se battent contre vents et marées pour essayer de cultiver notre patrimoine immatériel. À l’instar du groupe ABAIM. Alain Muneean, un des fondateurs, précise que Maurice regorge d’une culture très riche à travers les contes, les plantes médicinales, les jeux d’antan. Mais au fil du temps, tout se perd. « De nos jours, les jeunes ne vivent que pour le virtuel. Ils sont connectés une journée sur leurs portables, ordinateurs ou tablettes. Nous avons la responsabilité morale de préserver l’héritage que nous ont laissé nos ancêtres », fait-il ressortir. C’est l’une des raisons pour lesquelles l’ABAIM travaille avec des enfants. « Nous organisons plusieurs ateliers où nous travaillons des poèmes, des chansons ou des comptines. Nous prenons des histoires que nous avons recueillies des personnes âgées. Par la suite, nous demandons aux enfants d’apprendre et d’essayer de compléter l’histoire. Souvent, cela débouche sur quelque chose de très constructif. C’est ce qu’on a fait par exemple avec Tizan ar so 8 frer. D’une simple comptine, nous en avons fait une chanson qui est devenue, par la suite, une comédie musicale qu’on prévoit de représenter sur scène bientôt », dit le fondateur d’ABAIM, en précisant qu’avec cet art, ils essayent de bâtir une identité culturelle.
« Le mauricianisme, c’est une recherche identitaire qui se fait à travers la langue et nos traditions », affirme Alain Muneean. Après Timarmit ou encore Made in Omorn, ABAIM vient ajouter une nouvelle pièce à notre patrimoine avec sa nouvelle chanson Kouler nu lavi. Avec cette chanson, il lance un message fort à la jeune génération : sortez de chez vous, allez vers les autres, car vous aurez plus à gagner à côtoyer des gens qu’à rester emprisonnés dans un monde virtuel. « À la base, la chanson était une poésie créole qui s’inspire de la richesse de nos jeux d’antan que des générations ont pris plaisir à jouer. Elle procède d’une réflexion autour de la question de la transmission dans un contexte de modernité. Un travail de fond est fait avec les enfants pour qu’ils se l’approprient, est vite monté sur un rythme et une mélodie de séga typique,», affirme Alain Muneean.
[panel contents="Selon l’UNESCO, le patrimoine culturel immatériel, ce sont les traditions ou les expressions vivantes héritées de nos ancêtres et transmises à nos descendants, comme les traditions orales, les arts du spectacle, les pratiques sociales, rituels et événements festifs, les connaissances et pratiques concernant la nature et l’univers ou les connaissances et le savoir-faire nécessaires à l’artisanat traditionnel." label="Qu’est-ce que le patrimoine culturel immatériel ?" style="info" custom_class=""]
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Arnaud Carpooran: les sirandanns comme soutien pédagogique

L’expert de la langue kreol à Maurice a justement sorti un recueil qui s’appelle Proverbe ek sirandann Repiblik Moris, en 2013, où on retrouve plusieurs proverbes et devinettes bien de chez nous. Dans ce livre, il parle de l’importance de préserver les proverbes et sirandann qui sont deux importantes facettes de notre héritage linguistique, artistique et culturel. Il pense qu’avec la langue créole qui a été reconnue comme langue officielle du pays au même statut que l’anglais et, les sirandann peuvent devenir un soutien pédagogique et offrir de la matière dans l’apprentissage des enfants. Il cherche à les redynamiser en tant que pratique sociale en les accompagnant d’images et d’équivalents en anglais et en français. « De nos jours, les jeunes ne savent pas ce qu’est une sirandann. En fait, c’est un jeu de mots et de devinettes que l’on retrouve souvent dans les anciennes îles colonisées. Dans un cadre plus technique, sirandann vient de cirandani, terme makwa (langue africaine) se référant à un « jeu de mots », une devinette. Cependant, la devinette se fait selon un rituel précis où celui qui démarre le jeu prononce d’un côté la formule sirandann comme une question-invitation, alors que de l’autre côté, celui qui accepte de participer répond à l’invitation par une autre formule-réponse », explique Arnaud Carpooran.

Lexique

  • Sirandann: Plus que des jeux de mots drôles et amusants, c’est une ouverture sur l’aspect très imagé du Kreol mauricien
  • Sapsiway: jeu consistant à faire le maximum de jonglerie du pied avec une « boule » fabriquée à partir de chambre à air de bicyclette coupée en rondelles.
  • Lamarel: jeu très élaboré qui consiste à s’approprier les maisons représentées par les cases dessinées à même le sol. Se joue en lançant une petite pierre (pale) sur une case à la fois et en sautillant sur les autres cases, selon des règles précises.
  • Kanet: jeu de billes
  • Larou: jeu avec un bâton et une roue usagée de vélo ou de camion, le but étant de faire faire rouler la roue le plus longtemps possible à l’aide du bâton, de la main ou d’un accessoire appelé « laryaz »
  • Kouk kasiet: jeu où une ou plusieurs personnes se cachent et une autre doit les retrouver avant qu’elles ne retournent au ‘but’ (dan bit)
  • Podiber: jeu qui consiste à faire une personne tourner sur elle-même tout en bandant ses yeux et le but est d’attraper quelqu’un
  • Laronn: jeu qui consiste à faire une ronde et tourner en chantant des chansons très mauriciennes
  • Lamokdelivre: jeu qui consiste à mettre des pierres dans un récipient en métal qui est déposé dans un cercle dessiné sur le sol avec une craie. Le but du jeu est d’arriver à prendre le récipient sans se faire attraper par le « gardien » et le secouer
  • Polis-voler: jeu de « attrape-moi si tu peux » qui se joue en groupe avec un qui représente la police et l’autre, les voleurs. Le but du jeu est de capturer tous les voleurs avant qu’ils rentrent dans leur baz »
  • Pot: consiste à faire une ronde et une personne en fait le tour et dépose un objet derrière l’un des participants. Celui-ci doit l’attraper et s’il réussit, cette personne doit s’asseoir au milieu de la ronde
  • Maye: consiste à courir derrière les gens et à les toucher, dès qu’ils sont touchés, c’est à eux de courir derrière les autres
  • 123 soley: jeu qui consiste à dire 123 soley de dos et quand on se retourne, tout le monde doit rester figé
  • Zouzou menaz: jeu qui consiste à reproduire l’action de prendre du thé ou d’entretenir une maison
  • Boulkaskot: prendre une balle de tennis ou en caoutchouc et essayer de viser un groupe de personnes
  • Servolan: un objet normalement en forme de losange ou rectangulaire fabriqué avec du papier mousseline ou en plastique rattaché à une ficelle ou une corde avec une base en bois ou en bambou pour voler
  • Krazpat: Jeu qui consiste à écraser les pieds de son adversaire au maximum tout en esquivant les siens
  • Toupi: petit objet avec une base pointue, qui tourne sur elle-même
  • Yoyo: Jeu qui consiste à faire des figures avec un yoyo
  • Fles: objet en bois rattaché à un élastique en V et avec un morceau de peau à l’extrémité qui sert à lancer des pierres
  • Pistole: fabriqué avec du bambou, il sert à projeter des morceaux de papier mâché en faisant pression sur le manche
  • Lakordsote: action de sauter à la corde en fredonnant des chansons
  • Goni: Jeu où une personne entre dans un sac goni et se met à sauter sur une certaine distance.
  • Sotmouton: passer par-dessus le dos de ses camarades l’un après l’autre
 

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