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La récidive : un cycle destructeur pour les délinquants pris dans une spirale

Me Miguel Ramano.

Il est fréquent de constater que de nombreux délinquants récidivent.  Pourquoi un individu  déjà condamné récidive-t-il ? Comment aborder ce problème ? Où se trouvent les lacunes et quelles solutions peuvent être envisagées ? Pour apporter des éclaircissements sur ces questions, nous avons parlé à Me Miguel Ramano.

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Que veut dire le terme récidive est qui est considéré comme un récidiviste ?
La récidive constitue l’un des principes fondamentaux de la justice pénale, se référant à la tendance d’une personne à répéter des comportements criminels, généralement après avoir été sanctionnée pour un crime précédent.  Cependant, il convient d’apporter une certaine nuance à la définition du récidiviste. En termes simples, le récidiviste est celui que nous qualifions de criminel habituel, une personne dont le parcours a été ponctué de condamnations pour divers crimes. Dans le domaine juridique, il est crucial d’être précis dans notre définition d’un récidiviste. Cette distinction revêt une importance particulière, notamment lors de la détermination de la peine.

Quelles sont les raisons pour lesquelles une personne peut récidiver, en particulier pour les mêmes types de délits ?
Il est, certes, complexe de déterminer précisément les raisons qui poussent les individus à récidiver. Cependant, se limiter à des arguments strictement juridiques serait une erreur. Il est vrai que l’efficacité dissuasive de la loi peut parfois être remise en question. Cette argumentation peut avoir sa légitimité. Néanmoins, attribuer uniquement la récidive à l’absence de lois strictes serait trop simpliste.
En réalité, il serait injuste de le faire. Les origines de la criminalité sont multiples. Il est indéniable qu’il existe des facteurs socio-économiques qui peuvent expliquer pourquoi certaines personnes sont plus enclines à la délinquance que d’autres.

A-t-on des arsenaux légaux pour combattre ce phénomène ? 
Cela variera selon le type d’infraction reprochée et les dispositions légales en vigueur. Un exemple courant auquel beaucoup peuvent s’identifier concerne les délits liés à la conduite en état d’ivresse. Les sanctions pour les premières infractions peuvent aller de simples amendes à la mise à l’épreuve ou à la révocation du permis de conduire. En revanche, les récidivistes risquent des peines d’emprisonnement automatiques, ainsi que des amendes plus lourdes et la suspension prolongée, voire définitive, de leur permis de conduire.

Le pouvoir discrétionnaire de la Cour dans ces cas est limité. Il est important de se rappeler qu’on ne peut pas simplement être puni plus sévèrement parce qu’on est un récidiviste. C’est pourquoi la distinction que j’ai faite ci-dessus est importante. Une personne reconnue coupable de vol ne se voit pas infliger une peine plus rigoureuse simplement parce que c’est sa première infraction pour conduite en état d’ébriété. Se concentrer uniquement sur l’aspect juridique du problème serait, toutefois, de passer à côté de l’essentiel. Le fait que des peines plus sévères soient prévues pour les récidivistes ne freine pas nécessairement la récidive.

Comment éviter qu’une personne récidive ?
Il s’agit d’une question complexe à laquelle il n’existe pas de réponse définitive. Toutefois, un certain nombre de facteurs et de raisons peuvent pousser une personne à récidiver. La prévention de la récidive nécessite des interventions efficaces fondées sur une compréhension des facteurs qui exposent les délinquants à des risques et rendent difficile leur réinsertion sociale.

Quel est le but d’une condamnation ?
Il s’agit bien sûr de s’assurer que les gens soient responsables de leurs actes et d’avoir un effet dissuasif sur les autres. Ce serait une situation absurde que les délinquants s’en tirent à bon compte. Toutefois, il ne faut pas ignorer qu’outre son effet dissuasif et sa garantie de rendre des comptes, il est aussi important que notre système de justice pénale veille à la réhabilitation adéquate des personnes condamnées. Ainsi, cela ne servirait à rien si les gens étaient condamnés juste par nécessité.

Quelles sont les conséquences de la récidive et que disent nos lois ? 
Les conséquences dépendront de l’infraction reprochée. Il n’existe pas de réponse universelle à cette question. Cependant, il faut comprendre la philosophie qui se cache derrière cela. Chaque cas doit être fondé sur ses propres mérites et chaque condamnation doit prendre en compte les facteurs pertinents, notamment les condamnations antérieures liées à l’infraction traitée par le tribunal. Ce serait une situation incroyablement absurde qu’une personne se voit infliger une peine plus sévère simplement pour des condamnations antérieures sans aucun rapport avec l’infraction dont elle est reconnue coupable. 

La loi doit être appliquée équitablement même si les crimes ne doivent pas être tolérés. Le principe de proportionnalité ne peut être ignoré.

Pensez-vous que les peines en vigueur ne sont pas assez dissuasives surtout pour des délits sérieux, tels que le viol, le vol ou encore le meurtre ?
Même si cet argument a du poids, je pense qu’il serait trop simpliste de dire qu’il existe une corrélation directe entre le renforcement des lois et le taux de criminalité. Des lois plus strictes ne constituent pas en elles-mêmes la solution. Dans ce cas, il n’y aurait tout simplement aucun crime. Ce serait absurde de penser cela.

Ce genre de réflexion erronée ramène souvent la question de la peine capitale dans le discours public chaque fois que nous entendons parler d’un crime atroce qui a été commis. C’est le genre de pensée réactionnaire et simpliste que certains politiciens adoptent pour susciter les instincts primaires ou le désir de vengeance chez les gens. Cependant, ce type de logique erronée est fréquemment appliquée par nos décideurs. Ce qui nous montre peut-être qu’ils n’ont pas la volonté politique de réellement s’attaquer aux problèmes sociaux et économiques qui créent si souvent les conditions de la criminalité. 

D’ailleurs, ceux qui nous gouvernent s’intéressent-ils vraiment aux causes profondes de la criminalité ? Ces problèmes sont multiples : ils peuvent aller du manque d’éducation, au chômage, à la pauvreté, à l’effondrement des réseaux familiaux, à l’endettement financier, entre autres. Il est évident que la politique de l’autruche ne porte pas ses fruits. 

Pour revenir à votre question, on pourrait peut-être affirmer que les peines ne sont pas assez sévères pour certains crimes. Cependant, il existe une hypothèse, un peu trop simpliste à mon humble avis, selon laquelle des peines plus sévères dissuadent de commettre des crimes. C’est une solution réactive.

Où se situent nos lacunes ? 
Ce serait une erreur de se concentrer uniquement sur les lacunes du droit en matière de prévention du crime et de la récidive. Si l’on s’attaque honnêtement aux problèmes de la récidive, on pourrait commencer à se demander s’il existe des programmes de réadaptation appropriés qui facilitent réellement la réinsertion des anciens délinquants dans la société, même si nous avions mis en place une structure appropriée. 
Devrions-nous simplement accepter qu’une personne ayant commis une infraction dans le passé soit renvoyée dans les mêmes conditions socio-économiques qui ont pu la pousser à devenir délinquante en premier lieu ?  Faut-il considérer la criminalité et le risque de récidive comme des problèmes isolés ? Ces deux questions doivent être abordées globalement. Les pouvoirs en place doivent accepter le fait qu’il s’agit d’un problème de société, plutôt que d’un système judiciaire trop indulgent ou d’un manque de lois strictes.

Les coûts sociaux et économiques de l’échec de la réinsertion des délinquants constituent une préoccupation majeure pour les décideurs politiques du monde entier. Chaque crime a des coûts sociaux. Par ailleurs, il y a des dépenses qui sont également liées aux enquêtes, aux poursuites pénales, aux procédures judiciaires et à l’emprisonnement. Donc, il convient de garder à l’esprit d’autres « coûts sociaux » pour les victimes et la communauté. Pour y parvenir, nous avons besoin d’une vision politique et économique appropriée. Malheureusement, les discours ressassés sur le « développement économique » ou le « miracle économique » ne font pas grand-chose pour résoudre les problèmes d’inégalité des richesses, de pauvreté, de sans-abrisme, de santé mentale et d’éclatement des familles, entre autres.

Quelles sont les solutions, selon vous ? 
La réadaptation des délinquants et leur réinsertion sociale dans la société devraient donc figurer parmi les objectifs fondamentaux de tout système de justice pénale.

La plupart des délinquants sont confrontés à d’importants problèmes. Il y a l’adaptation sociale, l’ostracisme au sein de la famille et de la communauté. De plus, il existe des répercussions négatives qui en découlent sur leur capacité à trouver un emploi ou un logement et à construire aussi leur capital individuel et social. En l’absence de soutien pour surmonter ces difficultés, ils risquent de s’enfermer dans un cycle destructeur d’échec de l’intégration sociale, ce qui peut les conduire à récidiver, à être à nouveau condamnés et à subir le rejet social. Considérons les toxicomanes condamnés pour des délits liés à la drogue ou fréquemment impliqués dans des infractions liées au vol. Il est évident que sans justifier leurs crimes, l’une des principales causes de leur comportement est provoquée par leur addiction. 

Désormais, quiconque souhaite sérieusement résoudre le problème de la criminalité et de la récidive tenterait également d’examiner la question de la consommation et de la dépendance aux drogues. La stigmatisation autour de la toxicomanie est traitée comme un crime plutôt que comme une maladie. Le fait est que nous ne pouvons même pas prétendre prendre au sérieux la criminalité si nous ne nous attaquons pas d’abord aux causes profondes. Le simple fait d’envisager des sanctions plus sévères n’est pas nécessairement la solution pour combattre le récidiviste.

 

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