Le CEO de Business Mauritius explique pourquoi la fédération patronale a décidé de contester en Cour suprême l’introduction de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) et l’abolition des contributions au National Pensions Fund (NPF). Selon Kevin Ramkaloan, cette réforme de la pension impacte négativement autant les employeurs que les employés.
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Êtes-vous confiant que Business Mauritius pourra obtenir gain de cause dans l’affaire qu’elle a logée en Cour contre le gouvernement sur la Contribution Sociale Généralisée ?
Pour nous, ce cas en Cour résulte du fait que nous n’avons pas pu mettre en place un comité technique pour se pencher sur une réforme holistique de la pension. Donc, dans ce cas précis et en vue des procédures légales, il était important de nous en remettre à la justice, car c’est une question de droits des employeurs et des employés qui, d’après nous, seront négativement impactés par cette mesure. Nous demandons donc à la Cour de trancher sur le sujet. En laissant la justice régler ce différend, nous pouvons nous concentrer sur d’autres priorités d’ordre national.
La fédération patronale réclame, entre-temps, un « Stay of Execution »…
Ce «Stay of Execution» est un mécanisme que nous pouvons invoquer afin de suspendre la mise en application de la Contribution Sociale Généralisée en attendant que la Cour se prononce sur le sujet.
Or, la Mauritius Revenue Authority (MRA) a informé les employeurs, ainsi que les travailleurs indépendants, par le biais d’un récent communiqué que la déclaration et le paiement des cotisations pour la CSG pour le mois de septembre ont été fixés au 30 novembre. Qu’adviendra-t-il si le «Stay of Execution» est accepté ?
Si le «Stay of Execution» est accepté, il y aura une directive en faveur du gel de la CSG. Si ce n’est pas le cas, nous en aviserons, mais pour nous, le plus important c’est le « main case » sur la CSG.
Ce qui change avec la CSG
La Contribution Sociale Généralisée est effective depuis le 1er septembre 2020. Avec ce nouveau système, le pourcentage de contribution de l’employé et de l’employeur a été revu (voir tableaux).
Contribution de l’employé | Contribution de l’employeur | |
---|---|---|
Rémunération jusqu'à Rs 50 000 par mois | 1,5 % | 3% |
Rémunération au-delà de Rs 50 000 par mois | 3% | 6% |
Salaire actuel | Contribution de l’employé sous le NPF | Contribution de l’employeur sous le NPF | Contribution de l’employé sous la CSG | Contribution de l’employeur sous la CSG | Bénéfice attendu sous le NPF à 65 ans | Bénéfice attendu sous la CSG à 65 ans |
---|---|---|---|---|---|---|
Rs 10 200 | Rs306 | Rs612 | Rs153 | Rs306 | Rs 3 400 | Rs 4 500 |
Rs 15 000 | Rs450 | Rs900 | Rs225 | Rs450 | Rs 5 000 | Rs 4 500 |
Rs 25 000 | Rs562 | Rs 1 124 | Rs375 | Rs750 | Rs 6 247 | Rs 4 500 |
Rs 37 480 | Rs562 | Rs 1 124 | Rs562 | Rs 1 124 | Rs 6 247 | Rs 4 500 |
Rs 50 000 | Rs562 | Rs 1 124 | Rs750 | Rs 1 500 | Rs 6 247 | Rs 4 500 |
Source : Aon Hewitt |
Une taxe jugée injuste et inéquitable
Business Mauritius avait fait savoir son intention d’aller en Cour si le gouvernement maintient le statu quo sur la Contribution Sociale Généralisée. C’est aujourd’hui chose faite. La fédération patronale a, en effet, saisi la justice et l’a fait savoir par le biais d’un communiqué émis le jeudi 5 novembre. « L’introduction de cette nouvelle taxe, qui est de surcroît injuste et inéquitable, aurait dû se faire à travers des consultations élargies avec toutes les parties prenantes. Vu que cet appel à une consultation élargie n’a pas été entendu, le Conseil d’administration de Business Mauritius s’est résolu à porter l’affaire devant la Cour suprême qui est, selon elle, l’instance la plus habilitée à statuer sur cette question », fait valoir Business Mauritius. Il reviendra ainsi aux juges de trancher ce différend en tenant compte des paramètres légaux, notamment ceux définis par la Constitution, souligne la fédération.
Aucun commentaire du côté des Finances
Le Défi Quotidien a sollicité le ministère des Finances en vue d’avoir une réaction sur la décision de Business Mauritius de contester la CSG en Cour, mais en vain. Renganaden Padayachy a souligné que 81 % des compagnies paieront moins avec la CSG, comparativement au National Pensions Fund. Les PME sortiront gagnantes et retrouveront une meilleure compétitivité, a-t-il fait ressortir. Par ailleurs, plus de 60 % de compagnies ayant un chiffre d’affaires supérieur à Rs 1 Md devront cotiser davantage.
Assurances : un pas vers la réforme de pension
Au sein de la communauté des assureurs, on estime que c’est l’heure d’une réforme de la pension et de réduire la dépendance sur le gouvernement afin d’assurer des revenus post-retraite. Et la décision de Business Mauritius de demander la suspension de la CSG est un premier pas dans cette direction. Parce que le pays doit consolider les assises d’une pension contributive, au lieu d’opérer par une ponction fiscale sans discussions au préalable qui, selon notre interlocuteur sous le couvert de l’anonymat, est défavorable au futur retraité à terme. « On ne peut demander de l’argent à une personne et le lui retourner après sans une visibilité sur le montant qu’il recevra. Il n’y a aucune certitude pour le retraité futur. Présentement, que ce soit dans un fonds public ou privé, on sait que cet argent est là. Avec une réforme du système de pension contributive, on assainit le mécanisme », explique l’assureur.
Réactions
Shahed Hoolash, président de l’ATMC : «40% des employés dans l’offshore contribueront plus»
Sur quelque 5 000 emplois directs dans le secteur offshore, 40% des salariés contribueront plus en termes de pension sous le régime de la Contribution Sociale Généralisée (CSG). C’est ce qu’indique le président de l’Association of Trust & Management Companies (ATMC), Shahed Hoolash. Indirectement, dit-il, le secteur emploie quelque 20 000 personnes. « En effet, le secteur offshore est parmi les plus gros rémunérateurs de notre économie. Ainsi, le nouveau régime aura des impacts directs sur les revenus », explique-t-il. Selon ce dernier, le nouveau système de pension a été introduit à un moment où de nombreuses entreprises font face à des difficultés financières. « Pour le secteur offshore en particulier, les opérateurs subissent déjà les conséquences de la liste noire de l’Union européenne. Ce n’est pas le moment d’imposer un autre fardeau », déplore-t-il. Par ailleurs, Shahed Hoolash avance qu’il y a toujours un manque d’informations autour de la CSG. « Nous n’avons aucune visibilité de ce nouveau système quant à l’avenir », conclut-il.
Maya Sewnath, secrétaire de la Fédération des PME : «La CSG est un casse-tête pour les PME»
Maya Sewnath, secrétaire de la Fédération des Petites et moyennes entreprises (PME) trouve que cette mesure est une taxe imposée par le gouvernement, contrairement à la contribution à la pension nationale. « Ce nouveau système de cotisations manque de transparence. Dans un contexte économique difficile, l’application de la CSG reste floue et c’est un casse-tête pour des petites et moyennes entreprises », dit-elle. Elle accueille donc favorablement la décision de Business Mauritius de saisir la Cour suprême et la suspension souhaitée pour la mise en application de la CSG. « Cette nouvelle réforme de la pension manque de clarté. À ce jour, l’État n’a pas encore démontré concrètement ses avantages », déplore notre interlocutrice. Elle souhaite savoir comment ce système bénéficiera aux PME. Elle n’écarte pas la possibilité que plusieurs entreprises soient contraintes de fermer leurs portes. « Je me demande si le gouvernement veut réellement promouvoir le secteur des PME ou s’il veut que plusieurs entreprises jettent l’éponge en raison des contraintes, telles que la CSG », s’interroge-t-elle.
Sattar Jackaria, actuaire : «Ce serait bien que la décision de Business Mauritius débouche sur une consultation»
Il semble que la campagne menée par Business Mauritius autour de la Contribution Sociale Généralisée (CSG) n'a pas abouti. Tel est l’avis de l’actuaire Sattar Jackaria. « Business Mauritius souhaite s'asseoir autour d'une table avec les autorités pour trouver une solution concernant la réforme de la pension. De ce fait, si ce recours à la Cour suprême permet de déboucher sur une consultation, ce serait bien », a-t-il ajouté.
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