
La « visite surprise » d’Anil Bachoo au SAJ Hospital a déclenché une vague de réactions. Kesho Gooriah, Chief Soft Skills Officer, décrypte ses publications sur Facebook concernant le personnel soignant.
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Dans son post Facebook, le ministre Bachoo évoque compassion et patriotisme. Il en appelle à la vocation des fonctionnaires. Idéal mobilisateur ou moyen de reporter les dysfonctionnements sur les soignants eux-mêmes ?
En me référant à La roue des émotions, de Robert Plutchik, psychologue américain, on peut interpréter la réaction du ministre comme une escalade émotionnelle : surprise et agacement face aux signalements initiaux, suivis par la colère en constatant que les faits rapportés étaient avérés. Cette montée émotionnelle l’a conduit à exprimer un discours teinté de valeurs mobilisatrices (compassion, patriotisme), mais celles-ci peuvent être perçues comme un écran masquant certaines failles structurelles.
L’appel à la vocation des fonctionnaires reste un levier mobilisateur, mais il comporte le risque de déplacer la responsabilité des dysfonctionnements vers les soignants eux-mêmes.
Dans un contexte de défiance envers l’hôpital, le registre émotionnel (colère, indignation, empathie) renforce-t-il l’efficacité politique ou révèle-t-il une impuissance ?
Deux modèles permettent d’éclairer cette question : la sécurité psychologique des salariés et le modèle SCARF (Statut, Certitude, Autonomie, Relation et Équité). Si ces dimensions ne sont pas présentes dans une organisation, elles peuvent entraîner désengagement, baisse de motivation et comportements défensifs.
Le recours à des émotions fortes comme la colère ou l’indignation peut renforcer temporairement la perception d’efficacité politique, mais cela peut également révéler une certaine impuissance à traiter les causes profondes de la défiance envers l’institution hospitalière.
La « visite surprise » : transparence ou mise en scène ?
Le récit de la « visite surprise » peut être analysé au travers du triangle dramatique (Persécuteur, Victime, Sauveur) : les soignants perçus comme persécuteurs, les patients comme victimes et le ministre en sauveur. Cependant, un leadership moderne gagne à transformer ce triangle en triangle de l’autonomisation : le persécuteur devient « challenger », la victime devient « créateur » et le sauveur devient « coach ». Dans cette logique, la mise en scène pourrait être interprétée comme une dramatisation calculée plutôt qu’une transparence brute.
Opposer majorité dévouée et minorité fautive : un risque pour la cohésion ?
Le recours à la règle des « 97-3 » illustre la situation : 97 % des employés risquent d’être « punis » par des mesures de contrôle imposées en raison des fautes commises par une minorité. L’instauration de monitoring teams peut fragiliser la motivation des équipes engagées.
Le style de gestion adopté ici ressemble à un style compétitif (No Retreat, No Surrender), qui ne correspond plus aux attentes des nouvelles générations en 2025. Une approche de collaboration et de résolution de problèmes (problem solving) serait plus efficace pour renforcer la cohésion et favoriser des solutions durables.
Le recours au « sacrifice personnel » (je travaille jour et nuit) incarne-t-il le dévouement de l’État ou un héroïsme solitaire qui masque les responsabilités collectives ?
Le système hospitalier mauricien, avec ses forces et faiblesses, repose sur une structure collective et des procédures établies. Les ministres disposent d’attachés de presse pour assurer une communication régulière et institutionnelle. Mettre en avant le « sacrifice personnel » peut refléter un héroïsme solitaire qui détourne l’attention des réformes structurelles nécessaires. Dans ce cas précis, le ministre semble avoir exprimé de l’empathie envers lui-même plutôt qu’envers ses équipes et collaborateurs.
Ses posts Facebook : discours politique ou storytelling ?
Les publications sur Facebook, structurées autour d’un récit narratif (urgence, tension, résolution), relèvent davantage du storytelling que du discours politique classique. Le niveau de maturité de la population, accru grâce aux réseaux sociaux et à l’accès à une information en temps réel, fait que les citoyens attendent moins de propagande et davantage d’actions concrètes qui transforment leur quotidien.

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