Il est grand temps de redorer son blason. Alors que le judiciaire est là pour résoudre des différends, il se retrouve lui-même face à des dilemmes qui s’accentuent année après année. On note un manque accru de personnel, l’état déplorable des infrastructures qui abritent les tribunaux, le système de climatisation chaotique, des ascenseurs constamment en panne, entre autres. Le Défi quotidien revient sur ces maux et les solutions proposées.
Personnel : Un manque accru
Juin 2023, c’est la première fois que les « Court Officers », à travers la Court Officers’ Association, disent « haut et fort » qu’ils sont des délaissés et que leur requête pour le recrutement du personnel est restée dans le tiroir. Les plus affectés de cette situation sont les cours de district. Ce problème, malheureusement, date depuis cinq ans et impacte sur leur travail, alors qu’ils jouent un rôle important dans le système d’administration du judiciaire.
Annonce pour des recrutements de personnel
Avril 2023, une annonce avait été faite par la Public Services Commission (PSC) pour recruter du personnel au sein du judiciaire. De plus, la Court Officers’ Association avait fait des représentations, le 13 mars 2023, pour le Pre Budget Consultation and Proposal au « management ». Le 6 juin 2023, l’association avait envoyé une missive à la Master and Registrar de la Cour suprême, Wendy Rengan, pour évoquer ses doléances. Lettre qui avait été aussi expédiée au président de la State and others Employees Federation, Radhakrisna Sadien, et au secrétaire du Public Service, Administrative and Institutional Reforms, Koosiram Conhye.
Vingt-quatre recrus
Le 16 octobre 2023, dix-neuf personnes ont été recrutées. Elles ont été postées dans diverses instances judiciaires. Le 29 novembre 2023, cinq autres personnes ont été embauchées. Sauf que le nombre est jugé insuffisant. Certaines des instances n'ont même pas obtenu de candidats. Lors du Budget 2023/2024, un fonds avait été mis en place pour le recrutement de trente-trois candidats au poste de Court Officer.
Ce qui est proposé…
Selon le secrétaire de la Court Officers’ Association, Vishwavijay Seebhujun, les vingt-quatre « Temporary Court’s Officers » ne vont pas rattraper tout le travail que le judiciaire a accumulé, surtout avec la pandémie de Covid-19. Pour lui, il faut que le judiciaire recrute d’ici 2024 encore trente-quatre personnes pour résoudre ce problème. « Mais, cela dépend de la Public Services Commission (PSC) qui prend trop de temps pour cet exercice qui doit être fait dès le début de 2024. Car, ce manque de personnel perdure depuis cinq ans », soutient le secrétaire de la Court Officers’ Association.
Nos tribunaux : les délaissés…
Des anciens bâtiments datant de l’époque coloniale abritent certains de nos tribunaux depuis plus de quarante ans. Ils sont dans un état piteux, en dépit des réparations.
Ils sont là pour la cause de la justice. À ce jour, Maurice compte plus d’une vingtaine d’instances judiciaires, hormis Rodrigues. Cependant, certains d'entre eux, ne font pas honneur. Car, ils sont dans un état lamentable. Ils sont les tribunaux de Souillac, Curepipe, Flacq, Bambous, Rose-Hill, entre autres.
Deux d'entre eux avaient même fait face à un incendie. Il s'agit du tribunal de Curepipe qui avait été partiellement détruit par le feu, 13 juin 2011, et celui de Souillac, le 11 octobre 2011.
Après l’incendie, un bâtiment provisoire, en bois, a été aménagé pour le tribunal de Souillac. Mais, ce dernier est aussi en mauvais état. Le 31 janvier 2019, il a trouvé refuge dans les locaux de l’ancien Sugar Insurance Fund Board (SIFB) à Souillac. Or, le tribunal de Souillac est doté d’une salle d’audience uniquement. Ceux de Pamplemousses et de Mapou ont été relogés à la route Royale à Mon Goût, alors que les tribunaux de Curepipe et de Flacq, sont restés dans un état piteux en dépit des rénovations.
Lors du Budget 2013/2014, on avait annoncé un fonds de Rs 750 millions pour la rénovation de nos instances judiciaires. Ceux concernés étaient le tribunal de Pamplemousses, Mahébourg, Moka, Mapou et Curepipe. Alors que pour le Budget 2015/2016, la somme de Rs 600 millions avait été proposée pour améliorer les infrastructures qui abritent nos instances.
Dans le Budget 2016/2017, on avait annoncé que les tribunaux situés à Pamplemousses et à Souillac seraient relocalisés au bâtiment SIFB (Sugar Insurance Fund Board). Le bâtiment New Court House qui abrite plusieurs instances judiciaires et qui se situe à Port-Louis, serait rénové. Les tribunaux de Moka, Mahébourg, Rose-Hill et Flacq seraient mis à jour. Pour le Budget 2018/2019, une enveloppe de Rs 49 millions avait été allouée pour améliorer les salles des tribunaux de Pamplemousses, Souillac, Flacq et Rose-Hill. Lors du Budget 2023/2024, on avait évoqué que les anciens locaux de la Cour suprême, situés à la rue Pope Hennessy, à Port-Louis, la New Court House, le tribunal de Flacq, étaient en cours de rénovation.
Ce qui doit être fait….
Pour Vishwavijay Seebhujun, l’état de certaines instances judiciaires laisse à désirer. Ces dernières, dit-il, datent de l’époque coloniale. Pour lui, cela ne fait pas honneur à la profession. « Le judiciaire est là pour que justice soit faite. Or, nos bâtiments ne font pas justice », constate-t-il. Ce dernier souligne qu’il faut innover et rendre accessible nos instances judiciaires.
« Nos bâtiments doivent être aux normes de sécurité et de la santé pour assurer la protection des membres du public, du personnel et des juristes, entre autres. On doit aussi construire d’autres salles d’audience vu le nombre de recrutement de magistrats ces dernières années. De plus, notre personnel ne peut travailler dans ces situations chaotiques. Le judiciaire, est-il l’enfant pauvre du gouvernement ? », s’interroge le secrétaire de la Court Officers’ Association.
Autre constat du Principal Court Officer est qu’il n’y a pas suffisamment de maintenance qui est faite dans les bâtiments hébergeant nos instances judiciaires. De plus, dit-il, certains sont restés en piteux état alors que nous sommes en 2023. Il ajoute que d’autres sont loués et de grosses sommes sont dépensées pour le loyer. Ce qui est un coût pour le judiciaire.
À l’ère de la technologie, il est d’avis que nos instances doivent être modernisées avec un accueil pour canaliser les membres du public et les aider lorsqu’ils se rendent dans un tribunal. Or, c’est uniquement la Cour suprême et le bâtiment qui abrite le tribunal de Pamplemousses et Mapou qui sont dotés de ce système d’accueil.
Ça chauffe à la New Court House
Une véritable fournaise… Il règne une chaleur insupportable à la New Court House, situé à la rue Pope Hennessy, à Port-Louis. Le bâtiment abrite plusieurs instances judiciaires, Notamment le tribunal de Port-Louis, la cour intermédiaire, la cour industrielle, la Financial Crimes Division (FCC) et la Bail and Remand Court (BRC), le bureau des « prosecutors », les officiers de probation et les huissiers, entre autres.
Ce problème ne date pas d’hier. En effet, cela fait plusieurs années que le système de climatisation ne fonctionne plus à la New Court House. En été, les officiers de justice, les membres du public ainsi que les juristes affirment vivre l’enfer.
Le 30 octobre 2023, une pétition signée par les membres du personnel postés dans ces locaux, a été expédiée à la Cheffe juge Bibi Rehana Mungly-Gulbul. Le document qui a aussi été envoyé au directeur de « Health and Safety Division » du ministère de la Fonction publique et des Réformes administratives et institutionnelles, au secrétaire permanent du ministère de Travail et au syndicaliste Radhakrishna Sadien, président de la State and Other Employees Union.
Selon la pétition, la situation est devenue telle qu’elle présente un « grand danger sanitaire ». Les personnes qui travaillent à la New Court House déplorent qu’elles ne peuvent accomplir leurs tâches de manière diligente.
D’autre part, le personnel fait état d’une disposition prévue dans le Budget 2023/2024 pour le remplacement du système de climatisation. Cependant, rien n’a abouti à ce jour. Il souligne qu’il y a uniquement quelques ventilateurs pour certaines salles d’audiences et bureaux. Le Bar Council avait aussi émis, le 18 septembre 2023, un communiqué pour évoquer ce problème.
Une conséquence de ce problème est que certains avocats ont dû demander le renvoi dans leur procès, car ils n’arrivent pas à travailler dans cette situation ou en raison de l’état de santé de leur client. Il nous revient que le cas de la New Court House ne serait pas isolé. Il y a aussi une défaillance du système de climatisation au bâtiment qui abrite les tribunaux Pamplemousses et Mapou, à Mont-Goût.
Quelle est la solution ?
Vishwavijay Seebhujun, le secrétaire de la Court Officers’ Association, explique que cette situation aurait pu être évitée si chacun prenait sa responsabilité. Cela découle du fait que pendant plusieurs années, il n’y a pas eu de maintenance du système de climatisation à la New Court House. Le judiciaire a déjà lancé un exercice d’appel d’offres et d’ici juillet 2024, le problème sera en partie résolue. Il espère qu’une solution à long terme sera implémentée, car, l’été 2024 s’annonce plus rude que celui de 2023.
Ce qu’a dit l’Attorney General, Maneesh Gobin au Parlement
Lors de la séance parlementaire du 21 novembre 2023, l’Attorney General (AG) Maneesh Gobin a répondu à la question du député rouge, Osman Mahomed concernant le système de ventilation à la New Court House. Ce dernier voulait savoir si l’AG a obtenu des informations du bureau du Master and Registrar entourant des plaintes reçues du Bar Council et de la Mauritius Law Society à cet effet.
Osman Mahomed voulait également que l’AG indique si des mesures immédiates ou à long terme sont envisagées concernant cette situation et si une « Health and Safety Assessment » a été effectuée.
Maneesh Gobin a indiqué que, selon les informations obtenues auprès de la Master and Registrar, une inspection a été effectuée par les « Occupational Health and Safety Officers » en compagnie du personnel du judiciaire, les 3, 7 et 8 mars 2023. Un rapport a été soumis.
De plus, a dit l’AG, un contrat d’un montant de Rs 12,9 M a été attribué pour l’installation d’un système de climatisation « Variable Refrigerant Volume (VRV) ». Les travaux ont débuté en juin 2023 et sont actuellement en cours.
Le système de climatisation VRV est destinée à fournir une climatisation supplémentaire dans des différentes zones mal ventilées par rapport au système de climatisation central existant à la New Court House. Ce système fournira la climatisation dans 41 bureaux, des bureaux de magistrat et des salles d’audience. Les travaux sont d’une durée de 14 mois, selon Maneesh Gobin et seront achevés en juillet 2024.
Par ailleurs, souligne l’AG, un autre exercice d’appel d’offres est en cours pour l’installation d’équipements de ventilation supplémentaires pour toutes les salles d’audience à la New Court House. Un exercice d’appel d’offres sera aussi lancé pour la réparation du système de climatisation central de la New Court House. Les appels d’offres seront lancés pour les réparations d’ici décembre 2023, a-t-il répondu.
Maneesh Gobin a dit avoir également été informé par la Master and Registrar que des mesures à long terme sont envisagées. À savoir le remplacement du système de climatisation central actuel par un autre. À cet égard, des « terms of reference » sont en cours de préparation pour la nomination d’un consultant pour la mise en œuvre du projet.
L’ascenseur de la discorde
La nouvelle Cour suprême situé à l’angle des rues Edith Cavell et Desroches, à Port-Louis, a été conçue pour répondre aux exigences d’un système judiciaire moderne que ce soit en termes de qualité et de rapidité.
La construction de ce palais de justice a été entièrement financée par le gouvernement indien au coût de 28 122 millions de dollars américains suite à un protocole d’accord signé en novembre 2016. Cet édifice s’élève sur dix étages et est doté de vingt-quatre salles audience. En sus de deux sous-sols et un rez-de-chaussée. Mais, ce nouveau bâtiment tout neuf aussi n’est pas épargné. Car, souvent, les ascenseurs sont en panne. La contrainte de cette situation est que le personnel, les membres du public, les juristes et les prisonniers se retrouvent alors à utiliser les escaliers pour se rendre dans les différentes salles d’audience. Ce qui a suscité pas mal de grogne.
Hormis la Cour suprême, on constate aussi que la maintenance des ascenseurs au bâtiment de la New Court House accuse du retard. Cet exercice aurait dû être effectué depuis 9 juin 2023…
Proposition
Le secrétaire de la Court Officers’ Association, Vishwavijay Seebhujun, soutient que la maintenance doit se faire régulièrement pour éviter des inconvénients au public comme au personnel.
L’entretien par des professionnels
Les ascenseurs de la Cour suprême sont assez souvent en panne, déstabilisant ainsi le cours des activités du jour. Suite à un incident similaire et des articles parus dans des journaux en février 2022, la compagnie Elevator – Escalator Services Ltd (EES) avait émis un communiqué, mettant les points sur les i. La compagnie, étant le distributeur exclusif des ascenseurs Schindler, qui sont installés à la Cour suprême, avait soutenu que l’origine de ces problèmes ne peut en aucun cas être attribuée à la marque Schindler ou à l’entreprise.
La société avait indiqué que bien que les ascenseurs aient été installés par EES conformément à un accord contractuel entre les parties, l’autre partie n’avait pas signé de contrat de maintenance avec l’EES. En conséquence, l’entretien est effectué par un tiers qui ne détient pas l’autorisation de Schindler pour effectuer des travaux de maintenance sur lesdits ascenseurs et qui ne dispose pas de savoir-faire, d’expertise et d’expérience que possède EES.
Dans une correspondance à la Master and Registrar, le 12 mai 2022, EES avait demandé à la Cour suprême de prendre les mesures nécessaires pour résilier le contrat de maintenance du tiers et de lui attribuer ledit contrat conformément aux normes communes et aux pratiques recommandées.
Le dernier mot…
« Nous souhaitons que des réformes et des suivis soient faits par les autorités concernées afin que nos instances soient modernisées et accessibles à tous. Il faut que le judiciaire projette une bonne image et soit efficace. Comme dit Le dicton, « justice delayed is justice denied ». De plus, récemment nous avons eu une réunion positive avec la Master and Registrar de la Cour suprême, Wendy Rengan et le Deputy Master and Registrar, Raj Seebaluck. Nous espérons que nos doléances seront désormais prises en compte et ne seront pas mises dans le tiroir », soutient Vishwavijay Seebhujun.
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