Interview

Jocelyn Kwok, Chief Executive Officer de l’AHRIM : «La collaboration entre partenaires du tourisme a rarement été aussi forte»

CEO de l’Association des hôteliers et restaurateurs de l’Île Maurice, Jocelyn Kwok passe en revue la saison touristique 2016. Le fruit d’un travail bien coordonné entre les divers acteurs de l’industrie. Des appréhensions subsistent pour la seconde moitié de la haute saison, dit-il.

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Comment se présente la première partie de la haute saison ? Quels facteurs y ont contribué ?
Nous connaissons, en ce moment, une très belle période. Le présent trimestre bat tous les records : octobre avec 19,6 % de croissance, puis novembre avec 9 %. Cela nous donne un élan qui perdurera en décembre. Nous espérons que 2016 atteindra, comme en 2015, un taux de croissance des arrivées touristiques à deux chiffres.

Le premier trimestre 2017 ne pourra se comparer, mois par mois, à 2016, car la fête de Pâques sera célébrée au mois d’avril comparé à mars, l’an dernier.

Dans l’ensemble, les niveaux de réservation dans les hôtels mesurés début décembre sont les mêmes qu’en 2016. Le phénomène de réservation tardive s’amplifie d’année en année et le rattrapage est attendu.

Parmi les facteurs les plus cités, nous relevons l’intérêt grandissant de l’aérien pour la destination Maurice. Nos efforts de marketing et de communication ont payé, car l’aérien, de manière générale, confirme ces investissements dans de nouveaux vols, après une étude minutieuse de la rentabilité, de la compétitivité et du coût d’opportunité pour les avions. Cet accroissement du service aérien sur Maurice, avec l’arrivée de nouvelles dessertes, apporte des résultats éloquents. Aujourd’hui, avec 9,5 % de sièges supplémentaires, tous nos principaux marchés sont en croissance, sauf la Chine et la Russie. La diversification des marchés avec TUI, Thomson, Turkish Airlines, Austrian Airlines, Eurowings, Edelweiss, Air Asia, et Air Mauritius est une réussite, tout comme la consolidation par les transporteurs établis :  Emirates, Condor et Air Mauritius.

Maurice a bénéficié de son image de destination sûre, en ces moments d’insécurité dans d’autres grands pays touristiques. Un prix du baril plus faible et des monnaies européenne et britannique affaiblies par rapport au dollar américain ont aussi rendu la destination plus compétitive. Cette accessibilité prix accrue attire forcément de nouveaux segments de voyageurs ; la croissance de 40 % du marché allemand en 2016 s’explique beaucoup par ce phénomène.
Il faut, bien sûr, rendre hommage aux autorités du tourisme et à tous les partenaires de l’industrie. Notre collaboration a rarement été aussi forte et engagée envers nos objectifs communs.

Y a-t-il des appréhensions par rapport à la seconde moitié de la haute saison en termes de réservation ? 
Oui. Il y a toujours des appréhensions par rapport à la performance économique de nos divers marchés sources. Et il semblerait que la parité dollar - euro n’est plus qu’une question de temps. Le Brexit entamera une phase cruciale durant le premier semestre 2017 et suscite également son lot d’incertitudes. Bien entendu, nous restons attentifs au prix du baril ainsi qu’aux diverses échéances électorales de 2017 en Europe. Tout dernièrement, on évoquait les nouvelles difficultés de l’aérien à travers le monde ; ce phénomène nous interpelle également.

«Le phénomène de réservation tardive s’amplifie d’année en année et le rattrapage est attendu».

2016 a été marquée par le Brexit. Quel a été l’impact au niveau des recettes ?
Il y a eu effectivement une dépréciation de la livre sterling d’environ 16 % qui nous affecte. Les touristes britanniques pèsent pour 12 % de nos arrivées et 14 % de nos recettes, car ils dépensent plus que la moyenne. Au niveau national, avec la bonne performance de l’ensemble et la croissance du marché anglais (9 % à ce jour), l’impact sera à peine perceptible. Mais au niveau des établissements individuels, l’impact sera terrible. Pour certains, la proportion de la clientèle britannique représente jusqu’à 50 %.

Quelles sont les mesures prises pour contenir ces vents venant de le Grande-Bretagne ?
Curieusement, la demande pour la destination Maurice reste forte parmi les voyageurs anglais. Tant mieux pour les opérateurs qui ont les moyens de parier sur une reprise rapide de l’économie anglaise et de sa monnaie. Cela dit, la diversification mesurée de nos marchés sera poursuivie afin de mieux répartir les risques et acquérir davantage de marchés libellés en dollar. Certains gros opérateurs peuvent recourir à du hedging sur la devise, voire emprunter en livres sterling pour financer leurs opérations sur le marché anglais. Mais le défi reste majeur.

Statistics Mauritius prévoit une nouvelle année record pour le secteur. Êtes-vous confiant que ces projections seront atteintes ?
Oui, et il se pourrait même que les projections pour 2016 soient dépassées.

Au vu des arrivées, Maurice est-il une destination haut de gamme ou bien jouons-nous plus sur une logique de volume pour générer plus de revenus ?
Il revient aux décideurs de faire des affirmations à ce sujet. Le terme haut de gamme n’est peut-être plus d’actualité et peut faire sourire. En fait, l’éloignement de Maurice rend son billet d’avion plus cher. Ce qui exclut automatiquement les voyageurs ne souhaitant pas dépenser autant pour le seul voyage. Cet aspect ne va pas changer et le profil du voyageur évolue, devient multiple. Dorénavant, le voyage devient plus attrayant, plus prioritaire et son accessibilité-prix augmente grâce à une conjugaison de facteurs – concurrence faisant chuter les prix des billets, l’avènement des hubs aériens, ou la désintermédiation apportée par la technologie. Quasiment tous les profils socio-économiques se retrouvent à Maurice et ce phénomène est convergent avec l’offre que nous avons développée en tant que destination touristique. Le pays compte 1 100 maisons d’hôte et résidences touristiques avec 7 600 chambres, plus de 700 restaurants indépendants, 90 agences de location de voitures, et 360 tour-opérateurs. Il y en a pour tout le monde et c’est tant mieux pour la population.

Cela dit, il faut réguler et surveiller davantage l’ensemble des opérateurs, car tout manquement dans le secteur aura un impact négatif et direct sur la destination. C’est une excellente chose que les revenus touristiques soient en hausse, mais il est tout à fait normal que la recette touristique unitaire, mesurée par la dépense par touriste par nuitée, soit en baisse. Ce que confirme la récente étude de Statistics Mauritius, qui cite une dépense unitaire de Rs 4 154 en 2015 contre Rs 4 647 en 2013.

Bien entendu, il faut s’attendre au fil du temps à une sophistication de ces nouveaux voyageurs sur Maurice lors de leurs visites successives.

Le moratoire de deux ans contre la construction de nouveaux hôtels tire à sa fin. Y-a-t-il de la place pour de nouveaux établissements alors que le taux d’occupation est inférieur à 80 % ?
Il faut comprendre que Maurice a deux saisons. L’écart de fréquentation entre ces deux saisons demeure très élevé. En 2016, nous avons accueilli un nombre impressionnant de touristes supplémentaires durant la saison hivernale, mais la saison haute en été reste une période exceptionnelle. Dans l’état actuel, il est mathématiquement impossible de dépasser la barre des 80 % de taux d’occupation des chambres sur une année calendaire.  En 2007, année record pour le tourisme et pour l’hôtellerie, le taux final atteignait 76 %. Cette année, nous terminerons à 73 % environ.

La problématique de manque de chambres d’hôtel à certaines dates précises de la saison haute est bien réelle, tout comme le taux d’occupation du deuxième trimestre qui ne dépasse pas les 63 %. La construction de nouveaux hôtels tiendra compte de ce facteur de saisonnalité.

 

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