Il était chanteur et… braqueur au bon cœur, dit-il. Libéré de prison depuis trois semaines, Jean Uranie, 65 ans et artiste populaire dans les années’ 80 pour ses ségas, nous conte ses hauts et ses bas.
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« Désormais, je vais braquer le cœur de mes fans grâce à un nouvel album », lance avec une grosse pointe d’humour Jean Tallat. Plus connu sous son nom d’artiste comme Jean Uranie, il a bien voulu revenir sur son parcours. Père de huit enfants et de six petits-enfants, le chanteur n’a pas toujours été un enfant de chœur.
Jean Uranie, qui habite Roche-Bois, est né sur l’archipel des Chagos. « J’avais sept ans quand ma mère, mes deux frères et moi avons été déracinés de notre terre natale. Nous nous sommes alors réfugiés à Maurice. » La vie dans un nouvel environnement n’est pas un long fleuve tranquille. Ils vivent dans la misère noire et Jean ne va pas à l’école. Très jeune, il commence à travailler avec son frère. Ils font des petits boulots : « enflé camion » et serveur de restaurant, entre autres.
« Malgré cela, on ne parvenait pas à joindre les deux bouts. » Pour mettre un peu de beurre sur la tartine, Jean vole ici et là. C’est le début de ses démêlés avec la justice. Jean n’a que 15 ans lorsqu’il se retrouve en prison pour la première fois. « Wi, mo ti kokin pou kapav aste inpe manze pou mo fami ek mwa, pou teign nou lafin, avoue Jean, me mo pa ti fime ni bwar, mo ti kontan fer spor. »
Justicier
Il se réfugie souvent dans la musique en composant des ségas dont un en hommage à son île intitulée ‘Diego nous la terre’. Ayant retrouvé la liberté, Jean se met à la boxe pendant sept ans et participe dans plusieurs tournois. Devenu un dur à cuire, il joue aux gros bras voire au justicier du quartier. « Kot ena problem, mo sey al rezoud, zame mo ti kontan dominer ek linzistis, confie-t-il. J’ai fait l’impossible pour aider les gens et j’ai volé pour acheter à manger à ceux qui avaient faim. » Jusqu’à repartir plusieurs fois en prison… Sa réputation lui colle à la peau. À chaque braquage dans n’importe quel coin de l’île et malgré des alibis en béton, dit-il, il est interpellé et interrogé par la police.
Le 11 mars 2017, il retrouve la liberté après avoir purgé une peine de trois ans et demi pour le braquage d’une bijouterie. Le 23 mars 2017, il est poursuivi pour une affaire de braquage à la SBM de Bambous en Cour intermédiaire mais la charge est rayée. « J’avais été accusé à tort en raison de fausses allégations, explique Jean. Je suis soulagé et maintenant j’espère vivre en paix. J’ai la conscience tranquille. J’ai payé ma dette plus qu’il n’en faut envers la société. Prizon se le pase. Azordi se le prezan e biento piblik pou retrouv Jean Uranie kouma zot ti konn li avan : kouma enn santer sega. »
En effet, pendant une trentaine d’années et malgré ses séjours à l’ombre, Jean Uranie a connu le succès avec ses compositions dont Jalsa Jeunesse, Angeline Angela, Beauté la vie, Diego, entre autres. D’ailleurs depuis sa sortie de prison, il prépare déjà son nouvel album où il y aura un morceau sur la prison. « Mo mesaz se ki ena ki port zot zizman lor lezot, apre zot zwin dan prizon e osi lor la sosyete ki nek kritike lebra krwaze alor ki zot kapav servi zot lintelizans pou ed dimounn. Dan prizon, lwin ek lamour ou fami ek telman privasyon, souvan de fwa, de fam ou de zom tom amoure. Dan prizon ou rant san vis e ou sort ek vis ki pena tournnvis. »
Cependant, ajoute Jean Uranie, tout dépend de la volonté de l’individu. « Certains entrent à la prison comme des illettrés et en ressortent avec des diplômes ou de bons métiers, affirme-t-il. Se pou sa ki mo anvi partaz mo lexperians, pou ki bann zenes reflesi byen, pa mars dan move simin, pa fer betiz pou zot pa al fer prizon. »
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