L’observateur Jean Claude de l’Estrac avait écrit que les crispations, les tensions, les agitations claniques qu’on a connues ont incité de nombreux Mauriciens à douter de la solidité du pacte national. « Il en est ainsi à chaque fois que les conflits nés de différences culturelles s’expriment au grand jour. Pourtant, l'expression libre de ces divergences (en dépit de quelques outrances), le souci partagé de les gérer avec circonspection, la volonté affirmée par les protagonistes de privilégier la voie consensuelle illustrent bien la vitalité du vouloir vivre-ensemble mauricien. La nation mauricienne est infiniment plus moderne et cohérente qu'on veut bien le reconnaître », estime ce dernier. A noter que ces réflexions datent de quelques années. Pour lui, parler de la nation, c'est d'abord comprendre qu'elle est faite de l'agglomération de gens et d'intérêts divers. « C'est un lieu disparate où s'affrontent des idées contradictoires et des thèses opposées. Nulle part n'existe cette nation mythique qui aurait résolu les confits éternels entre groupes ethniques, classes sociales ou communautés religieuses. La nation existe bel et bien, en revanche, quand les convergences et les filiations dominent les différences. C'est le cas à Maurice », met-il en lumière.
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Selon lui, la nation mauricienne repose sur trois piliers unanimement reconnus : d'abord sur le plan politique, l'exigence démocratique, le libre droit d'expression à tous les Mauriciens quelle que soit la marginalité des opinions, un droit d'expression assorti d'une grande tolérance (trop grande ?) à l'égard de tous, y compris des plus méprisables, ensuite la transparence de fonctionnement des institutions qui garantissent l'unité et la cohésion du corps social, une transparence pas toujours naturelle, mais toujours accessible, enfin, l’intégration systémique des traditions culturelles diverses. « Ce sont là les principes qui fondent les nations modernes. Dans beaucoup de pays, l'on découvre ou redécouvre maintenant l'une ou l'autre de ces vertus nationales. Depuis des lustres, nous les pratiquons. Elles sont le socle de notre nation, mais nous restons persuadés que l'expression de nos différences, en particulier ethniques, démontre la faiblesse de notre sentiment national. C'est le malentendu qu'il convient d'exorciser », avait-il souligné dans un livre.
Jean Claude de l’Estrac poursuit que « les Mauriciens ne sont pas moins Mauriciens parce qu'ils revendiquent des différences ». « On constate aujourd'hui que les revendications identitaires et leur prise en charge ne constituent en aucune manière un affaiblissement de l'idée de la nation, vécue comme le sentiment d'appartenance à un groupe national qui se détermine par rapport aux groupes étrangers et qui transcende les clivages internes », affirme-t-il.
Cette conception est éclairante. A la question: « Qu'est-ce qu'une Nation», dans une conférence tenue le 11 mars 1882, devenue célèbre, l'historien Ernest Renan expliquait : « Le culte des ancêtres est de tous le plus légitime, les ancêtres nous ont faits ce que nous sommes... Avoir des gloires communes dans le passé, une volonté commune dans le présent; avoir fait de grandes choses ensemble, vouloir en faire encore, voilà les conditions essentielles pour être un peuple. » Qui dira qu'il ne voit pas là le peuple mauricien?
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