Jean-Claude de L’Estrac : «Depuis le début, je suis en faveur de l’obligation de vaccination pour tous»

Pour l’ancien ministre, Jean-Claude de L’Estrac il est tout simplement inadmissible que certains employés refusent toujours de se faire vacciner, car cela peut sérieusement compromettre le fonctionnement de toute une entreprise.

Vous avez quelques semaines de cela (dans une interview accordée au journal Mauritius Times) affirmé que la communication sur la pandémie de la Covid-19 est terriblement anxiogène et paralysante avec les statistiques quotidiennes. Toutefois, à Maurice, la communication du gouvernement sur cette pandémie fait l’objet de bien de critiques. La qualifieriez-vous de déficiente ?
Elle l’est, mais reconnaissons que le gouvernement a des circonstances atténuantes : d’une part, l’évolution de l’épidémie est imprévisible, de l’autre, l’indiscipline des Mauriciens et l’insouciance des antivaccins compliquent la situation. La communication devient une épreuve d’équilibriste sur une corde raide. Le gouvernement doit rester transparent, mais sans affoler inutilement la population. Je continue à penser que les chiffres vraiment parlants ne sont pas les cas de contaminés, mais le nombre de malades sous respiration artificielle. C’est d’autant plus pertinent que pour le moment, on ne voit pas une stricte corrélation entre contaminés et malades.

Le pays a enregistré 1 000 cas lors de ces deux derniers mois et il n’y a pas eu de confinement. Est-ce qu’il est en train de s’adapter à cette nouvelle normalité selon vous ?
Nécessité fait loi ! Les infectiologues sont catégoriques : le virus et ses divers variants sont là pour durer, comme tant d’autres virus qui circulent. Quand on pense que celui de la grippe continue à tuer des milliers de personnes dans le monde. Des vagues d’infection sont à craindre à chaque fois que la circulation des personnes augmente tant que l’immunité collective ne sera pas atteinte.

Oui, il faut s’adapter et surtout se préparer. Pour l’instant, nous avons très peu d’informations sur l’état de préparation de nos services hospitaliers.

La dépréciation continue de la roupie est susceptible de provoquer une inflation qui va pousser les Mauriciens à la misère»

Il semble en revanche avoir plus d’inquiétude concernant les cas positifs qui ont été enregistrés dans les écoles avec un appel urgent pour revoir le protocole sanitaire. Quel est votre constat de la gestion de la Covid par la ministre de l’Éducation ?
J’imagine que la gestion de la Covid, y compris dans les écoles, doit rester la prérogative du ministère de la Santé. Il ne peut exister de protocoles à la carte. Au moment où nous sommes en train d’ouvrir graduellement nos frontières, il importe plus que jamais de renfoncer les protocoles sanitaires qui ont fait leurs preuves partout où les mêmes causes pourraient produire les mêmes effets.

Malgré la politique de vaccination qui semble devenir presque obligatoire dans plusieurs lieux de travail, on continue d’enregistrer de nombreux cas, avec pour résultats que certains se retrouvent dans l’obligation de fermer leurs portes. Ne sommes-nous pas en train de nous diriger vers une crise de productivité ?
Oui, une crise auto-infligée ! Moi, depuis le début, je suis en faveur de l’obligation de vaccination pour tous. Dans une société organisée, il est inadmissible que des insensés prennent en otage les citoyens responsables. Il est maintenant établi que la vaccination est le meilleur moyen de nous protéger, que les cas de complication dus aux vaccins sont rarissimes et que l’immunité collective est notre meilleur bouclier. Dès lors, une politique sanitaire nationale responsable devrait placer l’intérêt général avant les revendications de liberté individuelle.

La dépréciation de la roupie a, selon beaucoup d’observateurs sociaux, provoqué un grand malaise social. Est-ce un phénomène qui sera appelé à prendre plus d’ampleur dans les mois à venir, notamment avec la crainte de plusieurs compagnies suite à  l’arrêt prochain du paiement du « Wage Assistance Scheme » en septembre ?
C’est clair, la dépréciation continue de la roupie est susceptible de provoquer une inflation qui va pousser les Mauriciens à la misère. Les premiers effets sont déjà dévastateurs. C’est ce qui sera la première cause du malaise social. La fin du Wage Assistance Scheme est naturellement une cause aggravante. Notre planche de salut réside dans le retour des touristes avec leurs devises et un regain d’intérêt des investisseurs étrangers, encore que certaines initiatives gouvernementales ces derniers temps ont été de nature à les faire fuir plutôt.

Dans une société organisée, il est inadmissible que des insensés prennent en otage les citoyens responsables»

Le Premier ministre est venu annoncer le décaissement de Rs 500 millions de subsides pour financer certains produits alimentaires de base. Cela sera-t-il suffisant pour permettre aux foyers de tenir le coup en attendant les jours meilleurs ?
Même si la mesure est jugée utile pour soulager tant soit peu les consommateurs affectés par les augmentations inévitables des prix, je pense qu’elle est à long terme totalement improductive parce qu’elle envoie un très mauvais signal :  elle fait croire aux citoyens lambdas que le gouvernement a effectivement le pouvoir de contrôler et de faire baisser les prix. Le gouvernement s’expose ainsi à des revendications sans fin qu’il ne pourra jamais satisfaire totalement.

Maurice a finalement rouvert ses frontières. Est-ce que cet exercice en vue d’attirer 325 000 touristes en fin d’année a bien été préparé, que ce soit par le secteur privé et par le gouvernement selon vous ?
Ouf ! C’est le seul « silver lining » de notre horizon encore terriblement nuageux. On a le sentiment que cette réouverture a été effectivement bien préparée grâce notamment à une bonne coordination avec le secteur privé.

J’ai vu, à ce sujet, une excellente prestation du Premier ministre adjoint et ministre du Tourisme sur CNN. Pour le coup, je me suis dit que le Premier ministre sera mieux avisé de relever Steven Obeegadoo de tout autre engagement ministériel pour lui permettre de se focaliser sur la relance de l’industrie touristique pendant les prochains mois. Son intelligence et ses talents langagiers que les Mauriciens ridiculisent sont des atouts à mettre à profit sur les chaînes de télévision et de radio dans nos marchés émetteurs. C’est infiniment plus efficace qu’un panneau publicitaire dans un stade de foot. Mais cela implique de se déplacer parfois, se mettre à disposition et se construire un réseau. Cela s’est déjà fait avec grand succès dans d’autres secteurs avec le soutien, je m’en souviens, d’un cabinet de consultants à Paris. Mais il faudrait un investissement de tous les instants.