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Jocelyn Chan Low, politologue : «Les deux leaders ont une culture  politique différente»

Pour Jocelyn Chan Low, les dés sont jetés. Tous veulent éviter la cassure. Mais, après un colmatage, la fissure finit par céder. C’est l’opinion du politologue sur le mano à mano entre les deux leaders de l’Alliance du Changement, qui ont joué à la roulette russe.

Avec deux capitaines à bord, les torts sont-ils partagés par rapport à la crise actuelle ?
Techniquement, il ne devrait jamais y avoir deux capitaines à bord d’un navire qui tangue. Dans notre système politique, c’est le Premier ministre qui a tous les pouvoirs. L’Alliance du Changement compte 35 élus du PTr et le MMM en compte 19. Depuis 1983, on a constaté que c’est le PM qui dicte les jeux. Le MMM est un « junior partner », et son leader est sans portefeuille ministériel.

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On a deux hommes, deux façons d’agir... 
Paul Bérenger a été ex-Premier ministre et a sa manière de diriger. Il est méticuleux. Il y a des amis ministres qui m’ont dit que quand ils viennent au Cabinet présidé par un Premier ministre, en la personne de Paul Bérenger, il ne faut pas rater une virgule dans les Cabinet Papers. C’est tout dire de la personne du leader du MMM.

La population cherche des résultats après une année au pouvoir de l’Alliance du Changement. C’est d’aiileurs un des différents...
Paul Bérenger est un perfectionniste, sans compter son caractère trempé. Il veut des résultats, pas de « cata-cata », pas de demi-mesure. Cette posture a posé des problèmes en 1996/97 au sein de l’Alliance PTr-MMM. À cette époque, Navin Ramgoolam n’avait jamais été ministre ; il était novice dans les affaires de l’État. Contrairement à Paul Bérenger, qui a connu et vécu les réunions du Cabinet, et il était impatient de faire bouger des dossiers. Le leader des Rouges temporise, celui des Mauves passe à l’action rapidement.

Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ne feraient-ils jamais la paire, politiquement parlant ?
Ces deux leaders politiques sont incompatibles. Ils auraient beau essayer, mais cela ne collerait jamais, car ce sont deux personnes à l’extrême opposé.

En 2024, s’agissait-il d’une alliance de circonstance ou d’une manière pour deux vétérans de la politique de conclure leur carrière sur une note honorable ?
Cette alliance a été dure à former, durant différentes rencontres. Paul Bérenger ne voulait pas de Navin Ramgoolam au sein de cette formation à multiples têtes. Il y a eu l’Alliance de l’Espoir afin de mieux négocier avec les Rouges.

Vous disiez que ces deux têtes fortes que sont Navin Ramgoolam et Paul Bérenger ne peuvent s’entendre, pourtant ils l’ont fait en novembre 2024 et cela paraissait comme une symbiose, un mariage parfait…
Chacun a son caractère, sa façon d’agir et aussi de diriger. Il y a incompatibilité entre eux, cela ne colle pas et ne le sera jamais entre ces deux leaders qui ont une culture politique différente. Tout les oppose. Mais le MMM veut exister, même en tant que Junior Partner. 

En tant que Junior Partner, le MMM peut-il s’arroger le droit de taper sur la table pour faire avancer ses idées ou doit-il plutôt faire preuve de retenue et composer avec la situation ?
Le MMM peut taper sur la table, mais Paul Bérenger sait fort bien qu’il va y laisser des plumes, et pas que…

Pourquoi et comment ?
Navin Ramgoolam, en sa posture de Premier ministre, sait qu’il a tous les pouvoirs : de nommer, d’accepter, de rejeter et surtout de révoquer. Le leader du PTr ne cédera pas aux exigences du MMM. Il va atténuer, temporiser, laisser jouer le temps, qui est en sa faveur. Navin Ramgoolam sait qu’il a toutes les cartes en main, il laisse filer…

Où va-t-on ? Directement dans le mur ?
Il n’y a pas mille solutions : soit le MMM claque la porte et Navin Ramgoolam continue à gouverner avec une majorité confortable, avec l’apport de quatre élus de Rodrigues, trois de Rezistans ek Alternativ et deux du tandem Khushal Lobine et Richard Duval ; soit les Mauves rentrent dans les rangs. Le MMM sait que s’il quitte le gouvernement, le parti y laissera des plumes politiques. La base du MMM s’est effritée et ne veut plus entendre parler d’être dans l’Opposition, après 20 ans de disette.

Quand vous dites que le MMM se meurt, ne serait-ce pas s’avancer trop rapidement ?
Le danger pour le MMM demeure les partis extra-parlementaires qui représentent une vraie menace. Voyez les résultats récents, que ce soit pour les dernières législatives ou les municipales. Il est vrai que la base du MMM est solide, mais elle devient friable et vieille. Un exemple : aux circonscriptions nos 4, 19 et 20, le MMM a dû batailler dur, contrairement à ce que le scénario était il y a une vingtaine d’années.

Des réformes attendues. La pression populaire monte. Le pays ne peut pas se permettre  une instabilité politique... 
Le MMM est conscient de tout ce qui se passe dans la société civile et aussi au niveau des syndicats. Avec des mesures d’austérité, qui paie cash ? Le PTr ? Non. Le MMM ? Oui, et le MMM laisse des plumes.

Paul Bérenger n’aime pas l’impopularité, surtout au sein d’une majorité gouvernementale. Ce, au nom de ses militants et de ses convictions personnelles et politiques. Le leader du MMM aime mettre son nez partout, et cela dérange…

L’observateur politique, Harish Chundunsing l’a dit sur les ondes de Radio Plus, jeudi : le PTr a bénéficié des votes du MMM…
Les partisans des deux partis ont voté bloc. Chacun a apporté son bloc à l’édifice de l’Alliance du Changement vers une victoire de 60-0.

Justement, avec ce 3e 60-0, tout peut se faire, comme amender la Constitution pour une réforme électorale tant voulue par le MMM mais pas au goût d’autres partis, dont le PTr…

Notre système électoral est injuste, car il ne favorise pas un juste équilibre. C’est pour cela qu’il faut une réforme de ce système.

Si le MMM reste au gouvernement, malgré tout, c’est que Paul Bérenger veut une réforme de notre système électoral. Pour cela, il faut une majorité de trois quarts, actuellement faisable. Mais, avec une cassure, la réforme serait aux oubliettes.

Est-ce que l’introduction d’une dose de proportionnelle et une réforme électorale voudraient dire que tout changerait en termes de représentativité au Parlement ?
Cette réforme électorale ne plaît pas à tous. Certains y voient un avantage, d’autres le contraire. Attendons de voir.

La sérénité a été retrouvée à la dernière minute jeudi des deux côtés. Qui a joué au sapeur-pompier ?
On a entendu Ajay Gunness, mercredi après le BP, dire que tout va dans le meilleur des mondes. Mais jusqu’à quand ?

Il y a eu un tête-à-tête « positif »  entre Navin Ramgoolam et Paul Bérenger, jeudi au PMO, pour sauver l’alliance gouvernementale...
Si le MMM choisit la voie de l’Opposition, son leader va devoir faire une croix sur la réforme électorale. Le Premier ministre détient tous les pouvoirs ; il demeure le seul capitaine à bord du gouvernement. Il faut reconnaître que Paul Bérenger a raison sur ses prises de position. Mais, si on n’est pas d’accord, « on se tait et on prend la porte ». Les diverses sorties publiques de Paul Bérenger contre le gouvernement auquel il appartient n’ont pas fait que des heureux. Paul Bérenger a créé un malaise au sein du gouvernement.

Il y a eu un publication vidéo de Joanna Bérenger vantant son bilan. Serait-elle le prochain leader du MMM ?
On a entendu plusieurs fois que le successeur de Paul Bérenger serait sa fille, Joanna. Cela est resté au niveau verbal et non officiel, et cette perception va perdurer jusqu’à ce qu’elle ne devienne une réalité, s’il en est. Les militants vont-ils avaliser ou pas, c’est une question interne au MMM.

Est-ce que les militants vont accepter une autre dynastie politique ? 
Ce patronyme, Joanna Bérenger le porte avec hargne et fierté. Elle bénéficiera aussi de la base militante, qui est avant tout bérengiste. Qui d’autre ferait mieux que Joanna Bérenger à la tête du MMM ? Citez-moi un seul nom. 

Il faut voir comment les choses vont évoluer. Les militants choisiront la voie à suivre, car ils sont disciplinés dans leur sang et feront le choix nécessaire avec leur… cœur.

 

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