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Intestin bourré de drogue : le pari risqué des «bouletteux»

En avalant la drogue, les mules mettent leur vie en danger. Le passeur sud-africain Jan Du Toit a succombé à une overdose à l’hôpital Jawaharlal Nehru, le jeudi 6 juin.

Pour ne pas être repérés dans les zones de contrôle, les passeurs recourent à l’ingestion de drogues pour franchir les frontières. Mais la rupture d’une ou de plusieurs boulettes peut s’avérer mortelle. Ce jeudi, un passeur sud-africain transportant de l’héroïne estimée à environ Rs 18 millions a succombé à une overdose.

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Chaque mission est un pari avec la mort. Chaque frontière franchie est un coup de dés, où la santé n’est qu’une mise négligeable face à l’appât du gain. Dans une course effrénée vers des profits astronomiques, les barons de la drogue, dénués de tout scrupule, recrutent des mules téméraires, prêtes à jouer les kamikazes en avalant les stupéfiants. À ce jeu de roulette russe, l’issue est parfois fatale. 

Cela a notamment été le cas pour un passeur sud-africain, qui transportait environ 80 boulettes d’héroïne d’une valeur de Rs 18 millions sur le sol mauricien. Chaque « ovule » contenait environ 10 grammes d’héroïne. Il est décédé, jeudi, d’une overdose.

L’ingestion des drogues n’est pas sans risque, confirme une source médicale. « Lorsque cette drogue se répand dans l’intestin grêle, elle est absorbée dans sa paroi puis circule dans le sang comme lors d’une prise classique de drogue. Mais le problème, c’est le risque de surdosage si la quantité de produit est importante. Le transporteur s’expose à une overdose », explique-t-elle. 

Des sources proches de la police et de la brigade antidrogue abondent dans le même sens. Elles soulignent que lors de la fissure d’une des boulettes, dès qu’un dixième de cette drogue se retrouve dans le sang, c’est l’overdose. « Il y a une accélération des battements cardiaques qui provoque finalement un arrêt cardiaque. Avec la présence de drogue, les artères sont détruites, provoquant des troubles cérébraux, pouvant entraîner la mort. Toutefois, si la mule est prise en charge dans un bref délai suivant l’éclatement d’un ovule, elle peut survivre », font-elles comprendre.

Dans la majorité des cas, les boulettes sont remplies avec une dizaine de grammes de drogue et l’emballage se fait soigneusement avec du plastique fin. La fabrication des boulettes se fait de manière professionnelle, prenant en considération la capacité de la mule à les avaler. « Le trafiquant juge combien de boulettes et combien de grammes faire avaler », indiquent nos sources. D’ailleurs, la manière et les techniques pour permettre d’avaler une certaine quantité de boulettes de drogue se font sous la supervision des trafiquants de drogue. 

Combien de temps une mule prend-elle pour avaler la drogue ? Selon nos sources, les mules professionnelles prennent environ un jour pour avaler les boulettes de drogue avant de prendre l’avion, tandis qu’une mule amateur peut prendre jusqu’à deux jours pour avaler la même quantité de boulettes. 

Qu’est-ce qui explique que les passeurs acceptent de mettre ainsi en jeu leur vie ? Souvent contre une rémunération d’argent, le passeur, qui est en difficultés financières ou a surtout des dettes non payées, est approché par des membres des réseaux de trafiquants de drogue, avancent nos sources. Ces derniers lui proposent de gagner « gros » en devenant une mule, précisent-elles.

Ce risque s’est avéré fatal pour le passeur sud-africain Jan Du Toit, âgé de 35 ans. Ce soudeur issu de Brakpan, Johannesburg, avait embarqué de l’aéroport de Johannesburg à destination de Plaisance avec des boulettes d’héroïne dans son estomac. Mais une fois à sa descente d’avion dans la soirée du mardi 4 juin, il a été encerclé par des douaniers de la Customs Anti-Narcotics Section et des agents de l’Anti-Drug & Smuggling Unit (Adsu), les vols en provenance d’Afrique du Sud étant, en effet, considérés comme étant à haut risque, plusieurs passagers et ressortissants sud-africains ayant été arrêtés pour importation de drogue ces derniers temps. 

Jan Du Toit a été soumis à un interrogatoire par les douaniers. Ses bagages ont également été examinés, mais rien de compromettant n’a été découvert. Comme il peinait à convaincre les douaniers et policiers du motif réel de son voyage à Maurice, il a été soumis à un scanner corporel. Les images étaient sans appel : des corps étrangers, que les douaniers suspectaient fortement d’être des stupéfiants, ont été découverts dans son intestin. Soumis à un interrogatoire par les hommes du chef inspecteur Goinden, il a rapidement craqué et admis avoir ingéré environ 80 boulettes de drogue. 

Le Sud-Africain a immédiatement été évacué vers l’hôpital Jawaharlal Nehru de Rose-Belle, entre mercredi et jeudi, la mission principale des médecins étant d’évacuer les boulettes dans son intestin. Si 26 boulettes ont été purgées, l’une des boulettes d’héroïne d’une forte pureté s’est déchirée dans son ventre, provoquant le décès de la mule sur son lit d’hôpital, ce jeudi 6 juin.

Au fil des années, des cas similaires de mules décédées par overdose se sont produits. En mars 2020, un passeur malgache, Andriatoky Barisoa, avait pu déjouer la douane à son arrivée à Maurice. Mais par la suite, il a été retrouvé mort dans sa chambre d’hôtel. Son cadavre a été transporté à l’hôpital, où le personnel soignant a découvert 24 boulettes d’héroïne dans son intestin.

Quelques années plus tôt, en juillet 2011, le corps en état de décomposition d’un autre ressortissant malgache, Mohamed Houssen, a été découvert dans un appartement à Grand-Baie. L’autopsie pratiquée a révélé qu’une des boulettes d’héroïne qu’il avait ingérées avait explosé dans son intestin.

En août 2009, à l’aéroport Sir Seewoosagur Ramgoolam, Plaisance, le passeur sud-africain Johannes Jacobus Petrus Viljoen a eu plus de chance. Pris d’un malaise peu de temps avant de prendre son vol retour vers l’Afrique du Sud, il a été transporté à l’hôpital, où le personnel soignant a découvert qu’un ovule de drogue s’était rompu dans son système digestif. 

Une fois que son état de santé s’est amélioré, le passeur a révélé que sa mission à Maurice était de livrer environ 60 boulettes d’héroïne à celui qui était réputé comme étant « le Roi du Sud », Anil Gooransing, un ancien sergent de police. Ce dernier est décédé en 2012, alors qu’il purgeait une peine d’emprisonnement pour une affaire de drogue.

 

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