En décidant vendredi d’amender les ‘Workers’ Rights (Prescribed Period) Regulations 2020’, le Conseil des ministres permet d’enlever une épée de Damoclès d’au-dessus de la tête des salariés.
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Alors que dans son état actuel, les entreprises allaient pouvoir commencer à limoger du personnel à partir du 31 décembre pour des raisons économiques, les amendements étendent cette interdiction jusqu’au 30 juin de l’année prochaine.
Pour une durée de six mois supplémentaires, les employeurs ne pourront « réduire le nombre de travailleurs qu’ils emploient, que ce soit de manière temporaire ou permanente ».
La première interdiction était déjà en vigueur depuis le 1er juin. Le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, avait introduit ce règlement le 14 août dernier avec effet rétroactif. Mais, comment cette mesure est-elle accueillie dans les différents milieux concernés ?
Kevin Ramkaloan, CEO de Business Mauritius : « Cette mesure risque de réduire les capacités à garder le cap »
Business Mauritius a effectué une étude en fin d’année 2020 en collaboration avec Statistics Mauritius et l’UNDP. L’étude sur l’année financière 2020-2021 révèle que plus de 40 % des entreprises sondées prévoient des chutes de chiffres d’affaires de 40 %, voire plus. Selon Kevin Ramkaloan, dans un contexte aussi difficile, « cette mesure risque de réduire les aptitudes et les capacités à garder le cap et se réinventer ». Le CEO de Business Mauritius dit espérer qu’il y aura des réunions avec les autorités et ministères concernés pour discuter et trouver des pistes de solutions.
Lilowtee Rajmun-Joosery, directrice générale de la Mauritius Export Association (MEXA) : « Il faudra consulter les membres »
Il est important de faire une prévision en se basant sur la situation actuelle. Lilowtee Rajmun-Joosery estime qu’il lui « faudra consulter les membres » de la MEXA avant de pouvoir se prononcer sur cette mesure gouvernementale.
Takesh Luckho, économiste : « Des entreprises risquent de se retrouver en eaux troubles »
Renouveler l’interdiction de limoger de six mois est « socialement quelque chose de très positif, qui vient protéger les plus vulnérables et qui a un sens », estime l’économiste indépendant Takesh Luckho. Car, avec le Covid-19, le pays enregistre une contraction économique « sans précédent » de 14,4 %. Les compagnies qui veulent passer par une restructuration en limogeant du personnel devront trouver d’autres options pour contenir les coûts. « Des entreprises peuvent se retrouver en eaux troubles. Ne pas pouvoir limoger quand les commandes ont tombé est un problème, mais ils vont devoir trouver d’autres moyens afin de pouvoir revoir leur mode d’opération », conclut-il.
Reaz Chuttoo, dirigeant syndical : « Nous sommes plus que satisfaits »
« La décision d’étendre de six mois l’interdiction de limoger du personnel est une excellente chose. Nous sommes plus que satisfaits », avance Reaz Chutoo, porte-parole de la Confédération des travailleurs du secteur privé (CTSP).
Il reconnaît qu’il y a un ralentissement économique qui amène une récession, mais « nous, notre économie n’est pas en faillite ».
Le fait d’étendre cette interdiction, qui devait prendre fin en décembre, jusqu’à fin juin de l’année prochaine « évite une crise sociale ».
Mais, fait-il ressortir, une entreprise peut, en se plaçant sous administration volontaire, limoger du personnel. « Certains vont essayer de profiter de cela », craint Reaz Chutoo. Toutefois, ajoute le syndicaliste, « se placer sous administration volontaire est un couteau à double tranchant, car on perd la confiance de ses partenaires et l’image de marque de l’entreprise attrape un sale coup ».
Amar Deerpalsing, président de la Fédération des Petites et moyennes entreprises (PME) : « L’ombre du ‘receivership’ plane sur le secteur »
Les PME, soit les plus gros employeurs du secteur privé avec plus de 100 000 opérateurs, se retrouvent en difficulté. Amar Deerpalsing explique que la quasi-totalité des PME sont en difficulté. Le Wage Assistance Scheme (WAS) permet d’amortir une partie des coûts d’une entreprise, explique Amar Deerpalsing. Il affirme que les PME croulent sous les dettes, les factures, la location, les frais d’entretien, entre autres : « Les PME cumulent des charges financières sans générer de revenus… L’ombre du receivership plane sur le secteur. » Il ajoute que cette mesure rendra difficiles les opérations. Amar Deerpalsing est d’accord avec le gouvernement sur le fait qu’il faut préserver l’emploi, mais il ajoute qu’une entreprise a une limite de tolérance d’absorption des coûts. « Le gouvernement fait croire que la situation s’améliorera en 2021… Il ne faut pas se voiler la face, car les experts prévoient le pire en 2021. » Il explique que les entreprises liées au secteur du tourisme sont proches de la fermeture. Et d’ajouter qu’il faut se rendre compte que les employés de ces entreprises consomment moins et que cela affecte indirectement d’autres opérateurs : « Il faut nous donner des chiffres, car à voir la tendance, c’est clair que l’économie ira plus mal en 2021. »
En outre, l’interdiction du plastique concerne une industrie avec plus de 3 000 emplois et une exportation d’environ Rs 2 milliards par année. Selon Amar Deerpalsing, il faut craindre le pire et des fermetures. Il demande des solutions pour tenir le coup, qui viendraient avec les mesures annoncées.
Soodesh Callichurn : « Les directeurs qui font fi de la loi seront poursuivis »
Le ministre du Travail, Soodesh Callichurn, a été invité à intervenir sur la décision du Conseil des ministres du vendredi 18 décembre, axée sur l’interdiction de limoger les employés jusqu’au 30 juin 2021. Décision a ainsi été prise pour amender les Workers’ Rights (Presribed Period) Regulations 2020, ayant pour objectif de ne pas permettre aux employeurs de réduire le nombre de salariés, de manière temporaire ou permanente, jusqu’au 30 juin prochain.
« Toutes les entreprises bénéficiant du Wage Assistance Scheme (WAS) ou d’une aide auprès des institutions financières, n’avaient pas le droit de licencier leurs employés. La date butoir était fixée au 31 décembre 2020, mais a été étendue jusqu’au 30 juin 2021, suite à une décision du Conseil des ministres. D », rappelle le ministre du Travail.
Soodesh Callichurn précise que les autorités agiront envers les compagnies qui transgressent les règlements. « Les directeurs des compagnies qui font fi de la loi seront poursuivis. Le gouvernement est très à cheval sur cette mesure. Une entreprise n’a pas le droit de percevoir d’aide financière pour ensuite procéder au licenciement de ses salariés », fait ressortir Soodesh Callichurn.
Pour rappel, l’interdiction de ne pas limoger les salariés était en vigueur depuis la période de confinement, mais devait prendre fin le 31 décembre 2020. Le gouvernement répond ainsi aux appréhensions que de nombreuses compagnies procèdent au limogeage de leur effectif à partir du 1er janvier 2021.
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