Plusieurs mairies et conseils de district ont été rappelés à l’ordre par la Land Drainage Authority. Laxisme, manque de main-d’œuvre qualifiée et employés débordés… Certaines collectivités locales semblent de plus en plus dépassées par la gestion des rivières et des drains.
La construction et l’entretien des drains sont devenus un enjeu national. Depuis 2013, année où les inondations ont fait 11 morts, le sujet fait l’objet de nombreux débats. D’un côté, le gouvernement assure faire tout son possible pour construire un maximum de drains afin d’atténuer les effets liés au changement climatique. De l’autre, l’opposition, mais aussi beaucoup de citoyens, avancent que les diverses autorités sont coupées de la réalité, car au final, à chaque pluie torrentielle, c’est plus ou moins le même résultat, avec des maisons sous les eaux aux quatre coins du pays.
Jeudi en conférence de presse, le ministre des Infrastructures nationales, Bobby Hurreeram, qui a notamment à sa charge la construction et la responsabilité de l’entretien des drains, a indiqué que 420 kilomètres de drains et 33 rivières ont été nettoyés depuis l’année dernière. Il n’empêche que plusieurs collectivités locales n’arrivent pas à suivre le pas pour l’entretien des drains.
Une centaine de rappels à l’ordre
La décision du gouvernement, en 2022, d’accorder plus de pouvoir à la Land Drainage Authority (LDA), pour qu’elle soit en mesure de rappeler à l’ordre les collectivités locales concernant l’entretien des drains, illustre bien le laxisme des municipalités et conseils de district à ce niveau. En effet, malgré les diverses actions entreprises par le ministère des Infrastructures nationales pour la construction de drains plus modernes afin de mieux faire face aux inondations, force est de constater que la gestion et la maintenance des drains à travers le pays ne sont pas proprement assurées par les autorités telles que les collectivités locales ou la Road Development Authority (RDA).
« Le pays n’aurait pas été autant exposé à des montées des eaux extrêmes si les autorités responsables de la supervision des drains faisaient correctement leur travail », nous confie une source autorisée au ministère des Infrastructures nationales. Le ministre Hurreeram a révélé jeudi que la LDA a adressé sept rappels à l’ordre aux collectivités locales pour le seul mois de décembre 2022. Avant cela, apprend-on, pas moins d’une centaine de rappels à l’ordre avaient été envoyés à diverses autorités concernant l’état des drains et seulement 10 % d’entre elles avaient fait le nécessaire pour procéder à la réhabilitation de ces canalisations en piteux état.
420 kilomètres de drains et 33 rivières ont été nettoyés depuis l’année dernière"
15 travailleurs pour 24 villages
La région sud-est, qui comprend à elle seule une dizaine de zones à haut risque d’inondation, est confrontée à de gros problèmes d’entretien des drains. C’est le président du conseil de district de Grand-Port, Rajeev Kumar Jangi, lui-même, qui en fait état. « En ce qui nous concerne, le nettoyage des drains se fait à deux niveaux. Il y a d’abord une compagnie qui a la responsabilité pour les drains qui sont couverts de béton. Deuxièmement, nos propres employés s’assurent de l’entretien des drains ouverts. Le souci se pose au niveau de nos propres employés. Nous sommes en sous-effectif depuis pas mal de temps. Nous n’avons que 15 travailleurs et ils doivent aussi faire des travaux de maçonnerie et de réparation. Nos demandes auprès du gouvernement et du ministère des Collectivités locales pour avoir plus d’employés ont été vaines », explique Rajeev Kumar Jangi, qui souligne que le conseil de district s’occupe de 24 villages.
Situation tout autant compliquée à Port-Louis. Malgré les millions de roupies dépensés depuis les inondations meurtrières de 2013, les accumulations d’eau font toujours beaucoup de dégâts. Mahmad Kodabaccus, conseiller de l’arrondissement n° 3, avance que le problème des drains dans la capitale se pose à deux niveaux. « Il y a en premier lieu la manière dont sont maintenant construits les drains. Pratiquement toutes les nouvelles constructions sont des drains couverts de béton. Or, quand les drains sont recouverts, il n’y a aucune visibilité pour connaître leur état », fait-il remarquer. Il plaide ainsi pour la construction de drains ouverts.
Un recrutement qui laisse à désirer
Le second problème évoqué par le conseiller port-louisien porte sur l’effectif chargé d’assurer l’entretien des drains. « Depuis quelque temps, il y a une nouvelle politique de recrutement. Auparavant, on recrutait des personnes spécialisées pour des tâches spécifiques mais aujourd’hui, on se contente de recruter des ‘general workers’ qui s’occupent de plusieurs travaux dans la même journée, y compris le nettoyage des drains, alors que vu le contexte actuel, l’entretien des drains mériterait un département à part entière », estime Mahmad Kodabaccus.
Résultat des courses : la mairie de Port-Louis, selon le conseiller, est de plus en plus déconnectée de la situation des drains et des rivières. « L’année dernière, j’ai moi-même dû interpeller le lord maire au sujet d’une rivière à Cassis qui avait été obstruée par des déchets et des arbres. La mairie n’était pas au courant. Je suis convaincu que d’autres cours d’eau et drains sont complètement à l’abandon, faute d’entretien », ajoute Mahmad Kodabaccus,
Du côté de la municipalité de Beau-Bassin/Rose-Hill, on se veut plus rassurant. Toute une structure a été mise en place afin d’éviter des situations catastrophiques, nous dit le maire, David Utile. « Nous avons par exemple mis en place un ‘chart’ qui nous permet de bien surveiller l’état des drains et un suivi rigoureux se fait avec le contracteur. Nous ne nous contentons pas de payer le contracteur. Nous faisons une inspection et nous évaluons la qualité de son travail avant de passer à la caisse ».
Des habitants de différentes régions ont le sentiment que leurs doléances concernant l’état des drains ne sont pas prises en considération. C’est le cas, notamment, à Coromandel. Depuis septembre dernier, des résidents de la localité disent avoir signalé en vain l’état déplorable d’une rivière au niveau de l’avenue Mandarine. « Ce n’est qu’après avoir confronté l’adjoint au maire à la radio lors d’une émission qu’on nous a promis d’intervenir. Mais cela démontre à quel point les mairies sont de plus en plus dépassées par l’entretien des rivières et des drains », déplore Virginie Gaulette, une habitante de Coromandel.
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