Le gouvernement n’a pas fait machine arrière sur la majoration du Solidarity Levy, mais les conditions sont quelque peu assouplies. Ainsi, les résidents étrangers seront concernés par cette mesure. Et en termes de taxation, le montant total d’impôts à payer ne devra pas dépasser les 25 %. Des détails que Renganaden Padayachy a dévoilés lors de son Summing-up du Budget mardi.
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3 000 personnes concernées
Le Solidarity Levy concernera quelque 3 000 individus à très hauts revenus à Maurice. Ils représentent environ 0,2 % de la population. « 99,8 % de la population ne sont pas impactés par cette mesure », a précisé le ministre Renganaden Padayachy lors de son Summing-up.
Les résidents étrangers passeront aussi à la caisse
Que la majoration du Solidarity Levy, qui passe de 5 % à 25 %, ne concerne que les Mauriciens avait fait couler beaucoup d’encre. Plusieurs observateurs y voyaient là une forme de discrimination entre les Mauriciens qui devaient payer plus de taxes et les résidents étrangers qui n’étaient pas touchés par cette mesure. Renganaden Payadachy a donné ainsi « plus de détails pour dissiper toute confusion ». « Le Solidarity Levy est payable par un particulier résident mauricien et résident étranger, sur les revenus imposables supérieurs à Rs 3 millions par an », a-t-il précisé.
Un plafonnement de 25 % sur la taxe totale à payer
Le Solidarity Levy est au taux de 25 % et est plafonné à 10 % du revenu net plus les dividendes d’un contribuable, soit 10 % du « leviable income *», a indiqué le ministre des Finances. En d’autres mots, a-t-il souligné, aucun individu à Maurice ne paiera pas plus de 25 % d’impôt sur son revenu total. « Et cela, quel que soit son revenu ! Son taux d’imposition effectif sera toujours forcément en deçà de 25 % », ajoute-t-il. Il a donné deux exemples chiffrés.
Profil | Montant de revenu net annuel | Montant additionnel qu’il devra payer par mois | Taux d’imposition avant la majoration du Solidarity Levy | Taux d’imposition après la majoration du Solidarity Levy | Hausse enregistrée | |
Exemple I | Individu sans personne à charge | Rs 3,4 millions par an | Rs 1 269 | 13,6 % | 14,1 % | 0,5 % |
Exemple II | Individu sans personne à charge | Rs 13 millions par an | Rs 64 000 | 18,2 % | 24,6 % | 6% |
*Le revenu sujet à imposition et prélèvements, le « leviable income », d’un particulier est la somme du revenu net et des dividendes, moins le montant d’exemption de revenu qui dépend du nombre de personnes à charge. |
Renganaden Padayachy : « Ce n’est pas un régime fiscal punitif »
Renganaden Padayachy persiste et signe. Le Solidarity Levy est, fait-il ressortir, un appel à la solidarité et à la participation des plus aisés au développement économique et à la réduction des inégalités. « Cette solidarité fiscale est essentielle et est le fondement de la justice sociale que nous portons avec tant de conviction », a-t-il déclaré à l’Assemblée.
Pour le ministre des Finances, le taux imposable est nettement inférieur comparé à d’autres pays. « En Inde, le taux marginal d’imposition maximal sur les revenus est de 30 %. En Australie et au Royaume-Uni, il est de 45 % et enfin au Danemark, il est même de 56 %. Les récentes études économiques empiriques avancent que le taux d’imposition maximal optimal à long terme se situe entre 22 % et 49 %. Avec un taux d’imposition sur les revenus maximal de 25 %, Maurice est loin d’assigner ses contribuables à un régime fiscal dur et punitif », a-t-il insisté.
Renganaden Padayachy n’a pas manqué d’égratigner le leader de l’Opposition au passage. « Il prétend que le Solidarity Levy est « injuste pour les contribuables » et que les hauts revenus ont des droits. Les plus vulnérables, les sans voix, ont, eux aussi des droits. L’injustice, ce serait de décréter que, peu importe que vous gagniez peu ou plus, vous serez imposables aux mêmes conditions », a-t-il martelé. Et d’enfoncer le clou en ajoutant : « si un prélèvement en deçà de 25 % du revenu total d’un individu à très, très, hauts revenus est considéré comme injuste pour certains, de l’autre côté de l’Assemblée, nous, nous sommes, de ce côté, fiers et confiants que ce prélèvement nous permettra de réduire encore davantage le creuset d’inégalités ».
Il a aussi invité l’Opposition à se « pencher sans plus tarder » sur les écrits de quatre Prix Nobel d’économie, à savoir Paul Krugman, Peter Diamond, Thomas Deaton et Joseph Stiglitz, qui se rejoignent sur le sujet de la taxation des hauts revenus. « Les impôts sur les riches et les super-riches, qui épargnent une grande partie de leurs revenus, ont le moins d’effet négatif sur la demande globale. Ainsi, augmenter la progressivité du système fiscal non seulement améliore la distribution des revenus - […] - mais stimule également l’économie », a-t-il ajouté en citant les propos de Joseph Stiglitz.
Réactions
Anthony Leung Shing, Country Senior Partner chez PwC : « Une bonne chose qu’il n’y ait plus de discrimination »
« En incluant les étrangers dans le régime, on vient résoudre cette partie de discrimination. Ce qui est une bonne chose », commente Anthony Leung Shing, Country Senior Partner chez PwC. Il trouve aussi que le fait que la totalité de taxes que devra payer un high income earner ne va pas dépasser un plafond de 25 % est « mieux » que les 43 % que la personne aurait dû payer. « Il me faudra voir les détails avant de commenter davantage dessus », a-t-il ajouté.
John Chung, Managing Partner chez KPMG : « Des changements qui sont les bienvenus »
Les précisions qu’apporte le ministre des Finances sur le Solidarity Levy rejoignent ce que les professionnels avaient demandé, estime John Chung, Managing Partner chez KPMG. « D’une part, la taxe totale à payer n’est plus aussi élevée et, de l’autre, les Mauriciens ne sont pas discriminés par rapport aux étrangers. Ces changements sont les bienvenus », explique notre interlocuteur. S’agissant du fait qu’il n’y ait pas de précision sur la durée de la mesure, John Chung avance : « le ministre semble avoir laissé la porte ouverte sur cette question car personne ne sait jusqu’à quand la crise va durer ».
Pramode Jaddoo, économiste : « Le Solidarity Levy reste toujours une contradiction »
L’économiste Pramode Jaddoo est catégorique. « Le Solidarity Levy est une contradiction », soutient-il. En payant plus de taxes, poursuit-il, les hauts revenus auront moins de moyens pour investir et relancer les entreprises. Autre « contradiction », selon Pramode Jaddoo, le fait que les résidents étrangers devront eux aussi payer plus de taxes sous le Solidarity Levy. « Qui voudra investir à Maurice quand il peut le faire à Dubaï à 0 % et à Singapour à 10 %. Cette mesure est et reste une contradiction », martèle l’économiste.
Voici les discours du «summing up» du ministre des Finances :
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