
«Trop souvent, on juge celui qui souffre. D’autres choisissent de détourner le regard… » À 17 ans, Élodie (prénom d’emprunt) a tenté l’irréparable. D’autres, plus jeunes encore, dès l’âge de 12-13 ans, passent à l’acte. D’ailleurs, selon une étude récemment rendue publique, le suicide est la troisième cause de mortalité chez les jeunes de 15-24 ans. Face à cette épidémie silencieuse, des héros ordinaires brisent le tabou de la souffrance, un témoignage à la fois.
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Pendant des décennies, le sujet était passé sous silence. Dans les familles, une honte. Dans les écoles, un incident à dissimuler. Dans la société, une affaire privée. « Or, derrière chaque drame, il y a des signaux, des appels à l’aide qui n’ont pas été entendus », alertent les spécialistes.
Pourtant, des lueurs d’espoir percent l’obscurité. Dans une salle modeste, Julien, ancien enseignant, anime des groupes d’écoute qui sauvent des vies. « Nous ne sommes pas des médecins. Nous offrons une salle, quelques chaises et beaucoup d’écoute. Cela suffit parfois à sauver une vie. » Son témoignage bouleverse : « J’ai vu des adolescents qui n’avaient jamais parlé de leur souffrance éclater en sanglots en prononçant seulement quelques mots. » Ces moments d’une intensité rare prouvent qu’il ne faut pas des solutions miracles, mais simplement « un lieu où la douleur peut s’exprimer sans crainte ».
Derrière ces initiatives se cachent des histoires de renaissance. Élodie, aujourd’hui âgée de 24 ans, se souvient de ses 17 ans comme « d’une période d’ombre totale ». Victime de harcèlement scolaire, elle a tenté de mettre fin à ses jours. Sa tentative a échoué, et sa renaissance a commencé dans un groupe de parole. « Le bullying détruit silencieusement et laisse des cicatrices profondes. J’ai pu m’en sortir grâce à quelques personnes qui m’ont encouragée à parler », confie-t-elle. « Aujourd’hui, je suis mariée et mère de deux enfants. Pour la première fois, je revis. »
Ces témoignages de renaissance transforment la douleur en espoir. Leena (prénom d’emprunt), 36 ans, sauvée in extremis par son frère, parcourt aujourd’hui les collèges pour témoigner. « Le jour où j’ai dit ce que j’avais vécu, j’ai senti qu’un poids énorme disparaissait. Pour la première fois, des personnes m’écoutaient sans me juger. »
Sa motivation ? « Si un seul élève décide de chercher de l’aide après m’avoir entendue, alors ma souffrance n’aura pas été vaine. » Chaque fois qu’un jeune s’approche timidement après son témoignage pour lui dire « merci », elle trouve un sens nouveau à son histoire.
Vikram (prénom d’emprunt), 32 ans, écrasé par les dettes et la pression familiale, a également survécu à sa tentative. Mais la honte l’avait enfermé dans le silence pendant des mois. Sa libération est venue par l’écoute d’autres témoignages : « J’ai compris que je n’étais pas seul et que je n’étais pas fou. »
Aujourd’hui bénévole dans le social, il « tend la main à ceux qui souffrent aussi en silence ». Son message est clair : « Je ne suis pas un modèle, mais je peux être un appui pour ceux qui se trouvent encore au bord du vide. »
Ces initiatives modestes mais vitales prouvent qu’il n’est « pas nécessaire d’attendre que la crise explose pour agir ». Une classe, une cour de quartier, un café ou même un simple groupe WhatsApp peuvent devenir des espaces de prévention, « à condition qu’ils autorisent la parole ».
Julien l’affirme sans détour : « Les jeunes qui viennent repartent avec la conviction qu’ils ne sont pas seuls. L’écoute agit comme une bouée. Elle donne un appui, une chance, un espoir. Être à l’écoute peut sauver une vie. »
Ces héros ordinaires ne prétendent pas « régler tous les problèmes ». Ils n’éliminent ni les pressions économiques, ni le cyberharcèlement, ni les tensions familiales. Mais ils « ouvrent une porte » et prouvent qu’une société peut « inventer des espaces adaptés à sa culture et à ses besoins ».
À Maurice, cette lutte contre le suicide reste fragile, mais elle avance. Chaque podcast, chaque atelier, chaque témoignage ajoute une pierre à un édifice encore instable mais nécessaire. Le rajeunissement dramatique du phénomène doit être vu comme « une alerte, mais aussi comme une opportunité de repenser la prévention ».
Une certitude demeure au cœur de cette bataille silencieuse : « Écouter, c’est déjà agir. Ouvrir un espace de parole, c’est déjà sauver une vie. » Les survivants comme Élodie, Leena et Vikram en sont la preuve vivante. Après avoir été entendus, ils trouvent la force de se relever et de tendre la main à d’autres. « Briser le silence ne supprime pas la douleur. Mais cela ouvre un chemin vers la guérison. »
Et peut-être qu’un jour, ce chemin sera suffisamment large pour empêcher que d’autres, et même des enfants de 13 ans, ne tombent dans l’ombre.

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