Hausse des prix des carburants mercredi : le coût de la vie impacté

Les nouveaux prix des carburants ont immédiatement ajouté un poids supplémentaire dans le budget des ménages. Par effet d’entraînement, cette hausse devrait aussi se répercuter sur le coût de la vie en général dès le début de l’année.

La prévision de Statistics Mauritius d’un taux d’inflation de 4 % pour 2021 pourrait être revue à la hausse. Cela alors que le prix de l’essence à la pompe a bondi de 9,96 %, passant de Rs 50,70 à Rs 55,75 le litre. Idem pour le diesel dont le litre monte en flèche de 9,92 % (de Rs 37,30 à Rs 41). L’économiste Eric Ng explique que cette augmentation devra être prise en compte dans l’indice des prix du mois de décembre. Toutefois, précise-t-il, l’impact sur le taux d’inflation dépendra du poids des prix des carburants dans le calcul. Cela dit, le taux d’inflation sera supérieur dès début 2022 : « La hausse du coût de l’essence et du diesel provoquera un effet cascade sur les prix de divers produits en janvier et février. Cela influencera effectivement le taux d’inflation. » 

Le chiffre de 4 % d’inflation pour cette année faisait déjà débat. La réalité serait tout autre, selon Vinaye Ancharaz. L’économiste fait observer que la population a déjà subi une importante augmentation du coût de la vie et que la hausse des prix des carburants va encore accentuer le problème : « Cette hausse d’environ 10 % aura un effet direct sur les coûts de distribution et de transport qui influenceront négativement le prix final des produits et services. » 

Interrogé sur la décision du Petroleum Pricing Committee de réviser les prix des carburants dans la conjoncture actuelle, Rajiv Servansingh, directeur général de la State Trading Corporation (STC), répond que ce choix s’imposait. « La dernière hausse remonte à avril 2021, suivie du montant additionnel de Rs 2 pour l’achat de vaccins. Nous avons acheté le pétrole à 875 dollars la tonne en août dernier. Toutefois, nous avons utilisé toutes les ressources pour ne pas augmenter le prix de vente à Maurice », indique-t-il. Le directeur de l’organisme fait comprendre qu’aujourd’hui, la STC ne peut plus subventionner le carburant à la même hauteur, en raison du prix qu’il a atteint. 

Moment inopportun

Pour Vinaye Ancharaz, les nouveaux prix de l’essence et du diesel à la pompe interviennent à un moment inopportun. Il estime que la compensation salariale de 2022 (Rs 500 pour les salaires inférieurs à Rs 13 000 et Rs 400 au-delà) n’est pas suffisante. « Une personne qui utilise Rs 4 000 d’essence par mois devra débourser Rs 400 de plus. Ce qui représente le montant de la compensation salariale », souligne l’économiste. 

Taxer le carburant n’est pas une pratique qui est propre à Maurice. Plusieurs pays, notamment en Europe, y ont recours pour encourager les automobilistes à se tourner vers des alternatives plus écologiques pour leurs déplacements, comme les transports en commun. Cependant, Vinaye Ancharaz rappelle que, chez nous, le métro ne dessert qu’une partie de l’île.      

En 2022, le pouvoir d’achat devrait encore un prendre un coup, déplore Suttyhudeo Tengur. Le président de l’Association pour la protection de l’environnement et des consommateurs (APEC) qualifie d’« inhumaine » la révision des prix des carburants. « Cette surtaxation de l’essence et du diesel fait du tort à l’ensemble de la population. C’est une punition politique, car le gouvernement reprend de la main gauche ce qu’il a donné de la main droite », dit-il. Au regard de cette « décision irréfléchie », Suttyhudeo Tengur estime que l’État ne comprend pas la souffrance du peuple. 

RÉACTIONS

Xavier-Luc Duval, leader de l’opposition : « Les taxes cumulées s’élèvent à Rs 26  »

Un gouvernement compétent et responsable devrait s’atteler à éliminer le gaspillage et à réduire le train de vie de l’État, selon Xavier-Luc Duval. Commentant la hausse des prix des carburants, le leader de l’opposition estime que « ce gouvernement n’a aucun droit moral d’imposer de telles augmentations », alors qu’environ 100 000 Mauriciens seraient au chômage, total ou partiel.

Xavier-Luc Duval détaille les chiffres : le prix du litre d’essence importé coûte Rs 25 et les automobilistes devront le payer Rs 55,75 parce que les taxes cumulées s’élèvent à Rs 26. « Cela s’ajoute aux nombreuses nouvelles taxes de l’ère Padayachy », fait ressortir le leader de l’opposition. Il soutient que c’est le résultat d’une « politique basée sur le gaspillage, l’incompétence et le népotisme » et d’un « projet économique basé sur la dévaluation de la roupie ». 

Reza Uteem, président du MMM : « La conséquence directe de la décision de déprécier la roupie »

Pour le député d’opposition Reza Uteem, l’argument du cours du baril de pétrole sur le marché mondial pour justifier la hausse locale des prix des carburants ne passe pas. Dans le passé, rappelle-t-il, le baril était à 124 dollars. À ce moment-là, le carburant à Maurice n’était pas aussi cher qu’il l’est aujourd’hui. Selon le président du Mouvement militant mauricien (MMM), la raison principale qui a dicté la décision du Petroleum Pricing Committee est la dépréciation de la roupie mauricienne face au dollar. 

« Le gouvernement a dévalisé la Banque de Maurice qui, de son côté, a injecté des milliards de roupies pour financer le déficit budgétaire et la Mauritius Investment Corporation. L’augmentation des prix des carburants est la conséquence directe de la décision du gouvernement de déprécier la roupie », explique-t-il. 

Est-ce une taxe de plus imposée au contribuable ? Affirmatif, répond Reza Uteem. Or, l’argent récolté sous forme de taxes par le gouvernement ne serait pas utilisé comme celui-ci l’annonce. « Rs 4 avaient été ajoutées sur chaque litre d’essence pour financer des changements de tuyaux dans le pays, mais sans suite. À cela s’ajoute la récente taxe de Rs 2 pour l’achat de vaccins contre la Covid-19, alors que Maurice obtient des vaccins gratuitement », développe le président du MMM.  Reza Uteem déplore aussi que cette augmentation intervienne dans un contexte où la population subit les répercussions de la pandémie et où l’économie va mal. 

Nando Bodha, leader du Rassemblement mauricien : « Le mécanisme de fixation des prix doit être revu »

La hausse des prix des carburants ne sera pas sans conséquence sur le coût de la vie, prévient Nando Bodha. De mars à décembre 2021, rappelle-t-il, le prix du litre d’essence a grimpé de 27 %. Sans oublier qu’une taxe de Rs 2 a été imposée aux automobilistes pour l’achat de vaccins. Selon le leader du Rassemblement Mauricien, cela a permis à l’État d’obtenir des centaines de millions de roupies. Or, il estime qu’un gouvernement soucieux de sa population ne devrait pas alourdir son fardeau, surtout en cette période difficile engendrée par la pandémie. D’autant plus que l’effet d’entraînement sur l’ensemble des prix se fera lourdement sentir dans les jours à venir. Ainsi, Nando Bodha suggère au gouvernement de « revoir tout le mécanisme de fixation des prix des carburants ainsi que sa politique monétaire pour que le consommateur paie les carburants en fonction du prix du pétrole sur le marché ».