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Bérenger esquisse les engagements d’un «nouveau départ»

Face à la presse, ce samedi, le Premier ministre adjoint a défendu la continuité du MMM au gouvernement.

« La crise aura eu son bon côté », affirme Paul Bérenger, qui transforme les récentes frictions au sein du gouvernement en tremplin pour un « nouveau départ », avec la réforme électorale en fer de lance.

Lors d’une conférence de presse à son bureau à l’Hôtel du gouvernement, samedi, le Premier ministre adjoint et leader du MMM a tenu à clarifier sa position et celle de son parti face aux tensions récentes au sein de l’Alliance du Changement. Au-delà d’un bilan de la première année de coalition, il a esquissé des engagements concrets pour un « nouveau départ ».

Paul Bérenger a ouvert sa conférence en rectifiant les rumeurs. « Contrairement à ce qui a été dit, la décision de rester au gouvernement n’est pas une décision personnelle. Ce que j’ai recommandé au comité central, qui s’est réuni juste avant (NdlR, lundi 17 novembre), c’est qu’on reste au gouvernement après que j’ai eu deux rencontres avec Navin Ramgoolam, le 15 novembre et le 17 novembre », a-t-il expliqué. C’est à la lumière de ces entretiens que le comité central a validé cette orientation, marquant une relance de l’alliance.

Aux questions des journalistes, Paul Bérenger a précisé sa position personnelle : « Je ne demandais pas que le MMM quitte le gouvernement. Ma décision portait uniquement sur mon rôle en tant que Premier ministre adjoint. C’est moi qui devais décider si je me retirais ou non, et ensuite, le parti prendrait la sienne. »

Le leader du MMM a salué les acquis de la première année au pouvoir, depuis les élections de fin 2024. « Le plus grand accomplissement de l’Alliance du Changement a été de mettre fin au règne du MSM. En dix ans, ils ont fait beaucoup de tort au pays », a-t-il affirmé.

Parmi les progrès : une restauration de la démocratie sans crainte, une liberté d’informer accrue à la Mauritius Broadcasting Corporation (MBC) et dans la presse, une réorganisation de la police, et un recul net de la corruption. « Il y a encore de la corruption, mais elle a fortement reculé. C’est un monde de différence par rapport à ce que c’était sous le MSM », a-t-il ajouté.

Sur le plan économique, l’alliance a évité un « downgrading » par Moody’s, malgré la « dette colossale et mortelle » héritée. « Je suis très fier de ce qu’on a pu accomplir », a-t-il conclu, tout en admettant des « désaccords » et des « mécontentements » dus à des lenteurs et à de mauvaises nominations.

Cette crise interne, qualifiée de « traversée » avec un « bon côté pour l’avenir », s’appuie sur des engagements mutuels entre PTr et MMM. « Finalement, de part et d’autre, on a pris des engagements, que ce soit du côté PTr et MMM, Navin Ramgoolam et moi, qui m’ont fait changer d’avis », a précisé Paul Bérenger. Il espère que « chacun respecte ses engagements », insistant : « J’espère que ce moment [de retrait] ne viendra jamais. »

Paul Bérenger appelle à une coordination accrue entre Navin Ramgoolam et lui. « Je souhaite qu’on se voie lundi ou mercredi et je vais redire ce que j’ai déjà dit : c’est nécessaire qu’il y a une réunion régulière entre partenaires de l’alliance, le PTr, le MMM, Rezistans ek Alternativ et Nouveaux Démocrates. » 

« Il est évident que Navin Ramgoolam et moi partageons la volonté de faire avancer les choses efficacement. J’ai moi-même pris des engagements, et il y a des points à corriger et à améliorer, tant au niveau personnel que pour nos partis », a-t-il poursuivi. « Nous nous engageons à tout mettre en œuvre pour que ces engagements soient respectés. Il est crucial que chacun tienne ses promesses, des deux côtés. »

Réforme électorale : une priorité urgente

Conformément aux attentes, la réforme électorale a occupé une place centrale, présentée comme le premier engagement. « On va l’amener le plus vite possible, c’est-à-dire en quelques mois. On va séparer cette réforme des réformes constitutionnelles qui viendront aussi, mais là, le plus urgent, c’est la réforme électorale », a annoncé le no 2 du gouvernement.

Les mesures phares incluent l’abolition de l’obligation pour les candidats de décliner leur communauté d’origine et l’injection d’une « bonne dose de proportionnelle » avec vingt députés supplémentaires, en sus de ceux élus par le système actuel de first-past-the-post. « Vingt, c’est bien raisonnable et nécessaire », a-t-il justifié. Une consultation publique est imminente : « D’ici quelques jours, les gens pourront faire des suggestions. »

Sur le Best Loser System (BLS), un consensus nuancé émerge avec Navin Ramgoolam. « On est d’accord sur la proportionnelle et le fait que le BLS a joué son rôle dans le passé, mais c’est dépassé », a-t-il dit. Navin Ramgoolam envisage une suppression immédiate, mais Paul Bérenger plaide pour une transition : « L’être humain n’est pas toujours rationnel. Dans une communauté en particulier, il y a encore une frayeur. [...] J’aurais préféré qu’on garde les quatre premiers sur la base communale au moins pour la première élection après la réforme électorale. Là, les gens se sentiront à l’aise et on pourra l’éliminer. Je préfère passer par cette étape. »

Il a tempéré : « Mais il n’y a pas de désaccord entre Navin Ramgoolam et moi, ni sur la réforme électorale, ni sur le BLS. »

Sécurité et justice : vers une refonte des nominations

La création d’une National Crime Agency (NCA) se positionne comme deuxième priorité. « On est totalement d’accord et nous voulons agir le plus rapidement possible. ‘Travay pe fer for for.’ La NCA disposera de larges pouvoirs, absorbant la Financial Crimes Commission (FCC) tout en reprenant certaines compétences de la police. Ce sera une loi majeure pour le pays », a expliqué Paul Bérenger. La finalisation est envisagée avant mars 2026.
Des ajustements sont également prévus pour la police et les prisons. « Il y aura des changements, un nouveau souffle des deux côtés. Nous discutons encore des nominations à venir et nous prendrons le temps nécessaire, mais c’est une de nos priorités », a indiqué Paul Bérenger.

Concernant le commissaire de police, dont le contrat a été prolongé d’un an, il a précisé : « Quand un Premier ministre renouvelle un contrat d’un an, je ne vais pas dire d’aller l’annuler. Un contrat d’un an ne signifie pas qu’il durera forcément un an, mais je ne veux pas dire quoi que ce soit qui puisse miner l’autorité du commissaire de police. La prison, c’est autre chose. »

Sur les nominations en général, il a insisté sur une coordination étroite avec Navin Ramgoolam : « Chaque nomination, ou presque, a été discutée avec le Premier ministre. Je ne demande pas de miracle du jour au lendemain. Il y a beaucoup de postes à pourvoir et il faut le faire correctement. Certaines nominations ont été mal faites par le passé, et il faut laisser le temps d’apporter les changements nécessaires. »

Relance d’Air Mauritius sous la houlette de Megh Pillay

Le troisième engagement concerne Air Mauritius (MK) et ses filiales. Après des discussions approfondies, un accord a été scellé sur le rôle de Megh Pillay, président exécutif d’Airport Holdings Ltd (AHL), propriétaire d’Air Mauritius.

« Nous nous sommes mis d’accord sur le rôle précis de Megh Pillay. Il y a des obstacles, pas dans le gouvernement, mais autour. Aujourd’hui, nous avons clarifié les points, notamment le rôle de la holding AHL et de ses filiales, et nous commençons à les appliquer. De nouveaux conseils d’administration seront nommés pour permettre à MK de repartir sur de nouvelles bases », a détaillé Paul Bérenger. 

« Je ne suis pas bloqué sur la légalisation du gandia »  

La lutte contre la drogue, fléau accentué par l’essor des synthétiques bon marché, nécessite une accélération. Une loi récente et une nouvelle organisation ont été mises en place, mais des lenteurs et un certain cafouillage persistent. « On veut relancer et intensifier notre combat contre la drogue, et il y aura de nouvelles nominations, mais c’est plus facile à dire qu’à faire », a reconnu le leader des mauves. Des changements sont prévus, notamment au sein de la National Agency for Drug Control (NADC), sans remplacement immédiat de son président, Sam Lauthan : « À ce stade, il n’y a pas de décision pour remplacer Sam Lauthan. Des changements auront lieu, mais je ne cite aucun nom pour le moment. »

Concernant le cannabis, Paul Bérenger plaide pour un « débat cool et informé » avant toute position gouvernementale. La décriminalisation des consommateurs est déjà effective de facto – « les magistrats n’envoient plus les consommateurs en prison » –, mais une révision législative reste nécessaire. Il n’exclut pas la légalisation : « Je ne suis pas bloqué sur la légalisation du gandia, et je regrette que le débat ait dérapé sur le pour ou contre. » La situation s’aggrave dans la région, « ce n’est pas qu’à Maurice ».

Pas de dynastie au MMM

Paul Bérenger a fermement démenti les accusations de népotisme, notamment concernant sa fille Joanna Bérenger, députée et Junior Minister à l’Environnement. « Il n’y a pas de dynastie au MMM, et il n’y en aura jamais. Je n’ai jamais favorisé Joanna dans son parcours politique », a-t-il assuré. 

De préciser : « Je ne mets pas d’obstacle sur son chemin, mais je ne la favorise pas non plus. J’admire son engagement et son travail depuis qu’elle s’est investie dans la politique active. » Il a salué l’« aile jeune » du MMM et les jeunes talents de Maurice comme « l’avenir du parti et du pays ».

Concernant les instances internes, il a démenti tout contournement du bureau politique : « Il a été dit que j’aurais organisé une réunion du comité central pour éviter le bureau politique. C’est faux. Le vendredi 14 novembre, j’ai dit à Rajesh Bhagwan que nous devions organiser un BP le samedi matin et un CC l’après-midi. Rajesh Bhagwan a suggéré de décaler à lundi pour laisser retomber les tensions, et c’était un bon conseil. Tous les membres du BP participent naturellement au comité central. » 

Hausse de prix : « Nous pouvons juste en limiter l’impact »

Sur l’inflation importée, il a adopté un ton pragmatique : « On ne peut pas empêcher les hausses de prix quand elles viennent de l’étranger. Ce que nous pouvons faire, c’est en limiter l’impact et l’ampleur. Il y a une inflation mondiale, et aucun commerçant n’importera à perte. Nous allons voir ce qu’il est possible de faire, mais nous ne pouvons pas promettre à la légère ce qui est irréalisable. »

Affaire Ravatomanga : l’« embarras » de Bérenger

Interrogé sur la participation du député de la majorité et avocat Khushal Lobine à l’équipe juridique du milliardaire Mamy Ravatomanga, Paul Bérenger a déclaré : « Je préfère regarder ailleurs, mais il est vrai qu’un avocat prête serment pour défendre n’importe qui. Cependant, jamais un avocat du MMM n’a défendu un trafiquant. Ici, nous avons un avocat du gouvernement qui défend Mamy. Bien sûr que c’est une source d’embarras. » 

Macron à Maurice : échanges positifs et coopération triangulaire en vue

La visite d’Emmanuel Macron a été qualifiée de « formidable ». Les échanges avec le président français, courts mais jugés « extrêmement positifs », ont porté sur l’océan Indien, notamment la lutte contre la drogue, la pêche illégale et les menaces politiques, dans le cadre d’une coopération triangulaire France-Inde-Maurice. « J’ai pris note avec beaucoup d’intérêt qu’il a évoqué la possibilité d’un travail triangulaire entre la France, l’Inde et Maurice. Je pense qu’il y a un réel potentiel pour l’avenir », a commenté le Premier ministre.

Sur la question de Tromelin, il a précisé : « La position de la France ne change pas, mais nous sommes d’accord, le PM et moi, que nous ne ferons pas de propositions hâtives. Mais nous y travaillerons dans les jours à venir, tout en veillant, autant que possible, à préserver nos excellentes relations avec la France. »

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