À Cité La Cure : le spectre d’un désastre hante les habitants

Des centaines de personnes craignent l’arrivée en puissance de Berguitta. Elles savent déjà que leurs abris de fortune ne résisteront pas aux fortes rafales. Leur souci principal, pour le moment, c’est de mettre leurs enfants à l’abri. L’inquiétude et la peur gagnent du terrain. Reportage.

Il est 15 heures, ce mardi 16 janvier, quand le temps se détériore subitement. Les rayons du soleil qui faisaient dire à certains sceptiques que l’avertissement de cyclone de classe II n’était pas nécessaire, disparaissent. Ils font place à une forte pluie et un vent violent. Les enfants qui jouaient ici et là courent pour chercher refuge. Hommes et femmes, à Cité La Cure tentent tant bien que mal de consolider leurs portes et fenêtres, pour empêcher la pluie d’envahir les maisons.

Joshua, 8 ans, insouciant, continue de jouer près de la rivière. Il observe le courant et explique : « Taler kan pou ena gro lapli sa larivier la pou ranpli net, lerla partou pou noye ». Il nous montre quelques amas de bois et de tôles dans la cour. « Ti ena enn vie gran-mer ti res la, gro lapli ti kas so lakaz. » Il se rappelle en détail les dernières inondations et nous confie qu’il a peur. « Kan ena inondasyon nou bizin sove. Nou kit tou nou ban zafer nou al dan sant. Apre kan nou retourn kot nou parfwa nou pena narnie. Tou inn perdi ou inn gate. » Il nous explique que cette fois, il ne s’en ira pas sans sa bicyclette.

Un appel pour les nouveaux-nés

Selon les dernières prévisions, Berguitta sera un violent cyclone. À Cité La Cure, les familles savent déjà qu’elles devront quitter leur domicile. Cependant, parmi ces futurs sinistrés, des nouveaux-nés viennent pointer le bout de leur nez, comme chez la famille Suleya. Le petit bonhomme n’a que quelques jours et sa maman - qui a accouché par césarienne - peine à se lever du lit. C’est donc la grand-mère qui vient à la rescousse. Elle demande aux autorités de porter une attention particulière aux bébés. « Comment pouvons-nous apporter un bébé de quelques jours dans un endroit à risques ? Je pense que les autorités devraient prendre des mesures pour ces bébés encore fragiles et qui ont besoin d’être protégés… »

Pas assez de centres dans la région

Les habitants de Cité La Cure déplorent le fait qu’il n’y ait pas assez de centres de refuge dans la région. « Il y a beaucoup de squatters qui habitent ici. Deux centres sont opérationnels pour ceux qui habitent sur le flanc de la montagne et à Cité Tôle, mais qu’en est-il des habitants de Marjolain ? Aucun centre n’a été mis à notre disposition. Le centre municipal le plus proche restera fermé, et au centre communautaire nous ne sommes pas les bienvenus  », déplorent-ils. Alors que certains ont commencé à ramasser quelques effets personnels dans un grand sac, d’autres estiment qu’il ne vaut pas la peine de consolider les maisons. « Ki serti pou fer tou sa la, kan delo la vini li rant partou e mouy tou nou zafer », crient deux mères désabusées.

Les enfants les premières victimes

Bien qu’au centre communautaire les officiers aient expliqué aux habitants qu’ils ne pourront s’y réfugier, certaines personnes ont décidé de faire fi des instructions et restent sur place. Parmi les sinistrés, de nombreux enfants. Virginie L’Espar y est également avec ses trois enfants, dont des jumelles âgées de deux ans. L’une est atteinte de trisomie 21. Elle explique que même si le cyclone n’a pas encore fait de gros dégâts, elle veut mettre ses enfants dans un lieu sûr. Elle n’a pas d’autre choix que de venir se cacher ici. Effectivement, de nombreux enfants sont venus au centre. Ils n’ont rien apporté, aucun vêtement, ni sac. Ils attendent que quelqu’un vienne leur apporter un peu de nourriture.

Daniel Laurent, lord-maire : « S’il y a urgence, nous ouvrirons d’autres refuges »

Sollicité par notre rédaction après les doléances exprimées par des habitants de Marjolain, le lord-maire Daniel Laurent explique que le centre social de Cité La Cure ne figure pas sur la liste des centres de refuge. « Nous avons une liste de centres qui accueillent les sinistrés et nous devons la respecter. Éventuellement, s’il y a des urgences et que nous devions augmenter le nombre de centres de refuge, nous le ferons.

Pour cela, il nous faudra obtenir l’aval du National Crisis Committee, car cela aura de nombreuses implications ». Daniel Laurent ajoute qu’il a effectué un état des lieux de Cité La Cure et des régions avoisinantes. « Les employés municipaux et moi sommes mobilisés sur le terrain et ferons de notre mieux pour apporter notre soutien aux Portlouisiens », assure-t-il.  À l’heure où nous mettions sous presse, des policiers transféraient les familles entassées dans la cour du centre social de Cité La Cure vers Sainte-Croix, malgré les protestations des habitants.