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Réseaux sociaux et mineurs : le débat relancé à Maurice

Dr Avinash Ramtohul, ministre des Technologies de l’information et de la communication.

L’Australie a franchi une étape majeure en matière de cybersécurité et de protection des mineurs en interdisant l’accès aux réseaux sociaux aux moins de 16 ans. La mesure est entrée en vigueur le 10 décembre.

Elle est présentée par les autorités australiennes comme une réponse aux risques croissants liés au cyberharcèlement, à la dépendance numérique et à l’exposition précoce à des contenus nocifs. Cette décision a suscité de nombreuses réactions dans le monde. À Maurice, cette initiative ravive le débat sur la manière de mieux protéger les jeunes dans l’espace numérique, tout en respectant les droits fondamentaux.

La question a été abordée à l’Assemblée nationale, lors de la séance du mardi 2 décembre, à travers une question parlementaire portant sur les risques en ligne, le cyberharcèlement et les violences numériques, parfois associées à des drames humains. Intervenant à cette occasion, le ministre des Technologies de l’information et de la communication, Dr Avinash Ramtohul, a reconnu une augmentation constante des incidents liés à la cybercriminalité durant les trois dernières années, affectant particulièrement les enfants, les adolescents et les personnes vulnérables.

Tout en rappelant que la Cybersecurity and Cybercrime Act 2021 prévoit déjà des dispositions légales dissuasives, le ministre a indiqué que le gouvernement travaille actuellement sur des amendements à cette législation, afin de mieux répondre à l’évolution rapide des menaces numériques. Il a également confirmé que la possibilité de mettre en place un régulateur indépendant de la sécurité en ligne, inspiré de modèles étrangers, fait l’objet d’analyses et de consultations.

En revanche, sur la question sensible d’une restriction des réseaux sociaux pour les moins de 16 ans, le ministre adopte une approche mesurée. « L’Australie a son propre contexte. À Maurice, nous examinons les différentes options qui s’offrent à nous, mais il est clair que nous n’irons pas dans cette direction », indique le ministre. Selon lui, une interdiction totale soulèverait de nombreux défis, notamment en matière de faisabilité technique, de protection de la vie privée et de respect de la liberté d’expression, garantie par la Constitution. Il estime aussi qu’une telle restriction pourrait avoir un effet pervers en poussant les mineurs vers des plateformes non régulées, plus difficiles à contrôler.

Le ministre se veut toutefois rassurant et insiste sur la volonté du gouvernement de renforcer la sécurité numérique sans dérive ni stigmatisation des jeunes. Il rappelle que le programme Cyber Child Online Protection a été lancé récemment afin de mieux encadrer l’accès des enfants aux contenus numériques. Dans cette optique, de nouvelles mesures sont attendues dans les prochains mois, notamment à travers des mises à jour technologiques sur les routeurs et les systèmes d’accès à Internet, permettant de limiter plus efficacement l’exposition à des contenus dangereux ou illégaux.

Ces évolutions feront l’objet de consultations élargies. Après une première session organisée en mars avec des organisations non gouvernementales et des jeunes, une nouvelle série de discussions est prévue. Cette fois ce sera avec la participation du ministère de l’Éducation et du ministère de l’Égalité des genres et de la Protection de la famille. Pour le ministre, ces échanges sont essentiels afin d’aboutir à des décisions équilibrées, basées sur le dialogue et l’inclusion. « Il s’agira d’un véritable partage d’idées, mais aussi d’un ancrage pour des décisions futures », explique Avinash Ramtohul, précisant que toute évolution se fera dans la transparence, avec une révision des lois si nécessaire. Il insiste sur le fait que la stabilité numérique est indissociable de la stabilité sociale et économique du pays.

Pour le gouvernement, l’enjeu est clair : protéger les enfants et les jeunes des dérives du numérique, sans compromettre les libertés fondamentales ni freiner l’inclusion numérique. Un équilibre délicat, mais jugé indispensable à l’heure où les plateformes numériques occupent une place centrale dans la vie quotidienne.

Ritesh Poliah : «Maurice ne peut pas copier-coller ce modèle»

riteshPour le pédagogue Ritesh Rao Poliah, Maurice ne pourra pas adopter une mesure aussi radicale que l’interdiction des réseaux sociaux aux moins de 16 ans, en raison de contraintes sociales, culturelles et juridiques propres au pays. Selon lui, si la question de la sécurité numérique des jeunes est légitime, la réponse ne peut pas être la restriction.

À Maurice, explique-t-il, le téléphone portable chez les jeunes n’est plus perçu comme un luxe. « Ce n’est pas une nécessité, c’est devenu une obligation, avec des effets néfastes à long terme. » L’outil est désormais profondément ancré dans le quotidien des adolescents, que ce soit pour la communication, l’accès à l’information ou même à certaines activités scolaires.

Le pédagogue rappelle que l’Australie n’est pas le seul pays à avoir instauré des restrictions. « Le Japon a également mis en place un système de “Mobile Restriction” pour les 12–15 ans, surtout durant les heures de classe et à certaines heures de la nuit », indique-t-il. Toutefois, ces mesures reposent sur des cadres juridiques et sociétaux différents. À Maurice, estime-t-il, une telle approche risquerait de susciter de fortes appréhensions.

Il cite notamment l’exemple de l’interruption du réseau Internet en 2024, qui avait provoqué une détresse notable chez de nombreux jeunes. « Nous avons vu des adolescents souffrir parce qu’ils ne pouvaient plus se connecter. Ce qui montre à quel point la dépendance est déjà installée. » Selon lui, les lois mauriciennes ne sont pas adaptées pour ce type de décision, ce qui rend toute interdiction difficilement applicable.

Ritesh Poliah attire l’attention sur les conséquences négatives de l’usage excessif du téléphone portable et des réseaux sociaux, tant sur le plan personnel qu’éducatif. Il évoque une hausse des cas de bullying et de harcèlement en ligne, des phénomènes qui touchent désormais des tranches d’âge de plus en plus jeunes. « Ces derniers mois, plusieurs situations alarmantes ont été rapportées. Ce sont des signaux qu’il ne faut pas ignorer », estime-t-il.

Pour le pédagogue, la solution passe avant tout par une approche globale, combinant restrictions ciblées, encadrement éducatif et dialogue constant. « Il doit y avoir une vraie concertation entre les autorités et les parents, afin de mieux comprendre les enjeux et d’agir de manière cohérente. » Il plaide pour une responsabilisation collective plutôt qu’une interdiction généralisée.

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