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Fraude et détournement de fonds : les diverses facettes de la criminalité financière 

Selon Me Rubesh Doomun, l’examen international de ces infractions exige des pratiques consciencieuses conformes aux normes internationales convenues.
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Depuis novembre 2020, notre judiciaire s’est doté d’une Financial Crimes Division. Comment notre législation définit-elle la fraude et le détournement de fonds ? Quels sont les types de fraude ? Quelles sont les sanctions pour ces délits ? Le point avec trois légistes. 

Me Rubesh Doomun.
Me Rubesh Doomun.

Trancher les affaires liées à la criminalité financière. À cette fin, une Financial Crimes Division a été mise sur pied à la Cour suprême et à la cour criminelle intermédiaire, suivant un amendement à la législation.

Pour Me Rubesh Doomun de Dentons Mauritius, cette instance judiciaire s’imposait. Il fait ressortir que selon les indicateurs économiques et sociaux (Population and Vital Statistics Republic of Mauritius, January – June 2021), Maurice compte une population estimée à environ 1 266 334 habitants, et un taux de croissance démographique de 0,03 %. « Le législateur a eu raison de croire que la nature de la criminalité à Maurice évoluera en fonction de cette croissance et ainsi prévoir cette division spécialisée. »

Quid des fonds publics ?

C’est le même son de cloche en ce qui concerne les officiers publics reconnus coupables d’avoir détourné les fonds publics. C’est considéré comme une circonstance aggravante, entraînant une peine plus sévère.
Me Taij Dabycharun fait savoir qu’en vertu de l’article 333(2) du Code pénal, lorsque l'infraction a été commise par un officier public ou un officier ministériel, entre autres, la peine prévue est la servitude pénale pour une durée n’excédant pas 20 ans.

Toutefois, observe Me Rubesh Doomun, dans un récent jugement en date du 30 août 2021, la Financial Crimes Division de la cour criminelle intermédiaire a précisé qu’il n’y a aucun doute que les infractions financières sont une préoccupation sociale croissante. Et que l’examen international de ces infractions exige des pratiques consciencieuses, conformes aux normes internationales convenues. 

Me Ally Meeajun, partenaire de LEX chambers.
Me Ally Meeajun, partenaire de LEX chambers.

En même temps, bien que la loi doive être appliquée rigoureusement, il ne faut pas perturber le juste équilibre entre les droits de l’homme et la nécessité d'éradiquer les maux sociaux.

La fraude

Le droit mauricien ne donne pas de définition unique de la fraude. La fraude est un terme générique utilisé pour définir plusieurs délits, indiquent Me Doomun et ses confrères, Mes Ally Meeajun, partenaire de LEX chambers, et Taij Dabycharun. En vertu du Code pénal, la fraude peut se présenter sous la forme du vol (article 301), de l’escroquerie (article 330), du détournement de fonds (article 333), entre autres, évoquent-ils.

La fraude englobe une grande variété de crimes financiers, dit Me Ally Meeajun. Des exemples comprennent le détournement de fonds, l’escroquerie, le vol… mais la fraude pourrait également impliquer des infractions commises en vertu de l’Income Tax Act, de la Financial Intelligence and Anti-Money Laundering Act (FIAMLA), de la Prevention of Corruption Act (PoCA), de la Banking Act, entre autres. « Pour le dire simplement, la fraude serait toute tromperie injustifiée ou criminelle destinée à entraîner un gain financier ou personnel », résume l’homme de loi.

Sanctions pour détournement de fonds

Les trois légistes précisent qu’une personne reconnue coupable de détournement de fonds risque une amende ne dépassant pas Rs 100 000. Dans certains cas, où il y a des facteurs aggravants, souligne Me Ally Meeajun, la loi prévoit également une peine d’emprisonnement n’excédant pas 20 ans. 

En cas de verdict de culpabilité pour vol, dit Me Taij Dabycharun, la personne risque une peine d’emprisonnement et une amende pouvant aller jusqu’à Rs 100 000. L’escroquerie est, elle, sanctionnée d’une servitude pénale de 20 ans au maximum et d’une amende ne dépassant pas Rs 150 000.

La loi sur les sociétés donne également une définition de la fraude, fait valoir, de son côté, Me Taij Dabycharun. « Celle-ci inclut les activités commises sciemment par une personne avec l’intention de nuire aux créanciers de la société en utilisant de faux prétextes pour inciter une personne à donner crédit à l’entreprise ; le transfert de propriété malhonnête ; la cession frauduleuse d’une charge à une propriété de l’entreprise. » 

Me Taij Dabychacun.
Me Taij Dabychacun.

D’ajouter que le Code civil traite aussi des comportements impliquant la fraude. « C’est-à-dire lorsqu’une personne utilise des actes frauduleux afin d’inciter une partie à s’enrichir sans cause. »
Sous la nouvelle loi, fait, lui, remarquer Me Rubesh Doomun, un crime financier a une définition très distincte. Il s’agit d’une infraction commise en vertu d’une loi spécifiée dans la « Sixth Schedule » de la Courts Act, que ledit crime financier y soit lié ou accessoire. Ces lois incluent l’Asset Recovery Act, la Banking Act, la Companies Act, la FIAMLA, la Financial Services Act et l’Insurance Act. 

Par ailleurs, poursuit Me Doomun, le Directeur des poursuites publiques (DPP) peut, à sa discrétion, décider si un crime financier sera porté devant la Financial Crimes Division de la Cour suprême ou celle de la cour criminelle intermédiaire. D’ajouter que dans l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire, le DPP peut examiner si l’infraction a des ramifications internationales ou implique une séquence complexe de virements bancaires ou de transactions commerciales, ou encore des structures complexes de propriété, d’entreprise et de procuration. 

Détournement de fonds

« Le délit existe dès le moment où le détournement a été commis au préjudice d’un tiers ayant un droit quelconque sur la chose détournée », fait savoir Me Rubesh Doomun. 

Pour être délictueux, le détournement doit avoir été commis avec une intention frauduleuse. C’est un élément essentiel de l’infraction. 

Cette intention réside dans la connaissance qu’a le contrevenant de violer l’engagement qu’il a pris de restituer la chose confiée, de la représenter ou de lui donner l’affectation convenue. Et, ainsi, de causer ou de risquer de causer un préjudice à autrui.

Néanmoins, précise Me Rubesh Doomun, « il n’y aurait pas de délit à moins que l’argent n’ait été remis en vertu d’un accord qui relève de l’un des contrats limitativement énumérés à l’article 333 du Code pénal ». 

L’homme de loi s’explique. « Ce délit ne consiste pas simplement à s’approprier frauduleusement une chose appartenant à autrui et dont on avait la possession ou la garde. Il faut encore que la remise de cette chose ait été faite en exécution de l’un des contrats limitativement énumérés par l’article 333 du Code pénal. »

Employeur lésé

Lorsque l’infraction (détournement de fonds) a été commise par une personne en service percevant un salaire au préjudice de son employeur, la loi prévoit une peine plus sévère, déclare Me Ally Meeajun, considérée comme une circonstance aggravante. Cependant, la poursuite devra prouver l’élément aggravant en tant qu’autre élément de l’infraction. 
La personne reconnue coupable encourt une peine d’emprisonnement pour une durée n’excédant pas 20 ans, renchérissent Me Rubesh Doomun et Ally Meeajun.
Me Taij Dabycharun d’ajouter que l’article 309 du Code pénal prévoit une peine de prison n’excédant pas 12 ans s’il y a eu vol au préjudice de l’employeur.

 

  • LDMG

 

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