Forum sur la coopération Chine-Afrique - Zhu Liying : «Maurice pourra jouer un rôle crucial de plaque tournante dans les échanges entre la Chine et l’Afrique»

Le sommet du Forum sur la coopération sino-africaine se tiendre du 4 au 6 septembre à Beijing. Le thème est : s’associer pour promouvoir la modernisation et construire une communauté d’avenir partagée Chine-Afrique de haut niveau. Une conférence dans cette optique a été organisée le jeudi 29 août à Ébène par l’ambassade de Chine à Maurice.

La coopération entre la Chine et Maurice s’inscrit dans une dynamique représentée par le Forum sur la coopération sino-africaine (FOCAC). Elle a déjà été caractérisée par le dialogue au sommet sino-africain en marge du sommet des BRIC. Et aussi par le lancement de trois projets en faveur de l’Afrique : industrialisation, modernisation agricole et formation des talents par le président chinois Xi Jinping. C’est ce qu’a déclaré Zhu Liying, ambassadeur plénipotentiaire de Chine à Maurice. Entre les deux pays, c’est une longue histoire d’amitié et de coopération qui a commencé par le soutien de la Chine à la construction de grandes infrastructures publiques. Elles incluent l’aéroport de Plaisance, l’autoroute Port-Louis–Curepipe, les travaux de tout-à-l’égout, les nouveaux locaux de la MBC et plus récemment la smart city de JinFei. 

Maurice est le premier pays africain à avoir signé un accord de libre-échange avec la Chine depuis le 1er janvier 2021. Le Mauritius-China Free Trade Agreement (FTA) avait été signé en octobre 2019 à Beijing. Cet accord offre une garantie institutionnelle afin d’approfondir les relations économiques et commerciales entre la Chine et Maurice. L’accord comprend quatre volets principaux qui concernent le commerce des marchandises, le commerce des services, l’investissement, et la coopération économique. 

Marché chinois

Avec l’entrée en vigueur de ce FTA, Maurice bénéficie d’un accès immédiat en franchise de droits sur le marché chinois. C’est pour quelque 7 504 lignes tarifaires en ce qui concerne les marchandises. Les droits de douane sur 723 lignes tarifaires supplémentaires seront progressivement supprimés sur une période de cinq à sept ans à compter du 1er janvier 2021. En outre, un contingent tarifaire de 50 000 tonnes de sucre sera mis en place graduellement sur une période de huit ans, avec une quantité initiale de 15 000 tonnes. 

« Que ce soit sur le plan politique ou économique, la Chine et Maurice donnent l’exemple dans des relations internationales quant aux principes de l’égalité, du respect, du soutien mutuel et des avantages partagés », souligne l’ambassadeur Zhu Liying. La Chine et Maurice sont liés par le FTA au niveau africain. « Ce FTA a permis un développement vigoureux de la coopération économique et commerciale. Le montant annuel de notre commerce bilatéral a dépassé pour deux ans consécutifs un milliard de dollars. L’année dernière, le total des recettes et des paiements transfrontaliers en yuan a dépassé 20 milliards de yuans, soit une augmentation annuelle de 18 %. Maurice pourra ainsi jouer un rôle crucial de plaque tournante dans les échanges entre la Chine et l’Afrique continentale pour la finance, le commerce et l’investissement », commente-t-il.

Plateforme privilégiée

Le grand souhait de l’État mauricien est de s’ériger comme une plateforme privilégiée utilisée par les puissances asiatiques pour lorgner le marché africain continental. Maurice doit se donner les moyens : la formation des compétences. Le pays doit accompagner ces puissances dans leur quête africaine. Le pays doit atténuer son déficit commercial avec la Chine. Il convient de savoir que les principales destinations des exportations de Maurice en 2023 étaient l’Afrique du Sud (12,7 %), le Royaume-Uni (12,4 %), la France (10,9 %), les États-Unis (10,8 %), l’Espagne (8,2 %), Madagascar (8,1 %) et l’Italie (6,3 %). Les importations provenaient principalement de Chine (15,8 %), des Émirats arabes unis (11,1 %), d’Inde (10,2 %), d’Afrique du Sud (7,3 %), de France (6,1 %), d’Allemagne (3,3 %) et du Japon (3,1 %), indique Statistics Mauritius. 

Il est nécessaire de se concentrer sur des sujets comme le transfert technologique, le renforcement des capacités et les partenariats avec des instituts de formation. « Nous devons mettre à profit le volet services de l’accord pour ouvrir des opportunités dans des domaines cruciaux comme la technologie et la formation. Il est également impératif de créer un répertoire de produits, de services et d’approvisionnement de la Chine et vers ce pays », avait fait valoir le Dr Drishtysingh Ramdenee, secrétaire général de la Chambre de commerce et d’industrie (MCCI). C’était durant la visite de Zhang Shaogangh, vice-président du China Council for the Promotion of International Trade, à Maurice en janvier 2024. La MCCI avait aussi fait ressortir qu’il reste encore beaucoup à accomplir pour permettre aux opérateurs de divers secteurs de bénéficier du FTA. « Bien que les dispositions relatives à la reconnaissance mutuelle des qualifications, à la transparence juridique et règlementaire ainsi qu’à la résolution des litiges et les annexes techniques sur les services financiers ou la mobilité des personnes physiques soient bien présentes dans l’accord, l’accès au marché exige un savoir-faire et une connaissance du marché qui ne peuvent être acquis qu’auprès des opérateurs. »

Territoire stratégique

Avec le FTA, la Chine avait pris un net avantage sur son voisin et concurrent indien, en donnant une première place à l’île Maurice. Pour la Chine, Maurice n’est pas qu’un micromarché, mais surtout un territoire stratégique dans l’océan Indien et en Afrique. Concernant le sommet, qu’il soit présidentiel ou ministériel, il permettra de passer en revue les promesses et les engagements pris lors du sommet de Dakar en 2021. Et il permettra de jeter les bases des engagements futurs de la Chine en Afrique. Du côté africain, l’enjeu pour plusieurs pays sera vraisemblablement d’avoir des agendas cohérents, permettant d’obtenir des résultats tangibles. Au-delà des promesses et des soutiens de la Chine, les dirigeants africains espèrent une manne financière. Mais pour obtenir ces milliards de dollars, les pays africains devront prouver la solidité et la stabilité de leur situation macroéconomique quant à la capacité de rembourser leurs dettes.

Ce forum pourrait bien être l’opportunité pour les dirigeants chinois de réaffirmer l’union de vue entre la Chine et l’Afrique en ce qui concerne le système international. Depuis bientôt deux ans et demi, la Chine a lancé plusieurs initiatives – Global Development Initiative, Global Security Initiative, Global Civilisation Initiative – qui mettent en avant la vision chinoise d’un système international reformé. Ce vœu est partagé par plusieurs pays africains qui n’ont pas toujours trouvé leur compte dans l’ordre international actuel. 

L’appel à la réforme, pour plus de justice, d’équité et reflétant les aspirations et les réalités d’un monde multipolaire en pleine mutation, est porté par une grande partie des pays du Sud. Étant perçue comme le « leader » de ces pays du sud, la Chine profite pleinement de ces forums qui lui permettent de communiquer son message et de créer des alliances politiques pour porter cet appel. Dans l’immédiat et malgré les conséquences financières de la COVID-19, les dirigeants de la Chine s’en tiennent aux objectifs de l’ancienne route de la soie. 

« Durant ces dix années, nous nous sommes efforcés de construire un réseau mondial de connectivité composé de corridors économiques, de voies de transport internationales et d’autoroutes de l’information, ainsi que de chemins de fer, de routes, d’aéroports, de ports, d’oléoducs et de réseaux électriques. Couvrant la terre, l’océan, le ciel et l’Internet, ce réseau a stimulé les flux de marchandises, de capitaux, de technologies et de ressources humaines entre les pays concernés et a insufflé une nouvelle vitalité à la route de la soie, vieille de plusieurs millénaires. »